Roman de 40 chapitres
Mérédith May croyait avoir tout ce qu'elle aurait jamais pu désirer dans sa vie. Une voix en or, une célébrité ahurissante et un compte en banque bien fourni.
Pourquoi diable aura-t-il donc fallu qu'elle le rencontre, ce gangs...
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Une semaine plus tard, cette histoire semblait être un rêve, un conte de fée qui n'avait opéré que dans ma tête. J'étais recroquevillé sur mon matelas, recouvert pas un plaid que j'avais acheté pour trois fois rien dans un magasin vintage. Je n'avais plus eu des nouvelles de Melinda et, c'était peut-être mieux ainsi, il fallait peut-être qu'elle s'efface de mon existence.
Il n'avait jamais fait aussi froid à Cannon Beach. Il tombait des flocons givrés et je craignais que cet hiver ait raison de ma cabane. J'avais dû rafistoler le toit dès mon arrivée, changer certaines planches trop pourries, gratter la moisissure sur le plancher, me mesurer à un serpent qui avait fait de ma couchette son abri, et lubrifier la porte, si on pouvait l'appeler ainsi !
Pelotonné sous le plaid raccommodé par endroits, je soupirai. Cette cabane n'allait pas tarder à s'effondrer. Et là, je serais définitivement à la rue. Putain, ça craignait ! Je ne pouvais pas perdre cette piaule ! C'était tout ce qu'il me manquait d'eux, de lui, de mon père...mon seul héritage parental...
Je ne me souvenais pas vraiment d'eux. Tout ce qu'il me manquait, tout ce qu'il me restait de l'amour de mes géniteurs duquel j'étais venu au monde, c'était une photo, une image ternie par le temps, sur laquelle on les voyait, tous deux, aussi souriant et heureux que pouvaient l'être deux êtres amoureux. Grâce à la faible lueur à travers la lucarne, je regardais la photo comme si je la voyais pour la prémiere fois.
De ma mère, _Zahira Tafoya si j'en croyais la signature au dos de la photo, _ j'avais hérité de mon regard légèrement bridé et mes lèvres charnues roses. Elle était vraiment putain de belle, avec sa chevelure noir carbone qui lui retombait sur les épaules et ses iris café.
Je n'avais aucun souvenir d'elle, comme si je ne l'avais jamais rencontré, comme si elle n'était qu'un rêve vaporeux ; néanmoins, il me suffisait de regarder cette photo pour être sûr que j'avais moi aussi, jadis été tenu dans les bras protecteurs d'une mère, affectionné de son amour et fortifié par son élixir de jouvence. Même si cette période me semblait lointaine voire à des années-lumière, je n'avais aucun doute que cela était bien arrivé, dans cette vie ou celle d'avant.
Naturellement, mon regard vira vers mon père, Mariol Traviss, l'homme le plus fort que j'eus connu. Il m'avait élevé jusqu'à mes dix ans, âge pendant lequel il s'était évanoui dans la nature. Cette cabane, il l'avait construit malgré un dos voûté par la guerre et une bronchite qui s'éternisait. Oui, mon père avait jadis fait la guerre.
Je ne me souvenais plus très bien de laquelle, mais j'entendais encore sa voix me parler des horreurs auxquelles il avait assisté, des corps défigurés sans vie, une mare de sang et de boue, les ricochets assourdissants des balles... sur ma photo, il avait une belle barbe obscure, qui assombrissait un peu plus son regard bleu nuit. L'allure sévère de son visage était l'héritage de la guerre, en occurrence des cicatrices qui témoignaient de combien de fois il avait échappé à la mort.
Parfois, il me manquait horriblement. Je ne pouvais m'empêcher de me demander où il était parti, sans pouvoir revenir. À l'époque, j'avais essayé de demander de l'aide, de signaler sa disparition, mais personne ne m'avait pris au sérieux. Et puis j'avais fini par comprendre que c'était mieux que personne ne m'ait pris au sérieux. Car si ça avait été le cas, j'aurais peut-être fini dans un orphelinat, ou une famille d'accueil, à quémander des miettes et supplier un homme au ciel de me rendre mon père.
Aujourd'hui, j'en étais sûr, il était mort...parti...disparu... avec son départ inexpliqué, avait commencé la partie la plus sombre de ma vie, la vie dans la rue. Une vie durant laquelle je ne pouvais compter que sur moi-même, sur mes propres capacités, mon instinct de survie et ma rage de vivre. Sans rien, j'avais été délaissé parmi des loups enragés. Sans vêtements, sans identité, sans connaissances, sans argent, rien...à part une petite cabane dans les bois, qui menaçait à présent de s'effondrer...
Sous mon plaid, je tremblotais de froid. Du vent glacial s'infiltrait de partout dans ma cabane. J'entendais les planches craqueler, s'élimer entre elles, gémir de douleur...je ne supporterais pas de voir la seule œuvre de mon père pour son fils, son seul témoignage d'amour envers moi, s'effondrer en tas de planches pourries.
Je voyais déjà la tête du maire, tout joyeux et satisfait, la moustache frémissante sous son chapeau de ville et son crâne presque désert. Parfois, je songeai qu'il devait être de la famille de l'oncle Vernon Dursley, tant la ressemblance entre eux était stupéfiante, aussi physique que morale.
Jamais il ne me prendrait ma cabane, mon héritage, ma vie. Jamais il ne m'arracherait la terre de mon père. Contrairement à Harry Potter, moi j'étais un fou drogué, qui n'avait plus rien au monde à part ce qu'il essayait de protéger...et à part une arme à feu chargée...