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Je me réveille dans des draps de satin, nauséeuse et couverte de sueur. Mon premier mouvement conscient consiste à me jeter au bord du matelas; je me penche et vomis sur l'épaisse moquette rouge. J'en suis encore à cracher et baver qu'un garçon s'emploie déjà à nettoyer à la serpillière.

-Le gaz soporifique ne fait pas le même effet à tout le monde, dit il doucement.

-Le gaz soporifique? bredouillais je.

Avant que je m'essuie la bouche sur la manche en dentelle blanche de ma chemise, il me tend une serviette, rouge vif elle aussi.

-Il est diffusé par la ventilation de la limousine. Afin que vous ignoriez où vous allez.

Je me rappelle de la vitre nous séparant de l'avant de la voiture. Probablement étanche, donc. Jeep souviens vaguement du souffle d'air sortant des parois latérales.

-L'une des autres filles, poursuit le garçon tout en vaporisant une mousse blanche là où j'ai vomis, a voulu se jeter par la fenêtre de sa chambre tant elle était désorientée. Mais les vitres sont verrouillées, bien sûr. Et blindées.

En dépit des horreurs qu'il profère, il a une voix calme, presque compatissante.

Je jette un coup d'œil à la fenêtre par dessus mon épaule.

Elle est solidement fermée. Dehors, le monde est vert et bleu ciel, dans des tons plus vifs que chez moi, où tout n'est que terre nue; du jardin de ma mère, que je n'ai pas réussi à entretenir, il ne reste qu'une friche.

Quelque part dans ce couloir, une femme pousse un cri.

Le garçon se raidit en un instant. Puis il recommence à essuyer la mousse.

-Je peux le faire, proposé-je.

Il y a un instant, je me moquais bien de salir quoi que ce soit: je sais que je suis ici contre mon gré. Mais je sais aussi que ce garçon ni et pour un rien. Il ne peut s'agir d'un des Ramasseurs en manteau gris qui m'ont conduite jusqu'ici: il est trop jeune, il doit avoir mon âge. Si ça se trouve, il n'a pas choisi non plus d'être ici. Je n'ai jamais entendu parler de disparitions d'adolescents mâles, mais jusqu'à il y a cinquante ans, quand le virus est apparu, les jeunes filles ne craignaient rien non plus.

Personne ne craignait quoi que ce soit.

-Merci, mais j'ai terminé, dit-il.

Quand il enlève la serpillère, il ne reste pas la moindre trace.

Tirant sur une poignée logée dans le mur, il ouvre un vide-ordures, y jette le torchon puis referme la trappe. Il remit alors la bombe de mousse blanche dans son tablieret retourneà son occupation première. Il soulève un plateau d'argent qu'il avait posé au sol et le place sur ma table de nuit.

-Si vous vous sentez mieux, voici une collaboration pour vous. Je vous promets que cela ne vous replongera pas dans le sommeil.

On dirait qu'il s'apprête à sourire. Presque. Mais son regard reste grave tandis qu'il soulève le couvercle métallique couvrant un bol de soupe, et un autre qui dissimule une petite assiette de légumes fumants, accompagnés d'une purée qui baigne dans une mare de sauce. On m'a enlevée, droguée et emprisonnée, et voilà qu'on me sert un repas gastronomique.

C'est tellement révoltant que j'en ai presque de nouveau envie de vomir.

-Cette fille, celle qui a tenté de se jeter par la fenêtre...que lui est-il arrivé. demandé-je.

Je n'ose le questionner à propos de la femme qui a crié dans le couloir. Je ne veux rien savoir sur elle.

-Elle s'est un peu calmée.

-Et la troisième?

-Elle s'est réveillée ce matin. Je crois que le gouverneur domanial l'a emmenée visiter les jardins.

Le gouverneur domanial. Le désespoir se rappelle à moi, et je m'écrase contre les oreillers. Les gouverneurs possèdent des manoirs. Ils achètent des épouses aux Ramasseurs, qui sillonnent les rues à la recherche de candidats idéales à kidnapper. Les plus cléùents vendent les laissées-pour-compte à des bordels, mais ceux qui m'ont enlevée les ont rassemblées dans la camionnette pour les abattre. Le premier coup de feu a résonné maintes fois dans mes rêves narcotiques.

-Depuis combien de jours suis-je ici?

-Deux jous, répond le garçon.

Il me tend une tasse fumante; je suis sur le point de la refuser quand j'aperçois la ficelle du sachet se balancer sur le côté et que je sens l'arôme. Du thé. Mon frère Zayn et moi en buvions tous les matins au petit déjeuner, et tous les soirs après le dîner. L'odeur me rappelle la maison. Et ma mère qui fredonnait près du fourneau, en attendant que l'eau frémisse.

Je m'assois péniblement et saisis la tasse. Je la tiens près de mon visage et inspire la vapeur par les narines. J'ai du mal à ne pas éclater en sanglots. Le garçon doit comprendre que je commence à ressentir le contrecoup de ce qui m'est arrivé. Il doit sentir que je suis sur le point de faire quelque chiose de théâtral -me mettre à pleurer ou essayer de me jeter par la fenêtre, comme l'autre fille-car, il se dirige déjà vers la porte. Calmement, sans se retourner, il me laisse à mon chagrin. Mais, au lieu de pleurer, quand j'enfouis mon visage dans l'oreiller, je pousse un cri horrible, primal. Un cri dont je ne me serais pas crue capable. L'expression d'une rage que je n'avais jamais éprouvée auparavant.

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Avis? Votes?

Je souhaite vraiment savoir ce que vous en pensez pour savoir si cela en vaut vraiment la peine que je continue la réécriture.

Merci d'avoir lu :)

Réécriture ©MorganeBie

Éphémère (H.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant