Chapitre 36.

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(Mattys)

Oliv et Isa nous ont suivis chez Nathan.
C'était très étrange de me retrouver chez mon ami avec eux.

— Tu es bien silencieux, Mattys ?

— Je réalise tout simplement que je ne veux plus me cacher, Nathan.

— Mattys... Il te reste peu de temps à attendre. Ton père ne te fera aucun  cadeau.

— J'en suis conscient, Nath. Mais cela fait trop longtemps que je me dissimule. J'en ai marre de tricher. Je veux juste avoir le droit d'embrasser mon copain comme cet après-midi.

— C'est de ma faute. Je réalise à quel point cela a dû être un choc.

— Un choc ? Bien plus que cela, Nathan. J'étais dans un monde parallèle. Des mecs qui se tiennent la main, qui s'embrassent sans honte. Tu m'as fait un très beau cadeau.

— Un cadeau empoisonné, gronde-t-il. S'il te plaît, Mattys... Ne fais pas de conneries.

— Allons-y. Oliv et Isa vont se poser des questions, conclué-je en allant les rejoindre.

Nous avons discuté, joué. Oliv apprecie Nathan, ça se voit. En fait, je m'aperçois que je vis dans un monde différent du leur.
Je suis au lycée, je vis chez mes parents.
Mon objectif est d'entrer à l'université. Pour cela, je dois finir cette année scolaire. J' ai des bons résultats. Très bons même.

Sauf que ma façon de voir les choses a évolué. Je n'ai pas envie de sacrifier ce que je suis. Tant pis pour l'université !

— Qu'est ce que tu dis, gamin ? demande Oliv qui vient de m'entendre parler à voix haute.

— J'ai pris ma décision,  je ne me cache plus.

— Hein ? Tu ne peux pas faire ça, Mattys ! Ton père va te massacrer.

— Je m'en fous, Oliv. Je suis gay. Désolé, Isa. Je ne veux plus jouer le faux petit copain.

— Et tes études à l'université ?
Tu abandonnes tout ? Il reste à peine quatre mois, réplique immédiatement Isa.

Je lui prends la main.

— Regarde-moi, princesse. Cela fait plus d'un an que je trompe tout le monde. Tu le sais, je t'ai humiliée , traitée comme une merde pour faire croire aux autres que j'étais conforme à ce qu'ils voulaient. Je veux être moi. Mon père n'a pas besoin de cela pour me tabasser. Il le fait quand il en a envie depuis très longtemps. Trop longtemps.

— Pourquoi tu ne m'en parles que maintenant, me questionne-t-elle.

— J'ai honte de subir cela, Isa, tu comprends! Mon image de protecteur au lycée n'aurait pas été crédible. Mais c'est fini. Je ne sais pas ce qui va se passer.

— Et ton avenir ?

— L'université ? Je suis jeune, je reprendrai les études après. Là, je veux vivre. Je me sens vivant depuis que j'assume.

— Mattys. Tu as compris que nous...

— Nathan, ne t'affole pas. Je sais que tu n'es pas mon avenir. Tu es celui qui me donne cette assurance. Mon guide. Je n'ai pas pris cette décision sur un coup de tête. Ta seule responsabilité est de m'avoir ouvert les yeux.

— Justement. Je me sens responsable de cela. Attends ! Laisse-moi finir, s'il te plaît. Je ne regrette rien. Pas un seul instant. Mais j'ai peur des conséquences. J'ai vu ton dos.

— Tu crois que je ne suis pas effrayé ? Il y a de fortes probabilités qu'il me foute une énorme raclée et après il me virera de la maison...

— Mattys, intervient Oliv. Je connais ton père et tes frères. Ils sont racistes et homophobes. Mais ils sont surtout très violents.

— Tu ne m'apprends rien, Oliv. Mais je n'ai pas dit que j'allais lui avouer mon homosexualité. Je ne suis pas suicidaire. Mais je ne me cacherai plus.

— Et si ton père l'apprend, tu ne nieras pas, c'est cela ? Tu ne trouves pas cela suicidaire ?

— Je ne changerai pas d'avis, Oliv.

— Dis-leur d'aller se faire voir et viens t'installer chez nous.

— Bien sûr. Pour pourrir un peu plus l'avenir d'Isa ?  Ne compte pas là-dessus. C'est déjà mon principal souci.

— Quoi ? Mon avenir ? Je me débrouillerai, ne te tracasse pas. Et puis, grâce à toi, certaines personnes ont appris à me voir différemment.

— Certaines, oui. Pas toutes. Et ça m'inquiète.

— Les réactions de ton père m'angoissent plus, encore. Est-ce que je peux voir ton dos, maintenant ?

— Cela ne te donnera rien, Isa. Il est cicatrisé.

— Et surtout je ne verrai pas les nombreuses marques des fois précédentes !

— Aussi. Quand il le fait, ce n'est plus de la douleur que je souffre mais de l'humiliation qu'il m'inflige. J'arrive à le supporter car je me passe en boucle des images bienfaisantes. Toi, nos fous rires. Nos moments. Et depuis peu, Nathan. Il est en train de me détruire. Je ne veux pas devenir comme lui. Comme mes frères.

— Alors, je te fais la même proposition qu'Oliv. Pars de chez tes parents et viens chez moi propose Nathan d'un ton rageur.

— Pareil. Il connaît beaucoup de monde. Il te pourrira. Pas question. J'aurais dû fermer ma grande gueule et ne rien vous dire.

— Exactement. Mais c'est trop tard. Alors je vais être particulierement vigilant. Compte sur moi, grogne Oliv.

— C'est bien cela qui me fout les boules ! Je vais t'avoir sur le dos.

— Fais ton malin. Sale gosse. On y va, Isa ?

— Oui. Bises Nathan. Je compte sur toi pour qu'il rentre à l'heure !

— Tu peux Isa ! Je suis très heureux d'avoir fait votre connaissance. Salut Oliv. Et vous pouvez venir au bar quand vous voulez.

— Ils sont partis tôt. J'ai tout fait foirer. Mais pourquoi ai-je ouvert ma gueule ?

— Sûrement pour la même raison que maintenant. Car tu es stressé.

— Je suis désolé ! Je t'ai mis dans une mauvaise situation.

— Arrête. Mattys, j'aimerais que tu reviennes sur ta décision. S'il te plaît.

— Tu me demandes cela, toi ? De continuer à me cacher ?

— Oui. Tu es potentiellement en danger. Je ferais pareil.

— Menteur. Fais moi l'amour, Nathan.

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