Chapitre 1.

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Je suis un adolescent solitaire : pas seul, solitaire. Peu à l'aise avec les autres, je joue le rôle du mec sûr de lui.  Les gars de mon  âge ne me plaisent pas en général. Leurs seuls sujets de discussion sont généralement les filles et l'alcool.
L'alcool ne me  dérange pas, j'adore boire vite et beaucoup. C'est le moyen le plus efficace que j'ai trouvé pour être anesthésié et dormir.

Les filles : c'est un sujet plus emmerdant. J'aime être avec elles, et généralement celles-ci apprécient plutôt ma présence. Je sais être tendre avec elles, prévenant, protecteur.

Où les choses se compliquent, c'est lorsque l'une d'elles espère autre chose de moi. J'ai  beau essayer de toutes mes forces, je n'y arrive pas. Mon corps ne veut pas, mon sexe ne veut pas, même mon cerveau y est opposé.

Alors, très vite, les rumeurs vont bon train : vu que je n'y arrive pas, il est évident que je suis  puceau. Et les mecs me font chier, n'arrêtent pas de se foutre de ma gueule.
Les filles, elles, se battent pour me faire craquer et moi je bois pour ne pas me foutre en rogne.

Et subitement,  une idée me vient qui résoudrait tous mes problèmes. Reste à voir si elle est jouable.

—Bonjour, beauté !

— Bonjour, mocheté !

— Comment ça va, demandé-je à Isa, comme vingt-cinq fois par jour, pour le seul plaisir de la faire râler.

— Ça allait plutôt pas mal avant que tu arrives, Mattys riposte-t-elle immédiatement.

— Oui, je comprends. J'étais aussi de mauvaise humeur ce matin. Donc je me suis dit : Va faire chier Isa, ça ira mieux après !

— Connard, m'injurie-t-elle.

— A ton service ! Lui dis-je avec une courbette.

Voilà, elle est là mon idée. Isa et moi, c'est la guerre. Nous passons  notre temps à nous insulter,  nous provoquer. Pourquoi ? Tout simplement car Isa est différente, elle ne se laisse pas faire. Et, puisque je la cherche, mes  potes, comme des  moutons, l'emmerdent et  les filles la rejettent pour exactement la même raison.

Cela fait un moment que cela dure.

Au self, je la repère très vite : elle est toujours seule.
J'y vais carrément et m'installe à sa table.

— Dégage Mattys ! s'énerve-t-elle. Laisse-moi manger !

— J'ai envie d'être avec toi, beauté, dis-je en me collant presque à son oreille, comme si j'allais tenter de l'embrasser. Retrouve- moi à la sortie derrière la piscine,  il faut que je te parle. Pas d'arnaque. Fous- moi une claque pour jouer le jeu, je vais t'embrasser.

— Arrête, bordel ! se rebiffe-t-elle en me claquant la joue.

Je me mets à rire comme un salopard. Et vais rejoindre les autres en faisant le malin.

— Elle est sauvage, hein,  Mattys ? m'apostrophe Joe, admiratif.

— Oui, j'adore les tigresses, acquiescé-je.

Maintenant, il ne me reste plus qu'à attendre l'heure de la sortie.

Deux heures pendant lesquelles je n'arrive  pas du tout à me concentrer. Les profs débitent leurs cours sans que je ne les interrompe pour une fois . Je me répète  encore et encore ce que je dois expliquer à Isa.

A la sortie, j'invente un mensonge pour partir tout seul. Sinon y a sûrement un de ces idiots qui va s'incrustrer.

Je fonce droit vers la vieille piscine, m'installe sur un des bancs et allume une clope. Elle a un demi- heure de retard et cela me rend marteau. Quand au loin, j'entends des bruits de pas rapides, elle court.

— Tu es en retard, remarqué-je.

— Non, tu ne m'as pas donné d'heure, persifle-t-elle.

— Alors, pourquoi  courais-tu ? raillé-je.

— J'aurais dû m'en douter, lâche-t-elle blasée. Tu es vraiment un grand malade.

— Excuse-moi, c'était trop facile, éclaté-je de rire.

— Tu voulais me parler, alors vas-y, s'impatiente-t-elle.

— Tu n'en as pas marre que je te fasse chier tout le temps ?

— Non voyons, j'adore ça ! s'exclame-t-elle. Ils sont où ?

— Qui ?

— Tes potes. Tu leur as promis une distraction ? grimace-t-elle. Je me suis bien plantée, je suis vraiment une conne.

— Il n' y a que moi, la rassuré-je. Je t'ai pourtant précisé  pas d'arnaque.

— T'es bizarre aujourd'hui, remarque-t-elle, les bras croisés sur la poitrine. Le truc au self, c'était du grand n'importe quoi.

— C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour te faire passer l'invitation sans que personne ne le sache.

— C'était efficace. C'est juste la raison qui me manque. Tu m'expliques ?

Elle me regarde curieusement, visiblement je l'intrigue.

— As-tu remarqué qu'on ne s'est pas encore insulté ?

—Oui. On appelle cela un miracle, suggére-t-elle, ironique.

— Non. En fait, je fais habituellement exprès de te prendre la tête.

— Rien de nouveau.

— Pour que les gars me laissent tranquille. Pour eux, je suis un mec cool qui fait chier une nana qui lui résiste, expliqué-je.

— C'est un fait, et ?

C'est le moment ou jamais, je respire un grand coup avant de me lancer.

— Je n'ai aucune  envie de sortir avec toi. Ni toi avec moi, il me semble. Quand je t'emmerde avec ça,  ils te laissent tranquille.

— Et comme tu fais ce qu'ils attendent de toi, ils te laissent tranquille aussi, complète-t-elle.

— Bingo, applaudis-je. Sauf que ça  ne va pas durer.

— Pourquoi ?

— Ils veulent accélérer le truc. Joe veut entrer dans le jeu !

— Ah non ! Pas lui, riposte-t-elle avec dégoût.

— Et si tu faisais semblant d'avoir craqué pour moi ? proposé-je pour repérer sa réaction.

— Ah ! Ça y est, je comprends mieux ! Bien joué, applaudit-elle à son tour.

— Je ne joue pas. Je n'aime pas les filles, avoué-je. Ils vont me pourrir la vie si tu ne m'aides pas, Isa.

— Tu es gay ?

— Oui. Je veux finir mes études tranquille, expliqué-je une fois encore. Et cela ne se fera pas si je me dévoile maintenant.

— En résumé, je fais semblant d'être avec toi, plus personne ne me fait de crasse, et toi tu me protèges. C'est ça ?

— Ouais. Je te tiens dans mes bras, on s'embrasse mais c'est tout. Tu va voir,  ça peut être sympa.

— Laisse-moi réfléchir. Je suppose que tu vas continuer ton harcèlement, en attendant ?

— Je n'ai pas le choix, crois-moi.

— Alors j'ai pris ma décision. Ne plus être harcelée tout le temps est une très bonne raison. On fait comment ?

— Tu es une nana géniale, Isa . Je peux te serrer dans mes bras ?

Différents et Alors  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant