C'est mon deuxième jour de boulot. Il est 22h, on revient d'un incendie déclenché au bas d'un immeuble. Selon la police ce sont des petits dealers qui auraient mis le feu à la cage d'escalier parce que deux locataires ont porté plainte contre eux. Quelle bande de connards, ils sont prêt à faire cramer tout un immeuble et toutes les familles qui y habitent pour faire régner la terreur autour d'eux. De cette façon plus personne n'oserait se rebeller.
Abel se réchauffe une barquette de bouffe, il a tout le temps faim ce mec. Je ne sais pas où il fout tout ça. Stan lit un magazine et Justin est occupé à écrire des sms.
- je ne sais pas vous, mais en ce qui me concerne j'ai un mauvais pressentiment pour cette nuit. Leur dis-je
Ils me regardent tous les trois comme si un troisième œil me poussait au milieu du front.
- Tu deviens madame Irma toi maintenant ? Donne-nous tes prédictions, dit Stan en se moquant royalement de ma tronche. Il fait des gestes avec ses mains comme s'il y avait une boule de cristal en dessous.- pff t'es trop con. Je ris
- ça vous tente une partie de cartes en attendant la prochaine inter et que notre voyant nous prédise l'avenir ? demande Abel tandis qu'il bat déjà les cartes.
Il donne le paquet à Stan pour la distribution pendant que lui finit de manger. Deux gars de notre équipe s'installent un peu plus loin. Je ne peux pas dire que j'ai beaucoup d'affinités avec eux. Ils sont pompiers depuis longtemps déjà. Laurent a 40 ans et Michel approche des 50. Lui, il m'insupporte carrément, il est sans cesse à se plaindre « les jeunes ci, les jeunes ça », quoiqu'on fasse ce n'est jamais bien. Il est chiant à toujours râler.
La sirène retentit et c'est reparti, on aura eu un quart d'heure de repos. On part à deux ambulances, il y aurait deux victimes d'agression dans une rue. Une patrouille de police passait juste à ce moment là. Quand on débarque sur les lieux, il y a effectivement deux personnes au sol. On se sépare pour prendre en charge chacune d'elle. Oh bordel, heureusement que les flics sont intervenus rapidement. Le mec dont mon équipe s'occupe est gravement amoché. Il a du sang plein le visage, il est douloureux à la palpation sur tout le corps. On va devoir lui couper ses fringues pour constater l'étendue des dégâts. Je lui appose une minerve au cas où il aurait des lésions aux cervicales, je lui nettoie le visage pendant qu'Abel découpe les vêtements. Michel poursuit l'inspection du corps, prend la tension. Le mec a le visage tuméfié, sa mâchoire a l'air abîmée. Il va falloir du temps avant qu'il reprenne une apparence normale. Selon Michel plusieurs côtes sont cassées. Quand je vois son dos et son torse, j'ai l'image du corps d'Adam après son agression qui me revient. Pendant que grincheux (Michel) lui pose une perf, j'interroge le blessé pour le maintenir éveillé. Il me donne son nom, son prénom. Il a du mal à parler et il est tout aussi difficile pour moi de le comprendre. Il s'appelle Jordan et la seule chose qui l'intéresse c'est de savoir comment va son ami. Il essaie est si énervé qu'il essaie de bouger dans tous les sens ce qui lui arrache à chaque mouvement des cris. Afin qu'il se calme je lui dis que je vais me renseigner auprès de mes collègues.
Le gars est déjà sur le brancard et Justin me dit que ce n'est pas fameux. Il a fait un arrêt cardio-respiratoire. Ils ont réussi à le faire revenir mais c'est très préoccupant. Merde merde. Ils filent tout de suite aux urgences. Je retourne auprès de Jordan et l'informe que son ami est en route pour l'hôpital, je ne lui en dis pas plus. Dans les 5 minutes qui suivent nous nous dirigeons également vers les urgences. Entre temps, les flics nous ont appris que les cinq agresseurs venaient d'être arrêtés. A deux contre cinq, ça ne leur laissait pas beaucoup de chances de bien s'en tirer d'autant qu'ils étaient en possession de battes de bases-Ball.
Abel conduit tandis que Michel et moi sommes à l'arrière du véhicule avec le blessé. Le grincheux surveille les constantes, je fais de mon mieux pour rassurer Jordan. Il articule comme il peut le prénom de Timothée. Je lui demande s'il s'agit de la personne qui l'accompagnait. Il ferme les yeux et se met à pleurer. Il a mal et peur pour son ami.
Quand on commence chez les pompiers on a parfois du mal à gérer nos émotions mais il ne faut rien laisser paraître à ceux que nous secourons. Mais je dois avouer que le voir dans cette détresse me retourne l'estomac. Je ne comprends pas comment on peut user d'une telle violence sur quelqu'un. Je lui annonce que nous sommes arrivés à l'hôpital et que les médecins vont prendre le relais. Ils lui donneront des nouvelles de son ami. Les portes du véhicule sont tout juste ouvertes qu'une équipe médicale est là. Je vais aux bureaux des entrées transmettre les maigres renseignements en notre possession. Nos collègues sont repartis il y a une dizaine de minutes. Quand à notre tour on regagne la caserne, j'ai toujours ce mauvais pressentiment qui persiste.
On se réinstalle au même endroit que tout à l'heure. Stan nous dit que les médecins pensent que le gars dont ils se sont occupés fait une hémorragie interne. J'espère qu'il va s'en sortir.Les deux aînés ont repris leur place aussi. Laurent apprend à Michel que les deux victimes sont des homos. Le grincheux se met à rire en balançant sa tête d'un côté et de l'autre. Sans déconner, ça le fait marrer ?! Mon cerveau est en ébullition, cependant je me rends compte que mon feu ne se réveille pas. Je suis interrompu dans mes pensées quand Michel vient à dire qu'en fait ils ont mérité leur trempe. Je sens Stan se raidir, Justin a le visage fermé. Laurent a écarquillées les yeux.
- je n'ai pas compris, pourquoi les deux mecs auraient « mérité leur trempe ». Parce que je crois que personne ne mérite un passage à tabac, lui dis-je- Oh arrête ton char, répond Michel, c'est des pédés, des putains de grosses pédales. On n'a pas besoin de ce genre de mecs. Alors on va pas commencer à les plaindre.
Abel se lève et lui demande de retirer ce qu'il vient de dire et plutôt que de calmer le jeu, l'autre con en rajoute une couche.
- pourquoi t'es pédé ? t'aime te faire enculer toi aussi ? tu veux que je m'en occupe ?Je ne réfléchis plus, je lui saute dessus et lui assène un coup de boule, au bruit j'ai dû lui péter le nez, sur le moment je m'en fous complètement. Il se rebiffe et je me prends un coup de poing sur la pommette. Ah la vache ça fait mal ! On s'empoigne et les coups pleuvent. Je suis si énervé que je ne peux plus m'arrêter de le frapper. Toute mon aversion pour lui ressort.
On nous sépare et c'est alors que je vois notre chef d'équipe. Putain, la lose !
- Allez-vous soigner immédiatement ! Je vous attends tous les deux dans mon bureau dans un quart d'heure. Ne soyez pas en retard !
Je pars à l'infirmerie suivi de mes acolytes. C'est là que je remarque qu'il y avait pas de monde pour assister à notre bagarre.
Abel me soigne, j'ai l'arcade un peu ouverte, rien de bien méchant. Il désinfecte et appose des strips. D'après lui j'aurai un joli coquard.
Avant que j'atteigne le bureau du chef, Abel me remercie. Je ne prends pas le temps de lui demander pourquoi.
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Sauve-moi des flammes (MxM). Tome 1 (à corriger)
Roman d'amourAvant que le feu ne prenne possession de tout mon être, je dois faire des changements, bousculer ma vie telle qu'elle est aujourd'hui.