Chapitre 1 : Un village à feu et à sang

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180 après J.-C.
Hispanie, province de Tarraconaise

Une odeur âcre de fumée parvenait aux narines d'une jeune fille debout au milieu d'un champ de blé. L'odeur, très forte, lui piquait le nez et la fit tousser. Elle releva la tête, ne croyant pas ses yeux.

Au loin, elle aperçevait un village dévasté par le feu. Certaines maisons semblaient être en flammes, tandis que d'autres paraissaient dans un état de destruction plus avancé: elles ne tenaient même plus debout. Des relents de fumée s'échappaient des ouvertures des maisons, créant un nuage grisâtre au-dessus de celles-ci. Au bout d'un moment, la jeune fille, semblant sortir de cet état second, se mit à courir en direction du village. Elle criait sans s'arrêter « Père! Mère ! » à travers les champs. Elle ralentit le pas à l'approche du village, et contempla l'affreux spectacle qui s'offrait à elle.

Il n'y avait aucune âme qui vive aux alentours. Les murs des maisons en pierre semblaient recouverts de suie et de cendres. La jeune fille contempla les bâtiments détruits et entra dans la demeure la plus proche. Sur le perron, une arme semblait avoir été laissée là: l'épée, lourde, portait des inscriptions en latin sur son pommeau. L'arme était tachée de sang. La jeune fille évita l'épée du pied, mais dès l'arme évitée, elle trébucha sur autre chose. Elle baissa le regard et vit la cause : elle avait trébuché sur un corps. Visiblement un homme, victime de maintes coups donnés à l'arme blanche, possiblement de l'épée se trouvant à l'entrée de la maison. La jeune fille contempla le corps blessé et meurtri de l'homme et laissa échapper un cri d'horreur. Elle était sous le choc: qui pouvait bien avoir détruit un village entier et tué tout ses occupants ? Elle s'agenouilla à côté de l'homme. Il était encore vivant, mais il respirait faiblement. Dans un râle, il dit:

— Pars... Tu... tu n'as rien à faire ici... Ces monstres... Ils ont... ils ont tout saccagé et...
— Ne partez pas ! s'exclama la jeune fille. Ne... me laissez pas... seule...

Elle sentit une larme couler sur sa joue tandis que l'homme rendait son dernier souffle. C'était fini. Il était mort. Elle se releva péniblement et pensa : « Ils ne doivent pas être tous... morts ». La jeune fille n'osait pas y penser. Elle quitta alors cette maison et tenta de retenir un sanglot à la vue du spectacle qui l'attendait à l'extérieur. En face de la demeure qu'elle venait de quitter, elle vit une maison en bois aux murs noirs de suie. À l'entrée, elle aperçut un corps calciné. Le corps d'un jeune enfant. Elle ne lui donnait pas plus de six ans. S'arrachant à ce spectacle horrible, la jeune fille continua son chemin à travers le village détruit.

Arrivée devant une demeure un peu plus grande que les autres, elle contempla sa façade autrefois blanche qui était maintenant noire à cause des cendres et de la suie. La jeune fille entra et vit une femme allongée sur un tas de gravats. De gravats rouge écarlate. Soudain, elle comprit et se précipita auprès de la femme.

— Mère, murmura la jeune fille en prenant la main de la femme. Non... pas toi... c'est impossible...
— Pars, chuchota sa mère avec difficulté.
— Mais, mère... Tu es blessée...
— Pars, maintenant ! Ils sont peut-être partis, mais ils ne doivent pas te retrouver... Pas toi...
– Et père ? demanda la jeune fille, une larme coulant le long de sa joue. Et Romulus ?
– Rema, dit la femme avec difficulté mais fermeté. Il faut que tu partes à Rome. Retrouve-les et dis-leur... que je suis...
– Retrouver qui ? Mère ?!
– Prends la dague de ton père et vas-t-en... Quitte cet endroit... N'oublie-pas: l'amitié et l'amour... Ils sont plus forts que tout le reste...
— Non ! Pas toi... murmura Rema, qui sanglotait.

Malheureusement, il n'y avait rien à faire. La femme était morte. Elle avait rendu son dernier souffle. Ce n'était plus la tristesse qui habitat Rema. C'était la colère. Une colère noire, sombre, qui lui donnait une envie incontrôlable de se venger. Elle voulait retrouver ces meurtriers, et les tuer jusqu'au dernier. Rema contempla le sang qui maculait la tunique de sa mère et poussa un ultime cri de rage.

La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant