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En fin de matinée, elle a réussi à convaincre Harry qu'elle se sent délaissée, et que s'il ne l'aide pas à progresser aux échecs, elle va se mettre à pleurer. Il ne veut surtout pas qu'elle pleure, de peur qu'elle fasse une fausse couche.

Et me voici avec une petite marge de liberté.

Je goûte ce retour de calme un moment, dérivant au gré de rêves d'été. Tout n'y est que chaleur et lumière. Les mains de ma mère. Mon père jouant du piano. Ma petite voisine, dont j'entends la voix bourdonner dans le pot de yaourt.

C'est alors que résonne une autre voix. J'ouvre les yeux si vite que la pièce danse toute seule.

-Rhine?

Les mots de Niall peuvent m'atteindre où que je sois. Même au beau milieu d'un ouragan.

Pour l'heure, il est sur le pas de la porte, couvert de bleus et d'écorchures, et porte quelque chose dont je ne devine pas la nature. Je m'efforce de me redresser, sans vraiment pouvoir y parvenir, et il vient s'asseoir à coté de moi. Nous ouvrons la bouche en même temp, et je lui coupe l'herbe sous le pied.

-Je suis désolée.

Il pose ce qu'il tenait sur le li, prend ma main dans les siennes, et je revis la sensation de sécurité absolue qui était mienne quand je suis tombée dans ses bras.

-Ça va? demande-t-il.

C'est une question simple. Et comme il m'a sauvé la vie, quelles qu'en soient les conséquences, je lui dis la vérité.

-Non.

Il m'étudie un instant, et je n'ose imaginer l'image misérable que je lui présente, mais il semble perdu dans ses pensées. Le fait de me voir l'a visiblement emmené très loin d'ici.

-Qu'y a-t-il? dis-je. A quoi penses-tu?

Le tutoiement est sorti tout seul. Il ne répond pas tout de suite, et finit par dire:

-Vous avez failli disparaître.

Il ne sous-entend pas que j'ai voulu m'évader.

J'ouvre la bouche pour, je ne sais pas, m'excuser de nouveau, peut-être. Mais il prend mon visage entre ses mains et pose son front contre le mien. Il est si près que je sens la chaleur de son souffle court, et je ne souhaite qu'une chose, être aspirer en lui la prochaine fois qu'il inspirera.

Nos lèvres se frôlent, de façon pratiquement imperceptible. Puis le baiser se fait plus appuyé, et nos lèvres reculent, pour entrer de nouveau en contact. Une vague de chaleur inonde mon corps brisé et vient occulter toute douleur. J'enroule mes bras autour de son cou et m'accroche à lui. Je m'accroche, craignant qu'on me l'enlève, car dans cette maison on ne sait jamais quand ce qui nous arrive de bien va nous être retiré.

C'est un bruit dans le couloir qui nous fait nous séparer. Niall se lève, jette un coup d'oeil au-delà du seuil. Puis à la fenêtre. Nous sommes seuls, mais secoués. Coté prudence, le tour est mal joué.

Mon coeur tambourine à mes oreilles, et c'est l'euphorie, non la douleur ou une bourrasque furieuse, qui rend ma respiration difficile. Niall s'éclaircit la voix. Ses joues sont pivoine, et ses yeux comme ensommeillés. Nous avons du mal à nous regarder.

-Je vous ai apporté quelque chose, dit-il en détournant les yeux.

Il me présente ce qu'il tenait à la main quelques instants plus tôt.

C'est un livre noir et épais, avec une mappemonde rouge incrustée sur la couverture.

-L'atlas de Harry? m'exclamé-je, incrédule.

Éphémère (H.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant