Chapitre 25 : Il est si facile de se trahir...

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Province de Mésie, Grèce.

L'encre s'étalait sur la page en une écriture manuscrite serrée. Le liquide noirâtre tirait à certains mots sur le rouge et quelques gouttes d'encre constellaient le parchemin qui aurait autrement été immaculé.

Hélène tourna la page et parcourut la suivante du regard. En haut était écrit d'une calligraphie toutes en fioritures « Les Dix Commandements ». Elle lut le premier : un seul Dieu tu adoreras et aimeras parfaitement.

Elle fronça les sourcils. Ce premier commandement allait à l'encontre de tout ce qu'elle croyait ! Un seul dieu... Un seul ?

Cependant, la vestale continua sa lecture, ayant promis d'être ouverte... Le deuxième commandement était : son saint nom tu respecteras, fuyant blasphème et faux serment.

Elle s'apprêtait à poursuivre sa lecture des Dix Commandements lorsque la porte de sa chambre craqua. Elle sursauta, referma l'épais livre dans un bruit sec, et s'empressa de le cacher sous le lit. Elle se leva et afficha alors son expression la plus innocente. Le panneau de bois s'ouvrit sur son grand-père, Pertinax, qui tentait de se tenir le plus fièrement possible malgré son dos courbé. « Il vieillit... » songea Hélène. Cette dernière approcha du vieil homme pour l'aider, mais il refusa son aide d'un geste de la main.

— Le légat Vilnius vient nous voir demain soir...

La jeune femme soupira. Encore un futur époux potentiel...

— Grand-père, vous le savez... Je suis une vestale. Je ne peux me marier.
— Peut-être qu'un jour tu quitteras ce temple... Et là, tu me remercieras d'y avoir pensé !

Hélène ne répliqua pas, et son aïeul se leva.

— J'ai des affaires sur ma province à régler... dit-il.
— Faites, je ne vous retiendrai pas inutilement si vous avez à faire...

La porte massive se ferma alors sur Pertinax, et dès que la poignée tourna, la vestale entreprit de continuer sa lecture, qui s'annonçait des plus... particulières.

Prison de Rome.

— Mara... Mara... murmurait le prisonnier dans son sommeil, appuyé sur le mur humide.

Au bout de quelques murmures, la fillette de la cellule voisine leva la tête et contempla curieusement l'homme. Ce dernier semblait plongé dans cette torpeur. L'enfant tendit la main à travers les barreaux qui séparaient les deux pièces exiguës et le secoua énergiquement. Le prisonnier finit par se réveiller et regarda autour de lui, visiblement apeuré.

— Qui... Qui m'a réveillé ?...

La jeune fille approcha sa petite frimousse des barreaux en métal et murmura :

— C'est juste moi... Qui est Mara ? Vous n'arrêtiez pas de murmurer son nom dans votre sommeil... Vous sembliez agité. C'est pour ça que je vous ai réveillé.
— C'est... c'est ma...

Sa voix se brisa. Rien ne que songer à elle lui faisait mal... Si mal. Mais ils lui avaient promis. Ils ne pouvaient pas l'avoir tuée... Il s'était rendu...

— C'est ma... femme.
— Oh. Je vois.

Brisant le silence aussi pesant que les barres de fer qui s'était installé entre eux, le prisonnier chuchota :

— Tu connais le prénom de mon épouse, mais pas le mien...

La jeune fille hocha la tête, le poursuivant à continuer.

— Je me nomme Marc Alexandre. Mais, contrairement à Alexandre le Grand, je n'ai rien fait d'admirable... Si ce n'est contester l'autorité...

La fillette s'apprêtait alors à ouvrir la bouche, mais le prisonnier se tourna vers le mur opposé, s'arrêtant dans sa lancée, et plongeant une énième fois dans le silence...

Amphithéâtre Flavien, Rome.

Rema le corrigea instinctivement. Quelque chose avait dérangé son oreille... Marcus avait parlé d'elle au masculin.

Le regard incrédule des trois esclaves – celui de Marcus, Gaius et Bénélos – se tourna immédiatement vers elle. Elle ne comprit pas, et, soudainement, la lumière fut...

Elle s'était trahie.

— Je... Je vous assure que j'ai une explication... bégaya-t-elle, tentant bêtement de se justifier.
— Je le savais, murmura Gaius. Je le savais...

Contrairement à lui, Marcus et Bénélos semblaient sous le choc ; le gaulois haussa finalement les épaules en lâchant :

— Eh bien, après réflexion... C'était évident. Ta voix, tes traits de visage... C'est stupide que nous y avions pas songé plus tôt.
— Nous étions aveugles, constata Marcus.

Ce dernier se tourna vers son ami :

— Sauf toi. Tu avais des réserves...
— Reste à savoir le pourquoi... Pourquoi t'es-tu cachée derrière une fausse identité, Rema ?

Les bases, la charpente, étaient là... Il lui fallait seulement mettre le toit et construire les murs. Il lui fallait avouer la vérité. Juste la vérité.

** Alors ? Pronostics ? **

La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant