25. 𝐴̀ 𝑐𝑜𝑟𝑝𝑠 𝑝𝑒𝑟𝑑𝑢𝑠

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En média Ariana Grande, Miley Cyrus, Lana Del Rey - Don't Call Me Angel

Nous montons sur le ring et je commence à sautiller. Nash reste de marbre, aussi impassible qu'il est humainement possible de l'être, alors que mon visage n'est qu'un masque de haine profonde.

Je m'élance droit sur lui, sans perdre une seule seconde. Attaquer la première est d'une importance capitale. Il est plus fort et plus musculeux que moi, je vais donc devoir jouer la carte de la rapidité. Cela implique de frapper vite et fort à des points stratégiques.

Je feins une droite à hauteur de sa tête. Il la contre immédiatement en levant les poings devant son visage, laissant son ventre à découvert, ce qui me permet de lui administrer un uppercut bien senti dans l'abdomen. Il se recroqueville quelque peu sous le coup de la douleur, mais se remet aussitôt en position.

— Stop ! hurle le prof, vous n'avez pas le droit de vous frapper, seul un contact suffit.

Agacée par son intervention, qui m'a stoppé dans mon élan, je réalise que le quadragénaire ne me laissera jamais donner à cet abruti la raclée qu'il mérite. J'adresse un regard entendu à Dylan, et à peine quelques secondes plus tard, l'alarme incendie se déclenche. Le professeur ordonne à tout le monde de sortir dans le plus grand calme.

Je n'ai jamais compris l'utilité de cette phrase.

On sait tous que lorsqu'une alarme incendie résonne, il y a deux possibilités. La première : c'est un exercice. Dans ce cas-là, tout le monde se fout royalement du bruit qui nous perce les tympans et commence à se diriger vers la sortie en papotant de chose et d'autre avec le voisin d'à côté. Cependant, les exercices ont généralement lieu dans des établissements scolaires, pas les complexes sportifs. C'est ce qui nous amène à la deuxième possibilité. Le bâtiment est vraiment en train de prendre feu. Donc loin de sortir dans le calme et le silence, tous les élèves se ruent littéralement vers la sortie dans la plus grande confusion.

Au milieu de la cohue, j'attrape violemment Nash par le bras et lui ordonne :

— Reste là, on a pas fini.

Puis je le pousse à nouveau devant moi, lui faisant signe de reprendre sa position de garde. Les yeux de mon adversaire se couvrent d'une lueur de compréhension. Notre règlement de compte n'est pas terminé, et cet imbécile a enfin compris que tout ceci n'était qu'une diversion.

Le véritable combat commence maintenant. Je le fixe avec une hargne et un dédain non dissimulé. Quant à lui, il laisse enfin paraître sa colère, laissant tomber son masque de glace, pour ne garder que de la rage. Mon coup l'a mis sur les nerfs.

Je croirais faire face à un taureau en plein milieu d'une corrida. Ses pupilles sont dilatées, tous ses muscles contractés, et sa mâchoire serrée. Sans crier garde, nous nous jetons à corps perdu dans la bataille.

Je frappe, il cogne, j'esquive, il pare, notre affrontement est sans répit. Et je dois dire que ça faisait longtemps que j'attendais ce moment, me défouler sur lui me fait un bien fou. Je savoure dans une euphorie grandissante, le goût métallique du sang qui imprègne ma bouche. Les traces d'hémoglobines, associées à ma respiration saccadée, forment une vision exquise de violence et d'hostilité. Je contemple avec un intérêt non dissimulé, le spectacle de l'homme se déchaînant sous sa forme la plus naturelle. Celle de l'animal.

Je m'abandonne à ce moment agréablement douloureux jusqu'à ce que des cris attirent mon attention. Le professeur fait irruption dans la salle et manque faire un arrêt cardiaque en nous voyant.

—  Vous vous  payez ma tête ? Ça fait dix minutes qu'on vous cherche de partout !

Je laisse mon regard dériver sur mon ennemi pour analyser les dégâts. Sa blessure à l'arcade s'est rouverte, pour le reste ce ne sont que des coups superficiels. Ça aurait pu être pire.

