{Flashback}

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Le garçon que je tiens par le col est frêle. Il n'a aucun muscle. Son nez et sa bouche sont ensanglantés. Il pleure sans plus pouvoir s'arrêter. Je rigole et écrase ses lunettes tombées au sol. Gary répand le contenu de son sac à mes pieds. Je lâche le garçon et il s'en va en courant. Gary et moi nous asseyons et observons les objets trouvés dans le sac. Agenda, cahiers, classeurs, trousse, clés, rien de bien intéressant. Je soupire et me relève. Mon ami m'imite. Il craque ses doigts et je fais de même. Puis il me regarde et me tend un petit sachet d'herbe. Je le regarde, étonné, mais lui, il sourit. Je fais de même et attrape le paquet. Je le glisse dans la poche arrière de mon jean.

Et nous rentrons chacun de notre côté. Gary vers la banlieue pauvre et moi vers la riche. La chasse n'a pas été bonne cette fois-ci.

Lorsque j'ouvre la porte, ma mère accourt. Elle me demande ce que je fais à une heure pareille dehors. Elle voit, horrifiée, mon sweat gris taché de sang. Elle me regarde en fronçant les sourcils. Puis me gifle ; ma tête part sur le côté.

- Je ne sais pas ce que tu as fait et je ne veux pas le savoir. Mais il faut que ça cesse! Tu sais, ton frère n'est pas comme ça! Lui il est sage et travailleur. Il a fait de longue études et il a maintenant un travail presti...

- Mais arrête de parler tout le temps de lui! Il n'y a que lui, lui et lui!

Je la bouscule et me rue vers ma chambre, claquant la porte. Je l'entends m'appeler, plusieurs fois. Mais je ne réponds pas. Je ferme la porte de ma chambre à clé et ouvre la fenêtre. Elle donne sur l'arrière cour. Je saute dans l'herbe et traverse le jardin. La nuit me camoufle, je suis invisible. Ou du moins, j'ai appris à le devenir. Je cours dans les rues, à travers les places, sans regarder où je vais. Je cours voulant toujours plus de liberté. Je bouscule sans m'excuser les gens sur mon passage. Ils crient, râlent, jurent. Mais je m'en moque, je cours toujours plus vite. Je sens mes larmes couler mais je ne les essuie pas.

Après quelques minutes de course effrénée je m'arrête, je n'en peux plus. Je suis dans une rue étroite, sombre et je suis seul. Je me roule en boule dans un coin et m'endors rongé par le froid et secoué de sanglots. C'est la troisième fugue que je fais cet automne-là.

SeulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant