Seul

Épilogue

Six ans plus tard

Six ans se sont passés depuis mes dix-huit ans. Six années sans Jules qui m'ont parues très longues. Après sa mort, je ne sortais plus de mon lit. Je dormais la plupart de la journée et sinon je pleurais ou restais dans mon lit sans rien faire. Je ne sortais presque jamais de ma chambre et ma mère devait m'apporter les repas. Plusieurs personnes sont venue me voir. A commencer par Lucie qui a tout essayé pour me faire sortir, sans résultat. Puis la mère de Jules, Max et même Camille qui s'est excusée. Mais je ne voulais voir personne. J'étais désagréable avec tout le monde.

Et puis un jour, je me suis levé avec une envie de jouer du piano. Je suis allé mon cours ; Magalie était heureuse de me voir. Et une fois de plus, cet instrument m'a sauvé. Au début c'était dur de reprendre ; je ne m'étais pas entraîné pendant longtemps. Puis ensuite après avoir passé toute mes journées dans mon lit, je passais mes journées au conservatoire. J'ai ensuite fait des études de musique afin de devenir pianiste. Et je suis devenu pianiste.

Aujourd'hui je vis dans mon propre appartement. Même si ma relation avec Jules a été courte, il m'a aidé quand j'en avais besoin. Vivre sans lui c'était atroce au début. Maintenant ça va beaucoup mieux. Je suis passé par les cinq étapes du deuil. Le déni n'a pas été long. La colère a été très contraignante pour mes proches. La négociation a duré longtemps également. Mais beaucoup moins que la dépression. Je viens tout juste d'en sortir et je suis dans la cinquième phase, l'acceptation. J'accepte sa mort et j'accepte le fait que je ne le reverrai plus jamais. Que plus jamais je n'entendrai sa voix, son rire.

Lucie a fait des études afin de devenir professeure au lycée et nous nous sommes un peu perdus de vue. Je me suis fait d'autres amis, surtout des musiciens. J'ai également essayé de rencontrer des gens dont je pourrai tomber amoureux mais ça n'a jamais vraiment marché. Peut-être à cause de la dépression, mais aucune des relations que j'ai eu n'a abouti.

Ma mère va beaucoup mieux aussi. Elle est sortie de son état de tristesse permanent et s'est trouvée un copain. Elle a aussi déménagé dans un appartement car elle trouvait notre maison trop grand pour elle toute seule. Donc ils vivent maintenant ensemble et elle est heureuse.

Aujourd'hui je n'attends personne, pourtant la sonnette retenti quand même. Je sors de mon bureau et vais ouvrir. Un homme d'à peu près mon âge se tient face à moi. Ses cheveux mi-longs sont d'un blond presque blanc. Il est grand et mince – peut-être même maigre. Son visage est souriant, ce qui lui donne un petit côté mignon.

« – Oui ? C'est pour quoi ?

– C'est vous Aaron ? »

J'acquiesce.

« – Je m'appelle Kaelen. Pourrai-je entrer ? J'ai à vous parler. »

Je le laisse passer.

« – Je t'en prie, tutoie-moi, on a le même âge. »

Il ris un peu.

« – Certes.

– Tu veux boire quelque chose ? Du thé ?

– Du thé m'ira très bien, merci. »

Je m'en vais dans la cuisine préparer un thé. Je pose la théière et des tasses sur un plateau. Lorsque je reviens, l'homme a sorti un stéthoscope de son sac. Je fronce les sourcils et m'avance vers lui avec le plateau.

« – Bouge pas, dit-il doucement. »

Il ajuste l'instrument à mes oreilles et place l'autre partie sur son torse. J'entends son cœur qui bat et fronce un peu les sourcils.

« – Il y a six ans, déclare l'homme, mon cœur était en mauvais état. Et puis un jeune homme est arrivé dans le service où j'étais et m'a fait don de son cœur. J'ai appris il y a peu son prénom et je voulais rencontrer celui qui était proche de lui. Alors... je crois que tu connais Jules... »

Je lâche le plateau et tout s'écrase au sol avec fracas. Mais je n'y prête aucune attention Des larmes me montent immédiatement aux yeux. Kaelen est le patient à qui Jules a fait don de son cœur. Le cœur qu'il a actuellement est celui de Jules. Une vague de bonheur intense m'envahit et je pleure comme un gamin. L'homme en face de moi ne sais pas comment réagir alors il me prend dans ses bras. Il me serre contre lui et je fais de même.

Et, pour la première fois depuis six ans, je ne suis plus seul.