Roman de 40 chapitres
Mérédith May croyait avoir tout ce qu'elle aurait jamais pu désirer dans sa vie. Une voix en or, une célébrité ahurissante et un compte en banque bien fourni.
Pourquoi diable aura-t-il donc fallu qu'elle le rencontre, ce gangs...
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Je regardai à gauche. Puis à droite. Puis droit devant moi. J'essayais de déceler une mimique, un sourire, un tique qui puisse me guider sur la meilleure chose à faire, sur la bonne carte à jouer. Mon cœur battait à mille à l'heure. De la sueur poissait entre mes aisselles et des perles froides coulaient entre mes vertèbres.
La partie de poker avait commencé depuis une vingtaine de minutes. Leïla qui ne jouait pas d'habitude au poker, était allée faire un tour sur la piste, tandis que moi je jouais mon avenir...
Nous avions tous placés une ante de cent dollars pour commencer. Black m'avait prêté de l'argent pour démarrer la partie, et il était hors de question que je m'endette auprès de lui. Ce gars était cap de tuer pour de l'argent. J'avais une bonne main, mais je me demandais si l'un de mes adversaires ne me battrait pas avec un Bad Beat.
Je fixai Ali droit dans les yeux. C'était mon plus grand adversaire au poker. J'étais persuadé qu'il bluffait avec ses airs rassurés et nonchalants, mais je n'avais aucun moyen d'en être sûr. Son sourire narquois ne me disait rien qui vaille. Ronk était le Big Dog de la partie. Il ne me faisait pas peur, il ne pouvait pas me faire peur.
Loin derrière Ali, Leïla se déchaînait seule sur la piste de danse, un verre en main, repoussant gentiment ses prétendants. Elle faisait remuer sa robe, dévoilant par occasion ses belles cuisses charnues et bronzées. Elle me fixait droit dans les yeux. Putain, à quoi elle jouait ? Elle me déconcentrait là !
Soudain, je remarquai un détail. Un clin d'œil. Son regard vacillait d'Ali à moi puis elle finissait par un clin d'œil. Était-ce un signe ? Bien sûr que ça l'était ! Je frappai mes cartes sur la table. J'avais le carré, quatre cartes de quatre. Sans que les autres ne couchent leurs cartes, j'étais persuadé d'avoir remporté la mise.
Leïla continuait à danser, à tournoyer sur elle-même en jouant avec les pans brodés de sa robe incarnate, comme si de rien n'était. Ali avait une double paire, tandis qu'un autre rebeu de la partie avait une quinte. Les autres n'avaient aucune combinaison. Je soupirai de joie en tirant les jetons colorés vers moi.
Grâce à Leïla, je remportais encore deux manches. Je fis en sorte de perdre trois mises, pour ne pas soulever les soupçons. Mais ce ne furent que des mises faibles, de telle sorte que lorsque le jeu se termina, ma cagnotte s'élevait à quatre cents cinquante dollars, un peu moins que celle d'Ali qui était de six cents dollars.
Quatre cent cinquante dollars, c'était au-delà de mes attentes. J'empochai le fric et accourus vers Leïla, que j'agrippai dans mes bras.
-Tu es trop forte Leïla ! Grâce à toi, j'ai gagné le pactole !
-T'en as besoin gosbo, ricana-t-elle en m'embrassant. Je me sens vénère, parce que je ne te donne pas assez fric pour toi-même. Je veux pas que tu vives comme un varcreu de demèr !
-T'es la meilleure ma chérie ! criai-je, emporté par la joie de ma victoire. Je t'aime, oui je t'aime, psalmodiai-je en la couvrant de baisers.
Cette nuit-là, je fis l'amour avec elle trois fois avant de retourner chez moi complètement saoul à trois heures du matin... saoul, mais blindé de thunes.
Le lendemain, lorsque je m'extirpai de ma torpeur, il devait être midi, ou un peu plus. Je ne me souvenais plus exactement de la fin de la soirée au The Club. Je n'avais pas autant bien dormi depuis des lustres.
Le bruit familier des enfants qui jouaient à proximité finit de me réveiller complètement. Je contemplai le plafond bas de la cabane. Aujourd'hui, j'allais revoir Melinda. Melinda, la douceur exquise à l'état pure. Melinda, ma nouvelle chance de tout recommencer, de l'oublier, de repartir à zéro.
Je fouillais le panier dans lequel étaient entassés mes vêtements. Tout au fond, j'y avais dissimulé un petit dictionnaire que je lisais de temps à autre à mes heures perdues. C'était grâce à ce petit livre que je pouvais tenir des conversations civilisées, à l'exemple de celle à la teuf d'anniv de la star.
Il me fallait être à la hauteur, si je voulais que mon rencart avec elle se passe sans encombre. Je mémorisai un autre mot : Apothéose. C'était un mot drôlement compliqué ! Mais il sonnait trop bien ! Je me promis de l'utiliser ce soir-là, pour impressionner Melinda.
J'avais une idée précise d'où je voulais amener Melinda pour notre premier rencart. Le Blue River Restaurant était l'un des plus chics de la ville. Je n'y étais jamais allé. Je n'étais pas ce qu'on appelle un habitué des lieux. Je préférai de loin les macdo !
Mais Melinda n'étais pas du genre à bouffer des calories et du non contrôlé. Elle ne semblait pas avoir un gramme de plus qu'elle n'ait souhaité avoir. Elle avait tout ce qu'il fallait, où il le fallait.
Je sentis le trac m'envahir. Il fallait que tout se passe comme j'avais prévu. Il le fallait, ma vie en dépendait. J'avais besoin de sentir que j'étais autre chose qu'un gangster fauché et abîmé par les stup. J'avais besoin de sentir que j'étais autre chose qu'un rat que les keufs pourraient arrêter et jeter à tout moment en taule !
J'avais besoin de sentir que j'avais encore de l'importance, que je pouvais compter sur quelqu'un, quelqu'un qui pourrait me tirer, m'extirper du gouffre dans lequel j'étais tombé.
Je pouvais être un homme bon. J'avais vraiment des penchants pour le bien. Mais quand on vit ma vie, on se rend compte que le bien ne doit pas faire partir de notre univers. La life dans la rue ne connait pas le bien. Être gentil dans ce monde, c'est se donner en pâture aux autres narco ! Il fallait être fou, pour être craint.
Mais je n'étais pas fait pour la folie. Je n'étais pas fait pour être chelou ! Je voulais juste être un gars bien, un gars qu'on aime. Avec Melinda, j'avais une putain de chance d'être sauvé, je le sentais au plus profond de moi. Tout ce que je voulais intérieurement espérer, c'était que la corde du sauvetage soit suffisamment solide et ne casse pas...
Sinon, j'entraînerais inévitablement ma potentielle sauveuse dans ma longue et périlleuse chute...