-Qui est là? murmure la femme, se qui provoque chez elle une quinte de toux.
J'avance dans la chambre et découvre que cette femme est effectivement seule, allongée dans un lit aux draps de satin. Mais cette pièce est bien plus décorée que la mienne: il y a des photos d'enfants sur les murs, et la fenêtre ouverte laisse pénétrer un courant d'air qui fait agiter les rideaux. Une chambre qui donne l'impression d'être habitée, confortable, et qui n'a rien d'une prison.
La table de nuit est couverte de médicaments, de goutte-à-goutte, de verres vides ou contenant un fond de liquide coloré. La femme se redresse sur un coude et me dévisage. Ses cheveux sont noirs, tout comme les miens, mais ils semblent terne à côté de sa peau jaunâtre. Ses yeux lancent des éclaires.
-Qui es-tu?
-Rhine, dis-je à voix basse en lui révélant mon vrai prénom, car je suis trop bouleversée pour songer à mentir.
-Quel endroit magnifique! commente-t-elle. Tu l'as vu en photo?
Elle délire certainement, car je ne comprend pas ce qu'elle entend par là.
-Non, me borné-je à répondre.
-Tu ne m'as pas apporté mes médicaments, fait-elle remarquer, tout en soupirant et en s'affalant avec grâce dans son océan d'oreillers.
-Non, concédé-je. Voulez-vous que j'aille vous chercher quelque chose?
Il est évident qu'elle n'a pas toute sa tête. Si je trouve un prétexte pour sortir, peut-être pourrais-je regagner ma chambre sans qu'elle se souvienne de mon passage.
-Reste, dit-elle en tapotant le bord de son lit. J'en ai assez de ces fichus remèdes... Ne peuvent-ils donc pas me laisser mourir? Est-ce l'avenir d'épouse que l'on me réserve? Une prison où l'on ne me laissera même pas la liberté de mourir?
Je m'assois auprès d'elle, assaillie par l'odeur de médicament et de décomposition, qui occulte presque totalement une autre fragrance, agréable celle-là. Un pot-pourri fait de pétales de fleurs séchées. Ce parfum harmonieux est tout autour de nous et me fait penser à ma maison.
-Tu es une menteuse, lâche la femme alitée. Tu n'es pal venue ici pour m'apporter mes médicaments.
-Je n'ai jamais dit ça.
-Mais alors, qui es-tu?
Elle tend une main tremblante et touche mes cheveux noirs. Elle se saisit d'une mèche pour l'inspecter, et une douleur atroce emplit son regard.
-Oh... tu es ma remplaçante. Quel âge as-tu?
-Seize ans, réponds-je sans même penser à mentir.
Sa remplaçante? S'agirait-il de l'une des épouses du gouverneur domanial? Elle m'observe un instant, puis la douleur dans son regard laisse la place à autre chose. Une lueur presque maternelle.
-Tu détestes être ici, n'est-ce pas ?
-Oui.
-C'est parce que tu n'as pas encore vu la véranda, dit-elle en souriant, puis elle ferme les yeux.
La main qui tenait ma mèche de cheveux s'affaisse. La femme tousse, et le sang qu'elle crache éclabousse ma chemise de nuit. Dans l'un de mes cauchemars récurrents, je suis censée entrer dans la pièce où mes parents ont été assassinés, et où ils gisent dans une mare de sang frais, mais je reste à jamais sur le seuil, trop terrorisée pour fuir. Je ressens à présent une terreur similaire. Je voudrais partir, être n'importe où sauf ici, mais mes jambes refusent de me porter. Je ne peux que la regarder tousser, souffrir et maculer un peu plus ma chemise. La chaleur de son sang irradie sur mes mains et mon visage.
J'ignore combien de temps cela dure. Finalement, quelqu'un arrive en courant; c'est une femme âgée, une première génération, qui tient une bassine métallique contenant de l'eau savonneuse.
-Oh! Lady Rose, pourquoi ne pas avoir appuyé sur le bouton si vous souffriez?
Je me relève prestement et me rue vers la porte, mais la femme à la bassine ne m'a même pas remarquée. Elle aide la malade à se redresser dans son lit, lui ôte sa chemise de nuit et commence à l'éponger avec l'eau savonneuse.
-Il y a un produit dans cette eau, dit la femme qui tousse. Je le sens. Il y a toujours un médicament dans tout. Laissez-moi donc mourir.
Elle paraît si malheureuse et blessée qu'en dépit de ma propre situation, j'ai pitié d'elle.
-Que faites-vous ici? chuchote une voix dure derrière moi. Me retournant, je vois qu'il s'agit du garçon qui m'a apporté mon repas; il a l'air nerveux. Comment avez-vous fait pour sortir ? Retournez dans votre chambre. Allez, vite!
Voilà une chose qui ne s'est jamais produite dans mes rêves: quelqu'un qui me pousse à agir. Je lui en sais gré. Je regagne en hâte ma chambre restée ouverte, mais en chemin, je percute quelqu'un qui me barre la route.
Levant les yeux, je reconnais l'homme qui m'a saisie par les épaules. Son sourire lance des reflets d'or.
-Et bien, bonjour, fait-il.
Je ne sais que penser de son sourire. Est-il funeste ou amical?
Il lui faut un instant pour remarquer le sang qui macule mon visage et ma chemise de nuit. Il me pousse alors sur le côté et se précipite dans la chambre où la femme est toujours secouée par une quinte de toux.
Je rentre dans ma chambre en courant. Déchirant ma tenue, je me sers des fragments propres pour essuyer le sang sur ma peau, puis je me réfugie sous la couette, les mains plaquées sur les oreillers afin de ne pas entendre des bruits terrifiants. De m'évader de cet endroit horrible.
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Je souhaite vraiment savoir ce que vous en pensez pour savoir si cela en vaut vraiment la peine que je continue la réécriture.
Merci d'avoir lu :)
Réécriture ©MorganeBie
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Éphémère (H.S)
FanfictionL'humanité croyait son avenir assuré. La science avait créé des enfants parfaits, immunisés contre toutes les maladies. Mais qui pouvait imaginer l'en prix à payer? Car désormais, personne ne survit au delà de 25 ans. Le monde a changé. Pour les jeu...