Une fois le dîner terminé, je reste alanguie sur mon lit, en chemise de nuit blanche, pendant que Deirdre masse mes pieds endoloris. Je suis trop épuisée pour lui dire d'arrêter, et c'est très relaxant. Elle est agenouillée à côté de moi, si légère qu'elle s'enfonce à peine dans mon édredon moelleux.
Je m'allonge sur le ventre, m'agrippant à un oreiller, et elle s'ataque à mes mollets; c'est exactement ce qu'il me faut après toutes ces heures passées en talons hauts. Elle a également allumé des bougies, qui font flotter dans la chambre une odeur chaude de fleurs inconnues. Je suis si détendue que je laisse échapper ces paroles sans me soucier de l'effet produit:
-Alors, comment ça se passe, la nuit des noces? Il nous fait défiler pour en choisir une? Il nous assome au gaz soporifique et nous fourre toutes les trois dans son lit?
Deirdre ne semble nullement offensée par ma grossièreté.
C'est patiemment qu'elle répond:
-Oh! Le gouverneur domanial ne consommera pas cette nuit avec ses épouses. Pas tant que Lady Rose...
Elle ne finit pas sa phrase.
Je me lève juste assez pour pouvoir la regarder par-dessus mon épaule.
-Comment-ça?
Un profond émoi se lit sur le visage de Deirdre, tandis que ses épaules se soulèvent au rythme du massage de mes jambes fatiguées.
-Il est très amoureux d'elle, explique-t-elle tristement. Je ne pense pas qu'il rende visite à ses nouvelles épouses tant qu'elle sera en vie.
En effet; le gouverneur Harry ne vient pas dans ma chambre, et une fois Deirdre partie après avoir soufflé les bougies, je finis par m'endormir. Mais au petit matin, je suis réveillée par le bruit de la porte qui s'ouvre; ces dernières années, mon sommeil est devenu très léger, et sans toxines soporifiques dans mon organisme, j'ai recouvré ma vivacité habituelle. Je reste pourtant sans réagir. J'attends, les yeux écarquillés, rivés sur le puits de ténèbres de la porte qui s'ouvre.
La chevelure bouclée de la silhouette me permet d'identifier Harry.
-Rhine?
C'est la deuxième fois dans notre histoire de notre mariage qu'il prononce mon prénom. J'ai envie de l'igniorer, de faire mine de dormir encore, mes j'ai l'impression que mes battements de coeur terrifiés s'entendent depuis le palier. C'est irrationnel, mais pour moi, une porte entrouverte est encore synonyme de Ramasseurs venus m'abattre ou me kidnapper. En outre, Harry voit que j'ai les yeux ouverts.
-Oui.
-Lève-toi, dit-il doucement. Et passe un vêtement chaud: j'ai quelque chose à te montrer.
Un vêtement chaud! Cela doit signifier qu'il compte m'emmener dehors.
Il a la délicatesse de ressortir, afin que je puisse me vêtir en privé. La penderie s'illumine quand j'ouvre la porte, révélant des rayons contenant une profusion de vêtements que je n'avais pas remarquée la dernière fois. J'opte pour un pantalon noir chaud et confortable, et un pull incrusté de perles, sans doute l'oeuvre de Deirdre.
Quand j'ouvre la porte, qui n'est plus verrouillée de l'extérieur comme avant le mariage, Harry m'attend dans le couloir. Il me sourit, me prend le bras et me conduit à l'ascenseur.
La succession de couloirs est effrayante, dans cette maison.
J'ai la certitude que même si la porte d'entrée était laissée ouverte pour que je m'enfuie, je ne saurais jamais la retrouver. J'essaie de mémoriser ma position actuelle: un long couloir ordinaire, doté d'une moquette verte qui semble neuve. Les murs sont blanc crème, avec des motifs du même genre que dans ma chambre.
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Éphémère (H.S)
FanfictionL'humanité croyait son avenir assuré. La science avait créé des enfants parfaits, immunisés contre toutes les maladies. Mais qui pouvait imaginer l'en prix à payer? Car désormais, personne ne survit au delà de 25 ans. Le monde a changé. Pour les jeu...