~II~

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La porte claque et à peine entré, je balance mes baskets dans un coin du hall. J'entends les talons de ma mère claquer contre le carrelage et je la vois se planter devant moi, rouge de colère. Il est 16h30.

« – Je peux savoir où t'étais ?

– Fous moi la paix. »

Il faut que je prenne de l'Oxy, les antidouleurs. J'ai mal à la tête et je suis fatigué. La nuit n'a pas été de tout repos ; dormir dehors n'est jamais simple.

« – Non je ne te foutrais pas la paix tant que je ne saurai pas où tu étais hier, cette nuit et aujourd'hui jusqu'à maintenant ! »

Je lève les yeux vers elle et la scrute. Ses sourcils froncés trahissent sa voix calme. Mais ses yeux... Ces yeux...Cette expression que j'ai vu tellement de fois. Cette expression de dégoût, de pitié et de honte mélangés. Cette expression que j'ai vu trop de fois sur son visage et qui m'énerve plus que tout. Ma main commence à trembler de colère ; je la cache derrière mon dos. Ma mère inspire profondément puis expire lentement. J'attends qu'elle parle.

« – Écoute, Aaron, dit-elle, tu es sous ma responsabilité s'il t'arrive quelque chose je vais avoir des problèmes, alors... »

C'est la phrase de trop, j'explose.

« – En fait t'en a rien à foutre de moi ! Tout ce qui t'intéresse c'est toi et ta putain de petite personne !

– Tu te trompes lourdement, Aaron, réplique-t-elle d'une voix posée. Je m'inquiètes beaucoup pour toi tu sais ? »

Son ton si calme et ses yeux qui me dévisagent me tapent sur les nerfs. Je hurle :

« – Laisse moi tranquille, okay ?! Je t'ai rien demandé ! »

Je la bouscule et m'avance vers le bout du couloir, vers ma chambre. Avant d'y entrer je me retourne et lâche en lui lançant un regard noir :

« – Pourquoi t'a pas crevé dans l'accident avec Colin ?... »

Et cette fois, c'est la porte de ma chambre qui claque.

Il est dix-huit heures. Samedi, dix-huit heures : piano. Je suis méga en retard. Je met dix minutes pour y aller. Je déteste être en retard aux cours de piano.

« – Merde ! »

J'attrape mon sac et y fourre mes partitions chiffonnées. Je sors de ma chambre et, en passant dans le corridor, j'entends ma mère pleurer dans sa chambre. J'enfile avec empressement mes chaussures et ne les lace pas : je n'ai pas le temps.

Dehors, j'enfourche mon vélo, et me dirige à toute allure vers l'école de musique. Je pédale sans réfléchir ; je connais le chemin par cœur. Les immeubles défilent devant moi, les voitures me dépassent, les gens marchent tranquillement dans la rue. Je connais le chemin par cœur. Je prend un pont et fait attention inconsciemment au tramway qui passe. Je connais le chemin par cœur. Je m'engage dans une petite rue plus calme que les avenues emplies de monde. Un chat déguerpit à mon passage. Je connais le chemin par cœur. Tellement par cœur que pendant un instant, je cesse de regarder la route devant moi et percute un obstacle. Je tombe et, sonné, je reste au sol. Une main est tendue vers moi, je lève la tête pour voir son propriétaire et c'est avec Jules que je me retrouve nez à nez. J'attrape sa main, sans vouloir lutter et me relever seul. Il m'aide à me remettre et me regarde étrangement.

« – Ça va ? Demande-t-il peu sûr de lui. »

Et c'est seulement à ce moment là que je remarque que je pleure.

SeulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant