Seul

~XIII~

Mon casque crache dans mes oreilles une mélodie au piano. Je passe le dimanche après-midi à rédiger une rédaction pour le français. Même si cela m'ennuie énormément, je préfère faire ça plutôt que de ressasser en boucle en début de semaine. Jules et moi nous ne sommes plus vraiment parlé après cet évènement mais je n'arrête pas d'y penser.

De penser à ses lèvres si douces, et chaudes. A ce moment presque magique. C'est justement ce qu'il me fait peur ; j'ai aimé ça. J'ai aimé que nos lèvres se rencontrent, j'ai aimé prendre sa taille et le rapprocher de moi, j'ai aimé ses mains quelque peu froides dans mon coup. J'ai aimé...j'ai tout aimé !

Et ça me fait atrocement peur.

Soudain je vois ma porte s'ouvrir. Je stoppe brutalement ma musique et fais descendre mon casque autour de mon cou. Ma mère entre et m'annonce que l'on doit manger. J'acquiesce et me lève mais au moment où je m'apprête à quitter ma chambre, mon portable vibre sur mon lit. Je regarde rapidement et c'est un message de Jules qui s'affiche.

« Faudrait qu'on parle nan ? »

Je repose mon téléphone, soupire et rejoins ma mère dans la cuisine. Elle termine de préparer le plat et le dépose sur la table. Je m'assois et elle fait de même. Nous mangeons en silence puis je débarrasse et retourne dans ma chambre. Alors que ma porte est fermée, je regarde autour de moi cherchant quelque chose à faire. Je vois mon portable posé sur le lit et l'attrape. Le message de Jules s'affiche en gros me disant que je ne l'ai pas lu. Je l'ignore et décide de prendre mon blouson et de sortir.

Une fois dehors l'air frais caresse délicatement mes joues. Je respire lentement et profondément et puis attrape mon vélo. Je me rends au conservatoire. Lorsque j'arrive le secrétaire est légèrement étonnée de me voir aujourd'hui et à cette heure-ci. Je m'avance vers elle.

« – Bonjour, dis-je, savez-vous si Magalie est là ?

– Oui elle est encore là, elle partira dans une heure, me répond le jeune homme en souriant. »

Je hoche la tête et me dirige vers la salle où se trouve ma professeure. Au moment où j'entre, elle me regarde, surprise.

« – Aaron, qu'est-ce qui t'amène ? »

Je bloque un moment avant de poser mon blouson et me diriger vers elle.

« – Euh... Est-ce possible que vous me fassiez cours maintenant ?

– Oui bien sûr ! »

Je souris et elle me laisse m'installer au piano. Nous nous regardons une seconde et je dépose mes doigts sur le clavier. Je commence le prélude en Do majeur de Bach. Mes doigts parcourent les touchent, es effleurent. J'accélère légèrement et ferme les yeux pour profiter de la musique. Mes pensées vagabondent ; je connais ce morceau par cœur et je l'ai joué déjà des dizaines de fois. Je souris en pianotant.

J'enchaîne sur La Campanella de Paganini et fais courir mes doigts déchaînés sur le clavier. Je joue et n'entends plus que la musique. Pendant une minute mes pensées s'arrêtent, mes peurs cessent, mes envies se freinent ; ma vie s'interrompt. Lorsque j'ai terminé le morceau, je rouvre les yeux et me tourne vers Magalie. Elle me souris, elle rayonne.

« – Aaron, me dit-elle, tu es très talentueux. »

Je baisse les yeux et mes joues prennent quelques couleurs. Je relève la tête vers ma prof, elle me sourit.

« – Bon et si nous avancions ce sur quoi tu bloque ? »

J'acquiesce en silence et repose mes mains sur les touches.