Seul

~XXXIV~

J'entre dans le conservatoire et me rends directement dans la salle réservée au piano suivi de Jules. Il regarde autour de lui comme si c'est la première fois qu'il vient.

« – Ça faisait longtemps, dit-il soudainement. »

Je souris et lui prends la main. Lorsque j'entre Magalie sourit en me voyant, puis elle fronce les sourcils quand elle voit le jeune homme derrière moi.

« – Jules ? Que fais-tu ici ?

– Je... réponds-je à sa place, je vais jouer pour lui... C'est... Son anniversaire. »

Le sourire de la professeure s'étire un peu plus en apercevant mes joues toutes rouges. Elle me laisse la place au piano et se met dans un coin. Je vais m'asseoir sur le tabouret chaud et dépose mes doigts sur les touches. J'ai le trac ; je n'ai jamais joué pour quelqu'un et encore moins quelqu'un dont je suis amoureux. La musique que je prépare depuis deux semaines me semble d'un trop idiote. J'ai peur de ne pas la réussir. Et si je décevais Jules ? S'il n'aimait pas ? Je souffle longuement pour faire le vide un instant dans ma tête. Je ferme les yeux puis les rouvre pour positionner mes doigts. J'appuie sur une touche, puis une autre, de plus en plus vite et de mieux en mieux. Pour Jules, je joue « I love you » de Jean-Philippe Riopy. Je m'imprègne dans la musique et je ferme enfin les yeux. Je connais ce morceau par cœur. Mon cœur bat si vite que j'ai peur qu'il transperce ma poitrine. J'ai l'impression que je vais me tromper mais je continue.

A la fin du morceau, mes doigts se calment et rouvre les yeux. J'entends des applaudissements. Je relève la tête et vois Jules, Magalie mais aussi ma mère qui me regardent en souriant, les yeux pétillants. Je me lève et me dirige vers les trois personne. Jules se jette sur moi et me serre fort dans ses bras. J'enroule mes bras autour de sa taille et le serre à mon tour. Je ris aux éclats. Il se recule un peu et m'embrasse passionnément. Lorsque nous nous séparons, des larmes roulent sur ses joues et je les essuie avec mes pouces. Il sourit.

« – Comment s'appelle le morceau ? »

Je le regarde dans les yeux

« – « Je t'aime » »

Jules me regarde et sourit encore plus.

« – Tu joues super bien... C'est le meilleur anniversaire.

– C'est ton dix-huitième anniversaire... Ça doit être spécial... »

Ma mère s'approche de nous

« – Aaron, mon fils, tu joues incroyablement bien. Tu feras un très bon pianiste...

– Tu veux être pianiste ?, s'écrie Magalie. Mais c'est génial ça ! Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?

– Bah... euh... J'ai pas trop eu l'occasion en fait... »

Soudain, sans raison, les paroles du proviseur me reviennent en tête. Je tire Jules vers le bas... Le pire c'est que je crois qu'il a raison. Je ne suis qu'un boulet et je le sais. Même si les gens autour de moi me disent le contraire, je sais que j'ai raison. Boulet un jour, boulet toujours. Mes yeux me piquent et ma gorge se serre. Pourquoi je suis moi ? Jules serait bien plus heureux avec un autre. Je baisse les yeux et repousse l'homme dans mes bras. Il me regarde bizarrement. Je ne dis rien et sors de la salle presque en courant, ne voulant pas pleurer devant eux.