Bien pire.

D'ailleurs, sans l'intervention du quadragénaire j'imagine très bien la boucherie qui aurait eu lieu. Tous les deux étant emportés par une frénésie incontrôlable, je crois que nous aurions fini par enlever les gants, poursuivant le combat à mains nues. Notre affrontement n'aurait pris fin qu'une fois l'un de nous K.O. pour de bon — lui, à coup sûr.

— Vous allez chez le proviseur immédiatement ! s'époumone l'enseignant.

Oh non, je l'ai déjà échappé belle la dernière fois, le directeur ne se laissera pas amadouer une deuxième fois. Il me faut trouver un plan, et vite.

— Vous êtes sûr ? commencé-je donc d'une voix innocente.

Le professeur me fixe sans comprendre.

— Vous tenez vraiment à ce qu'on lui raconte que vous, l'adulte censé être responsable de notre sécurité, nous avez délibérément laissé dans un bâtiment en feu ?

— C'était une fausse alerte, se défend-t-il, la crainte pourtant bien visible dans les yeux.

Il a raison d'avoir peur. À sa place je serais terrorisée, car l'envie d'éclater sa tête contre le sol, se répend dans toutes les cellules de mon organisme. J'ai été stoppée dans ma furie meurtrière, et l'irrépressible envie de finir ce que j'ai commencé me consume de l'intérieur.

S'il sait ce qui est bon pour lui, il ne me poussera pas à bout.

— Là n'est pas la question, dis-je impassible, comme une avocate lors de l'interrogatoire d'un témoin clé. Et puis est-ce que je me trompe, ou est-ce que vous venez de laisser la classe sans surveillance, à la merci de n'importe quelle personne mal intentionnée ?

— C'est du chantage ? demande-t-il outré.

— Seulement une constatation.

Il nous fixe tous les deux pendant quelques secondes, tiraillé par la décision qu'il s'apprête à prendre, puis nous ordonne de rejoindre nos camarades.

Échec et Mat.

Nous obéissons sans rechigner, et je fais taire la voix qui m'ordonne de l'abattre ici et maintenant. Nash passe devant moi sans m'accorder un regard.

— Un merci t'arracherait la bouche ? je crache.

— Si tu espères des remerciements, tu sais très bien où tu peux te les mettre, dit-il d'une voix rauque et traînante. Tu es stupide mais pas à ce point.

Sur ce, il tourne les talons et disparait dehors. Pour qui se prend-t-il exactement ? Dylan me rejoint et passe une main devant mon visage pour me sortir de ma transe.

— Isis ?

— Mais quel crétin ! hurlé-je, hors de moi.

— Calme-toi, me dit ma demi-sœur, devinant immédiatement à qui je fais référence. Un jour ou l'autre, le karma lui retombera sur la tête si fort qu'elle en tombera. Et par le karma, j'entends bien évidemment toi et moi, ajoute-t-elle avec un sourire de sociopathe.

Finalement cette excentrique blonde n'est peut-être pas si différente de moi, après tout. Je lui retourne son rictus, et nous rejoignons la classe, qui nous dévisage, Nash et moi, comme si nous étions des phénomènes de foires. Elijah m'adresse un clin d'œil avant de s'écrier haut et fort :

— Alors, Anderson, qu'est-ce que vous faisiez  tous les deux ? se moque-t-il, tandis que l'intéressé le mitraille de son regard acier.

Le sang marquant le haut de son visage, associé aux longues volutes d'encre qui parcourent sa peau lui donnent encore plus l'air d'un assassin. Pourtant, ce n'est pas la raison qui me fait me figer comme une statue de pierre. Les yeux de Dylan s'écarquillent, et elle répète dans un murmure à peine audible :

— Anderson ?

𝐋𝐚 𝐍𝐞́𝐛𝐮𝐥𝐞𝐮𝐬𝐞 𝐝𝐮 𝐂𝐨𝐞𝐮𝐫 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant