Ti Varye
- Kiyès ki ti varye an la ? [ C'est qui Ti Varye, ici? ] Rugit une voix.
Je restai muet, mes yeux rivés sur l'officier qui prononçait mon piteux pseudonyme. Mon cœur cognait fort dans ma poitrine, il n'y avait aucun doute, ils allaient proceder à mon transfert au pénitencier national, j'étouffai l'énorme sanglot qui obstruait de plus en plus mes cordes vocales. L'homme dont son bidon éclatait presque son uniforme anémié, reposa sa question d'un ton mille fois plus brute que la première fois. Après des secondes d'hésitations, d'une voix tremblante et casiment inaudible je me désignai tout en sachant que ma réponse était la preuve concrète de ma signature à ma condamnation... Le son métallique des clés qui s'introduisaient dans la serrure était pour moi le nombre de secondes qui me rapprochaient de plus en plus des abysses. Il ouvrit la lourde porte qui grinçait péniblement, ma respiration devint toute saccadée. Il me tira vulgairement par le bras, en m'accablant de furieux coups de pieds aux fesses, et en fracassant son arme à ma nuque... il m'ordonnait d'une voix imposante...
- Avanse ! Men en lè... [ Avances !! Les mains en l'air ]
Je m'exécutai la mort dans l'âme, mes pas titubant de faiblesse pilonnaient les céramique endommagés au fil des années... Il me poussa à nouveau avec la pointe de son sniper vers un homme en dreadlocks, vêtu sur son trente-et-un, en tenue de ville, tout y était. Ses lunettes teintés m'observaient sévèrement, j'avais les tripes en condensation. Brutalement, à son tour il me saisit et m'engouffra dans une Nissan Patrol totalement noir aux vitres fumées. L'odeur du neuf frigorifia mes narines mais également celle du Jucy-Lucy. Tête baissée comme on me l'a appris, aucun son ne sortit de ma bouche. Je me laissai emporter par le rap d'un artiste inconnu, le trajet était long et je n'avais aucune idée vers où que l'on m"emmenait. Les minutes qui semblaient être pour moi une éternité s'estompèrent dans mon cerveau lorsque la voiture arrêta de rouler, la portière me fut ouverte et on me bouscula à l'extérieur puis le conducteur redémarra en trombe en soulevant une nuée de poussière... instinctivement, je me touchai le corps comme pour me rassurer que j'étais en vie, sans chercher à trop comprendre qui était mon saint sauveur, je me relevai afin de me repérer et par ma grande surprise j'étais exactement au 'Bloc75' la où j'avais passé la plupart de mes années crasseuses, la fausse au ghetto, l'empire de ma misérable vie....
Je grimpai les trentaines de marches mal construites, d'où s'empilaient les unes sur les autres des carrés de maison faites seulement de blocs de ciments rectangulaire. Leurs toitures en tôle troués faisaient peine à voir, il en était pareille pour celle recouvertes en plastique autrement appelé "Prela" dans notre langue. Comme d'habitude, je traverssai le quartier malveillant en checkant quelque groupes de mecs qui ingurgitait du vent, vu leurs lèvres sèches et leur teint blazé, l'un deux rappeurs de rue m'héla... Il se surnommait "HighFlow".
- O blód apa'm pa wew nan blok la ? [ Oh bro, t'as disparut de la circulation ]
- Ou konen man neg ap brase ! [ Tu sais mec, on se demerde comme on peut ] Répliquai-je videment.
Il me fit un signe de respect puis déserta automatiquement qu'il vit passer une jeune fille,vendeuse d'avocats. Je continuai ma marche en empruntant à nouveau une vingtaine de marches toutes aussi décalés que les autres. J'atteris enfin au sommet de ma pyramide et là, je fus acceuillis par mes trois compagnons de l'agonie. Ils étaient maigres et leur peau noires et crasseuse inspiraient de la pitié,ensemble on formait la team "Baz griyen dan"! Notre énergie à quatre galvanisait ceux qui nous entouraient, ils se jetèrent sur moi en me montrant une lignée de dents jaunies par le manque de soin. Ti Lapli fut le premier à rompre leur euphorie :
- Yo man, tout moun te panse ou mouri wi !! [ Hé mec, tout le monde te croyaient mort]
Ti nwè appuya son ami en poursuivant :
- Mechanste gentan di ke nèg komisarya Petion-Ville lan gentan voye'w penitansye !! Epi ke lót prizonye yo gentan dechalbore'w menm rès kow pa rete. [ Mechansté a dit que les hommes du commissariat t'ont transféré au Pénitencier, et que les prisonniers ont fait ta peau là-bas]
Venant de Mechansté, cela ne m'étonnait pas... Mais comme toujours je ne réagis pas, cet homme me détestait beaucoup plus que la haine, il m'aurait déjà fait la peau, si ce n'était pas les interventions de notre chef suprême qui me considérait tout simplement comme un blanc-bec qui "Triip" comme les jeunes de ce quartier défavorisé en constante maltraitance. Connu sous le nom de "Ti Richès", sa présence occasionnelle terrifiait mais apaisait également les survivants de notre communauté. C'était lui qui détenait le pouvoir, Mechansté n'était autre qu'un bandit de plus qui formait son cartel de gangsters lourdement armé, et notre district était malheureusement sous sa responsabilité selon les ordres impératifs de "Ti Richès". Si un jour, il venait à disparaître Mechansté se fera un plaisir de s'occuper de mon cas... À cette pensée, je deglutis péniblement ma salive qui était le seul liquide auquel je goûtais jusqu'à présent.
Dan Sèch était le troisième de notre "baz griyen dan" il avait du mal à s'exprimer à cause de ses incisives qui étaient placés trop en avant, en plus de son regard globuleux. Du coup il ne parlait presque pas... Ti lapli reprit le dessus de la conversation :- Yo, Apa pow rouj, yo bat ou ? [ Yo, ta peau à des bleus, ils t'ont battus ?]
D'un ton lasse, le corps endolerie je répondis vaguement...
- Ah babylon yo ki tap fè sh**t... nèg yo bastonnenm jiskaske fyèl mwen pete oui man... [ Les keufs faisaient des leurs, ils m'ont bastonner jusqu'à la rupture de mes ligaments ]
Il eut un regard désolé, je n'aurais jamais dû assister à cette soirée d'horreur, mais Mechansté me l'avait formellement ordonné et je n'avais pas d'autre choix que de l'obéir. Cambriolé le Belvedère était une mauvaise idée, comme toutes celles qu'il proposait d'ailleurs... Ti nwè me tapota l'épaule...
- Di Bondye mèsi man, se Ti Richès oui ki fè lagew... [ Remercie le ciel mec, Ti Richès t'as fait libérer ]
Je fus surpris, j'ignorais qu'il aurait pû intervenir pour procéder à ma libération, car pour tout le monde ce n'était qu'un cas comme un autre, et on le savait tous ici, la cité ça pue la merde, t'es plus en vie ton problème...

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.Ti Varye.
Narrativa generale-Je t'........ Putain !!!!!! Lorsque j'ouvris les yeux j'étais encore là....