Chapitre 16 : Quitte Rome, Lucilla...

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Palais impérial, Rome.

– Maman ! s'écria une voix d'enfant en entrant dans la pièce.

Lucilla, surprise, se retourna. Il n'y avait qu'une personne qui entrait de pareille manière dans sa chambre, sans prévenir. « Lucius», songea-t-elle.

– Qu'y-a-t-il, mon chéri ? demanda-t-elle.

Son fils ne répondit pas immédiatement, occupé à la dévisager.

– Pourquoi as-tu fait ça ? demanda Lucius d'une petite voix.
– Fait quoi ?
– Tuer Crispine.

La rousse resta coite et immobile un moment, n'en croyant pas ses oreilles. Il savait. Ce n'était pas la dernière personne qu'elle aurait aimé mettre au courant, elle devait l'admettre. Cette personne-ci, c'était définitivement son frère, Commode. Mais, tout de même, elle aurait préféré mettre sa main au feu plutôt que devoir le dire à son fils.

– Pourquoi ?! Pourquoi toi ? Tu... dit Lucius, sa voix se brisant aux derniers mots.

Il quitta la chambre en pleurs. Lucilla, figée, ne tenta même pas de le retenir. Un sentiment profond s'immisçait en elle. La honte.

Palais impérial, Rome.

– Lucius sait.
– Quoi ?! s'exclama Honorius.
– Il sait, répéta Commode.
– Qu'est-ce que tu feras ?

L'empereur se retourna vers son demi-frère, surpris.

– J'espère que tu sais qu'il va sûrement aller tout répéter à sa mère. C'est une évidence, dit Honorius.

Commode soupira et dit:

– Tu crois que Lucilla, une fois avertie, va quitter Rome ?
– Pour sauver sa peau, oui.
– Très bien. Dis à Tarrutenius de surveiller toutes les sorties du palais et les entrées de la ville, pour qu'elle ne s'échappe pas.

Ces paroles dites, l'empereur quitta sa chambre et se dirigea vers la sortie la plus proche du palais. Il alla ensuite au Sénat. Tous les sénateurs y étaient déjà. Cela ne l'étonna pas, Rome vivait une situation telle qu'elle ne l'avait pas vécue depuis longtemps.

Amphithéâtre Flavien, Rome.

– On est tous sains et saufs, fit remarquer Gaius, brisant le silence, une fois que tous furent au sous-sol.
– Ouais, dit faiblement Marcus en hochant la tête.

Tout les esclaves réunis dans la salle principale étaient sous le choc. Ils étaient tous sidérés par ce qui venait d'arriver. L'impératrice de Rome était morte. Dès que le décès de cette dernière fut constaté, les fauves furent remis en cage, et le venatione, arrêté. Ensuite, les gladiateurs reçurent comme ordre d'aller dans leurs cellules et d'y rester. Quand l'ordre fut levé, ils se dirigèrent tous dans la salle principale du sous-sol.

– Qu'est-ce qui arrivera après ? demanda Rema.

Elle, contrairement à ses compagnons, n'avait pas été tant surprise de la mort de Crispine, étant déjà au courant. Cependant, que cela vienne si vite...

– Il y aura probablement une enquête qui sera ouverte... Pour trouver le ou les coupables, répondit Bénélos.

Dans son cas, la jeune fille savait qui était le responsable, ou plutôt la responsable, de l'assassinat. Lucilla. Elle songea un moment au dilemme qui s'affrontait à elle; devait-elle la dénoncer? Ou pas? Rema se doutait que les autorités romaines ne la croiraient même pas.

Domus de Livia, Rome.

– Je comprends que les événements d'aujourd'hui vous ont affectés, mais de là à tous se précipiter dans ma domus, qui, je vous rappelle, m'appartient, et crier comme ça... C'est la définition même du non-sens, cria Livia, au milieu de toute cette agitation.

Dès la fin du venatione, Octave s'était précipité chez elle pour lui annoncer la nouvelle: l'impératrice de Rome était morte. Quelques temps après, le sénateur Cassius, sa femme Flavia et leur fille Avia vinrent s'ajouter au désordre qui régnait en maître dans la maison.

– Désolé, Livia, s'excusa Octave. Nous t'avions...
– Oubliée ? Cela ne se fait pas ! Ahh, les jeunes... Ils ne changeront jamais, dit Livia. Maintenant, tous, partez.

Palais impérial, Rome.

Romulus, étendu sur son lit, dans sa chambre, soupira. Il était passé à ça de réussir... Mais il avait échoué. La flèche n'avait pas atteint son but. Il jura intérieurement et se promit de devenir un meilleur tireur à l'arc. L'occasion avait été là...

Il se souviendrait toujours du regard de haine que lui avait lancé Commode quand la flèche avait frôlé le fauve, s'enfonçant dans le sable de l'arène. Bien évidemment, l'empereur savait que cette flèche, en réalité, le visait. Ce dernier avait compris que le tireur de la flèche ne pouvait s'agir que de Romulus, quand il avait remarqué son absence dans la loge impériale, mais sa présence dans les gradins.

Les deux se détestaient d'une haine qui était réciproque. Romulus haïssait le César de Rome, et ce dernier haïssait Romulus à son tour. « Ce que Commode a fait... C'est impardonnable », songea Romulus.

Soudain, quelqu'un entra en trombe dans la pièce. Il se leva et vit le coupable: Tarrutenius, le chef de la garde impériale. Ce dernier aboya :

– J'ai une enquête à faire sur l'assassinat de l'impératrice. Tu la feras à ma place. Et ce, sans discuter ni te plaindre.
– Très bien, grommela Romulus en gardant le regard fixé sur le sol.

Tarrutenius quitta ensuite la chambre, en, bien sûr, faisant le plus de bruit possible. La tâche qu'il avait donné à Romulus ne lui plaisait guère, mais il ne pouvait se plaindre; s'il osait, l'empereur l'enfermerait. Et Romulus savait qu'il devait rester dans les faveurs de Commode, même si c'était plutôt mal commencé, pour un jour, libérer son père de son funeste sort. L'emprisonnement. À vie.

*

Alors, pronostics? Comment réagissez-vous à cette révélation? Nous savons qui a tiré la flèche, désormais!

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La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant