.Ti Varye.

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Ti Varye

Seul sous la pleine lune, j'avançais avec un cœur rempli d'amertune alors que le diable m'aidait à recompter mes rancunes. Je soupirai tout le poids de la fatigue de cette journée où dans mon ventre il y avait la troisième guerre mondiale. Je n'avais rien bouffé depuis deux jours et cela me rappelait bien mon séjour chez le pot de colle friquée. Je mangeais et me douchais trois fois par jour sans oublier les trucs qu'elle me portait à grignoter. Je soupirai en chassant ce rêve réel de ma tête. J'eus un sanglot étouffé dans ma gorge, trouver la tranquillité ici c'était un périple, les problèmes que je fuyais m'harassait quotidiennement. J'étais bloqué dans un monde où le borgne était roi et tout ce que je voulais c'était me tirer d'ici au plus vite ! Je soufflai sur la énième marche que j'escaladais puis m'appuyai un instant sur le mur en bloc qui était habituellement notre point de repère. Il ne fallut que quelques secondes pour que je sois entouré de la petite bande. Ti Nwè fut le premier à s'exprimer !

- Yo men ou poze la? {He mec, tranquil?}

- Mewi m'oblije ou konnen ... { Ouais, mec tranquil.}

Ti Lapli émit un commentaire qui était un fait pour nous tous réunis sous ce soleil qui picotait aussi bien nos nerfs que notre misere.

-Mwen gon grangou kap bat mwen la... grangou malè...yo te peyew kes boutey ou te bwote a? {J'ai une faim qui me met K.O, on t'avait payé les caisses de bière que t'avais emporté à la boutique de Joel?}

- Non...misye dim demen ...li pat gen monnen... {Non, il m'a de passer demain, il n'avait pas de monnaie} Répondis-je vaguement. 

Il soupira, alors que Ti Nwe prit parole d'un élan qui exprimait les derniers "scoop"

 - Yo man Mechanste soti wi , li do al pran plezi kek lot kote misye gen money nan men'l week sa ! ou konnen Ti Richès te vini, Kob sosyal li te bay la misye al règle afel avel ! { Yo, Mechanste est sortit, il  doit surement être partit s'amuser dans un autre bled, il a l'argent du "social" qu'à donner Ti Riches, il à été s'enjailler avec} 

À ces mots une brillante idée fit irruption dans mon cerveau. 

- An al kot machann li kon achte fritay nan men'l lan. {Allons trouver la marchande de friture qu'il a l'habitude d'acheter}

- Ou gen lajan ? Li pap vle vann ou non.  { Tu as de l'argent? Elle ne voudra pas te faire de crédit} Sortit Ti Nwe.

- Li pap vle vann mwen men si se sou non Mechanste lap van mwen! Jan li pè'l e li pa konen si misye met deyò. Dis-je fièrement. { Elle ne voudra pas me vendre moi, mais au nom de Mechanste oui, elle a tellement peur de lui, d'ailleurs elle ignore s'il est sorti !}

- hmmhmm. Émeta Dan Sech 

Lui on ignorait s'il disait oui ou non, son avis était celui qui comptait le peu. Traumatisé par le massacre de Lasaline, il s'en était sorti avec un handicape du langage. Tous en accord avec notre décision, je me levai prêt à mettre notre plan en exécution ; ils me suivirent et là je les stoppai nettement.

- Non ... nou menm rete la si nou tout al gonfle sou li, lap panse son konplo...{ Non les gars, juste moi, si vous y allez elle pensera que c'est un complot}

- An ok ok ok ..epa manti..nap tann ou man.. { An ok, ok ok,  tu n'as pas tort, on t'attend mec}  Acceptèrent-ils 

Je leur checkai puis contournai le couloir où la marchande de friture attisait les papilles gustatives de toute la zone. À cette heure de la soirée la clientèle était dense et mes chances étaient minimes mais ça ne me coûterait rien d'essayer. Avec assurance, je m'avançai vers elle alors qu'elle arrachait en morceaux un gibier appétissant, elle s'appelait Naomie.

- Nao men mwen wi... {Nao, me voici ma belle} Débutai-je l'air naturel

- Sam fè'w pou wap vin dim men ou an ? {Qu'est-ce-que je t'ai fait pour que tu me dises te voici ?} Repondit-elle

- Koman ou ye ? {Comment-va-tu ? } Continuai-je

- Gade ti gason mwen gen travay, mwen pa gen tan poum pèdi non.. {Écoute Ti Varye, j'ai du travail, je n'ai pas de temps à perdre moi !}

- On baay mechanste voye'm diw ... { Mechanste m'a envoyé te dire quelque chose} 

Elle eut un air anxieux, tout le monde le redoutait.

- Sa ...sa...Mechanste fem anko? { Que... que me veux Mechanste?} S'enquerit-elle inquiète 

Je puisai mon courage depuis ma faim puis inventai calmement mes propos.

- Li dim pou'm diw li gen de twa blod ki vin kotel la ..pou voye kat pla fritay pou li ak de byè , kat koka..la baw kob la an apre { Il m'a dit de te dire qu'il a des invités, donc de l'envoyer quatre plats de fritures, deux bieres, quatre Coca-Cola, il t'enverra l'argent plus-tard.}

Elle me reluqua ébetée

 -O ? Kat pla ? Se 50 dola wi pla sa yo koute ! Epi tou depi kile Mechanste te kon bwè koka ? {oh,quatre plat? chhacun de ces plats coutent cinquante dollars, et depuis quand Mechanste savait boire du coca?}

Je feignis l'inconcient.

-O sam konen..neg la mete zam bo tet mwen pou'm ka al mandew mannik repete sal di yo ... S'iw vle banm al dil ou pa genyen {Oh, qu'est-ce-que j'en sais moi, le mec m'a collé son arme pres de mes tympans et m'as dit de te répéter mot pour mot ce speech, je l'ai fait c'est tout, tant pis je peux lui dire que tu n'en a pas}

À l'entente du mot arme, elle s'exécuta rapidement et me livra le tout en moins de deux. Je me dépêchai de m'éloigner d'elle en chantant le cri de ma victoire intérieurement. Je les rejoignis et ensemble on alla s'enfermer dans la petite pièce minable qu'on se partageait pour dormir...
Je mis de l'ambiance à l'aide d'une petite radio multicolore, puis on passa à l'attaque sauvagement...

- Yo man premye fwa mwen manje byen konsa danm ! Map kite enpe pou demen. {Wow mec, c'est la premiere fois que j'ai aussi bien mangé de toute ma vie, je vais laisser un peu pour demain} S'exhala Ti Nwe.

Je ne pouvais pas en dire autant ; mon séjour au paradis m'avait permis d'avoir une vraie définition de ce qu'on appelle "bien manger".

- E sal ye wi man ! {C'est exact mec} Acquiesçai-je contradictoirement 

Rassasié, je sortis au dehors à la chasse aux minettes. Après une si bonne bouffe, fallait bien nourrir mon câble d'alimentation qui criait silencieusement famine! De toute manière je n'étais bon qu'à cela, la bouffe et la baise ; dans une dictature intellectuelle je serais sans doute pris pour un taré car je saurai où garer mon avis. Petit à l'orphelinat, les bonnes sœurs me répétaient souvent que la vie était belle...elles m'ont menti...