Ti varye
Le son "me necesita" ressortait des hauts parleurs de la radio qu'on avait installé ; quelques jeunes filles dansaient autour de Wendy et de quelques autres potes à lui. Moi posé dans le coin avec Ti nwè, Dan sèch, et Ti lapli, on ressassait certains anecdotes enterrés depuis quelques temps. L'ambiance était détendu et bien qu'ils étaient tous fauchés, il se perdait dans le plaisir de choper des meufs et de fumer de quoi planer ; je constatai que Ti Nwè et Dan Sèch pataugeait à fond dans le métier de fumeur professionnel depuis mon absence...
Tous posés dans l'entrée du couloir crasseux, on était en mode full énergie. Cependant, malgré l'atmosphère, la moitié de mes pensées restaient cloîtrées chez Sory en me demandant ce qu'elle devrait être en train de faire en ce moment. Une envie tenaillait mes sens d'entendre sa voix, ce qui me poussa à vérifier l'heure. Ma montre indiquait vingt deux heures tapant ; il était peut être temps que je rentre ! Je me levai en terminant ma bierre, puis me mis à les faire nos checks habituels.
À l'instant où je m'apprêtais à saisir Ti lapli pour une belle accolade, le bruit assourdissant d'armes distribuant des cartouches par ci et par là nous frigorifia tous ; le temps que je me rendes compte de ce qui se passait ; tout partait déjà en couilles ! Des hommes armés jusqu'aux os s'aventuraient et se faufilaient entre les ruines de la cité ; les bras, les épaules chargés de munitions et d'armes, ils tiraient, visaient et tuaient tout sur leur
passage. Plongé à terre, je fis l'effort de ramper jusqu'à un coin où m'abriter. Les balles pleuvaient sauvagement, des hommes, des femmes et des enfants criaient à l'agonie ; certains touchés, d'autres blessés... Ce genre d'attaque par surprise venant des gangs adverses se répétaient souvent et vu la gravité de la situation, cette fois... c'était pour de bon !Ma tête enflait et je ne pouvais plus réfléchir tant la pression montait ; surtout lorsque le clan de Mechanste fit à leur tour leur apparition en récidivant sévèrement ; les échanges de tires driblaient, la rage de ne pas pouvoir atteindre le camp adverse renforçait leur haine de vaincre ! Doucement, rampant au sol, je réussis à atteindre un mur discrètement, je me servis de mes bras comme bouclier sur ma tête ; mon cœur se trouvait déjà à 10000 lieux d'ici tant les battements tambourinaient au point de faire trembler mon tshirt.
Sans bouger, une vingtaine minutes s'ecroulèrent dans cette position, le calme ne s'y installa pas pour autant ; des renforts des deux camps pointèrent leur nez, des cris dechiraient la nuit sous les rayons éclatants de la lune, je me levai pour un contrôle du périmètre en rasant les murs, lorsque je m'apprêtais à traverser vers un autre corridor, le poids d'un corps s'effondra exactement devant mes paires de baskets, la cervelle éclaté ! Je dû me retenir pour ne pas vider tout le contenu de mon estomac ; mais lorsque j'essayai dans la pénombre de déchiffrer le visage de la victime, mes yeux s'aggrandirent de stupeur c'était Dan sèch qui en tentant d'échapper aux rafales de balles fut touché, je me faisais violence pour garder mon sang froid et pour éviter que mes larmes fasse de la lessive..À nouveau je me mis à ramper au sol, la force me manquait, la peur frigorifiait mes sens ! Plus j'avançais à travers les tonnes de morts étalés, plus ma frayeur prenait du large...surtout quand quelque chose où plus précisément quelqu'un saisit ma cheville,je me retournai vivement puis fus choqué au moment ou mon regard croisa celui de celle qui retenait mon pied en otage, c'était Taïna..elle me suppliait de l'aider, allongée sur le sol crasseux, son tronc était criblé de balles..
- Ti...t...va....e...d..
Je ne pouvais rien pour elle, j'eus de la peine lorsque ses lèvres exsangues arrêtèrent leurs faibles mouvements, elle était partit et ses doigts devenus raides, me donnèrent du mal à dégager ma cheville. Face à son visage cadavériques mes émotions furent en état de chocs et je perdais mon souffle, des gouttes de sueurs perlaient sur mon front car l'air était fétide et chaud. Ce n'est que des secondes plus tard que je pu me libérer des doigts décédés de Taïna, je lui jetai un dernier regard puis me faufilai vers un autre couloir, j'avais l'impression que mes secondes étaient comptés...J'en ai vécu des nuits ensanglantés mais ce soir était la pire d'entre elles ! Ce spectacle gangreneux m'écœurait et je priais le ciel que je m'en sorte, jamais je n'aurais dû pointer mon nez ici, j'aurais dû écouter Debhra, j'aurais dû me fier à mon égoïsme, je pestai en poussant des jurons. L'envoi des projectiles s'amplifiaient, fallait que je m'abrite ici jusqu'à la fin de l'orage. À peine que je me laissais glisser sur le sol, que quelqu'un fit vibrer mes sens déjà traumatisés, je me retournai et fus soulagé de voir que ce n'était que Ti Lapli... Il me chuchota à l'oreil, la respiration irrégulière et les cordes vocales tremblantes..
- Yo....man..dan..dan..sèch..
- Chuuu..m konen men... Lui dis-je [ Chu.. je sais mec.. je sais]
- Wendy ..... Continua-t-il sur la même cadence
- Li tonbe tou ? [ Il est mort aussi?]
- Non brother... li...jwenn zam youn nan neg mechanste yo... ou konen... Mechanste tou metel bandi.. [ Non mec, il a trouvé l'arme d'un des hommes de main de Mechanste, et Mechanste lui a désigné leader]
En effet, c'était la règle par ici. Si au moment d'une altercation entre gang, un des hommes tombaient à terre ou meurt, celui qui ramassait son arme en sera le nouveau propriétaire... c'est à dire le nouveau "haut-gradé"
- Zam kiyes li jwenn nan ? [ l'arme de qui a t-il retrouver ?]
- Pa elektrik lan... o bondye sim te ka jwen younn tou... Dit-il d'un ton essoufflé mais suppliant d'espoir [ Celui d'elektrik, oh mon Dieu si je pouvais en trouver un également ]
À sa phrase, je ne répondis rien... nos rêves et nos chemins, nos ambitions et nos desirs étaient devenus trop différents. Je soupirai... mes doigts glacés et moites me pressuraient et j'avais des picotements partout dans le corps... Putain faudrait que j'en sorte vivant de cet enfer merdique...
- Pitow priye bondye pou soti vivan nan twou sa man. Lui conseillai-je [ Prie plutôt pour t'en sortir vivant man..]
Ma remarque ne l'effleura même pas car il me tapota l'épaule en me pointant du doigt sur un corps étalé au sol ; je ne pouvais même pas y croire... était -ce vraie ? Rêvais-je ? Le thorax et l'abdomen parsemés de plombs échauffés, il avait son regard haineux sur moi... mais il était éteint.. son sang visqueux se répandaient près des égouts et ses trippes debordaient. Mon système cardiaque choqué m'empêchait de réagir, le bruit des cartouches raisonnaient encore et encore, Ti lapli me poussait à aller récupérer l'arme de Mechanste... Il jubilait de plaisir, comme si la mort de ce chef qui pendant des années avait répandu la terreur parmi nous était sa mise en liberté, sa mine d'or... Il me bousculait pour m'encourager à aller récupérer ses armes et ses munitions en pendaison sur son estomac, sa taille et ses mains sans vie..
- Ale non Ti varye... se chans paw... se ou kap vin chef street lan wi ale.. [ Vas-y Ti Varye !! C'est ta chance mec !! Tu sera le chef du cartier, vas-y mec !!]
J'étais incapable d'émettre le moindre mouvement et encore moins de dire quelque chose...
- Yo al prann ti varye...apaw rete tankou on bèkèkè man...ALE NON. Me presurra-t-il [ Vas-y mec !! N'est-ce pas tu reste comme un idiot ! VAS-Y MEC!!!]
Je ne réagis toujours pas, mon cerveau était bloqué ! Il cupa puis sans aucune autre forme de prudence, il accourut sur le cadavre de Mechanste..
- Non man... Réussis-je a articuler
Il me tendait les armements et les mitraillettes offensives avec un appétit sans borne..
- Men vin pran non ...man.. [ Tiens donc mec! Viens le prendre !! ]
Je fixai ma vision sur le spectacle digne d'un bain de sang... Ils n'avaient pas encore remarqué la mort du chef de gang. Les ripostes de balles blindaient les quatre recoins de la cité ! Autour de nous, des femmes, des mères, des pères de familles, des gosses gisaient dans leur sang..
J'avais des larmes dans mon corps...J'avais des larmes dans mon cœur... J'écoutais l'accélération de mon pouls comme les rafales puissantes qui cartonnait les murs, les tôles en metales ou les prelas qui servaient de maisons à beaucoup d'entre eux.. beaucoup d'entre nous... ce soir pleuvait du sang, pleuvait des être vivants ... Je déglutis péniblement ma salive en gardant les yeux sur Ti lapli qui m'offrait le choix d'être un puissant du Cartel... Ses gestes m'encourageaient à le faire... et fallait que je fasse mon choix...

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.Ti Varye.
General Fiction-Je t'........ Putain !!!!!! Lorsque j'ouvris les yeux j'étais encore là....