Le lendemain matin, la douleur dans mon dos était moins forte mais présente quand même. Mon père n'était pas là.
Tant mieux, j'avais de plus en plus de difficultés à supporter son despotisme.
Je déjeunais très vite. Ma mère, toujours silencieuse, me fit les soins. Je l'informais juste que je partais voir un copain et que je ne rentrais que ce soir.Garé devant chez Oliv, j'espèrais qu'Isa soit encore absente. Je ne me sentais pas la force d'affronter son regard incisif. Oliv avait dû entendre ma voiture, car il ouvrit la porte avant que je ne frappe.
— Salut ! Entre.
— Salut !
J'essayais de marcher sans montrer que j'avais mal. Mais je sentais le regard d'Oliv sur moi.
— Viens, me dit-il. Je vais te mettre une pommade cicatrisante.
— Pas la peine, ma mère l'a déjà fait, bougonné-je.
— Elle sait ce qui se passe ? s'étonne-t-il.
— Oh oui ! Elle a toujours su. Avant moi, elle a soigné mes frères. Je ne sais pas si elle est d'accord avec ça. Elle n'en parle pas.
— Tu veux un café ? me propose-t-il.
— Je veux bien. Isa n'est pas là ?
— Non, elle est chez mon oncle. Elle a besoin de trouver un stage. Elle revient cet après midi. Je ne lui en parlerai pas, me rassure-t-il.
— Merci. Je n'ai pas la force de l'affronter. Elle peut être d'une ténacité incroyable. Je n'ai pas l'énergie...
— Tu vas faire comment avec Nathan ?
— Je ne sais pas. Je ne veux pas prendre le risque qu'il voit mon dos. Or, je sais que si je le vois, à un moment, je me retrouverai dans ses bras.
— Vous en êtes déjà là ?
— Oliv. Je n'ai aucune idée de la durée de notre relation. Je voulais une confirmation de ce que j'étais, je n'ai plus aucun doute. J'ai besoin de cet espace de liberté pour réussir à tenir. Ma décision de me cacher est toujours à l'ordre du jour. Si Isa veut toujours me servir d'alibi, je pourrais vivre mon homosexualité à l'abri des regards. Que ce soit Nathan ou un autre.
— Il va te falloir être très prudent, Mattys. Ton père a des yeux partout. En attendant, que comptes-tu faire pour Nathan ? Tu crois qu'il pourrait mal réagir ?
— Je n'en sais strictement rien. Qui réagirait bien ? D'après toi, pourquoi je te fuyais ? Tu crois que c'est facile pour moi. J'ai honte de ne rien faire. Mais si je pars maintenant de chez moi, je ferai quoi ?
— Je pourrais t'accueillir, moi.
— Oliv, crois-tu sérieusement qu'il acceptera que je reste dans le secteur ? Non. J'ai réfléchi à cette situation tellement de fois. J'ai deux options possibles. La première est d'aller chez les flics et de tout raconter. Mon père est le pote du chef, tu le sais bien.
Ni mes frères ni ma mère me soutiendront. J'ai une sale réputation. Et au final, je me retrouverai face à lui et à sa ceinture.
Ma deuxième option est dure, j'en conviens. Tenir le coup jusqu'à mon diplôme. Six mois à tenir. Cela fait cinq ans que je me prends des volées pour ne pas respecter ses putains de règles. Six mois ce n'est rien.— Pourquoi ne respectes-tu pas ses règles ?
— Je le fais la plupart du temps. Mais il en invente des nouvelles, à son gré. Il aime ça. Et je ne pleure pas, il déteste cela.
— Alors pleure.
— Plutôt crever. Je tiendrai Oliv, je tiendrai, dis-je en serrant les poings.
Le lendemain, j'ai repris la routine. J'étais devant chez Oliv, à l'heure.
Mon dos n'était pas guéri mais je n'avais plus mal. Mon père avait, grâce à son pote docteur, récupéré une dispense de sport, une de plus. Isa arriva tout sourire.— Bonjour Mattys. Pourquoi tu n'as pas appelé hier soir ?
— Mon père avait besoin d'aide, mens-je. Et après j'étais mort. Ça va, toi ?
— Oui. Je pense que j'ai dégoté mon stage, m'annonce-t-elle, heureuse. Et toi, ton week-end ?
— Nickel, éludé-je. En forme pour retrouver le lycée ?
— Tu attends que je te supplie de me raconter ? râle-t-elle, impatiente.
— C'est l'idée, oui ! rigolé-je. Il faut être prudent, pas un mot au lycée, d'accord ?
— C'est évident. Et puis à qui j'en parlerai ? Je n'ai pas d'amis, tu te rappelles ?
— C'est pas faux. Le rencard s'est bien passé. Il est fort probable qu'on se revoit, ajouté-je, tout fier de moi.
— Je suis tellement heureuse. Cela t'a aidé à y voir plus clair ?
— Oui, princesse. Je sais qui je suis, confirmé-je. Mais pour l'instant, je suis ton petit ami. Toujours ok, Isa ?
— Bien entendu .
Devant l'école, comme s'il était resté là depuis vendredi, Joe est là. Sa clope au bec, une main dans la poche de son jean, un sourire au coin des lèvres. Immuable.
— Est-ce que tu as conscience qu'il ne vit que pour toi ? me déclare-t-elle en le désignant du menton.
—N'exagérons rien. Il a juste besoin d'un modèle. Il en trouvera un autre.
— Je crois que c'est plus profond que ça. C'est toi qu'il attend.
—Alors, allons-y. En scène. Prête pour plein de bises ?
— Oui. Ça ne va pas te déranger, toi ? s'inquiète-t-elle.
—Non, princesse. Je ne pense pas être en couple et de toute façon, il est au courant.
—Tu lui as raconté ?
— Oui. Nous avons beaucoup parlé. C'est quelqu'un de bien.
—Tant mieux. Joe va se poser des questions. Allons le rejoindre.
— Salut tous les deux ! J'ai cru que vous ne sortirez pas de cette bagnole ! nous interpelle Joe.
— Et ?
— Rien. C'est toi qui l'a mis de mauvais poil, poupée ?
— Non. Il ne l'était pas, Joe. Mais moi, oui. Je ne suis pas une poupée, réplique-t-elle immédiatement.
- Bravo Joe, tu arrives à me l'énerver dès le début de la journée. Allez, viens là, princesse. Notre cours commun est loin, j'ai besoin de ma dose de bises et de câlins.
— Joe, prochaine remarque, tu te prends une gifle, le menace-t-elle tout sourire et j'adore son toupet.
—Tu auras été prévenu, Joe. Hummm. Tu sens trop bon.
— Je me casse. Vous me donner la gerbe !
— Ah Ah ! Garde-moi une place.
Je t'accompagne, princesse ?— Si tu veux. Juste pour me rassurer ?
— Non. Parce que j'en ai envie.
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Différents et Alors
Roman d'amourDeux adolescents, presque adultes. Deux lycées différents. Deux villes différentes. Leur point commun : ils découvrent tous les deux leur attirance indéniable pour les garçons. Des vies, des familles différentes, des éducations différentes. Et pour...