Chapitre 11 : Le banquet

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Domus de la famille Vilibus, Rome.

Lucilla, un verre de vin à la main, soupira. Son frère et le sénateur Cassius n'avaient cessé de discuter entre eux depuis le début de la soirée. Elle s'inquiètait. La jeune rousse se demandait s'ils avaient entendu des ouï-dires sur le complot visant à tuer l'impératrice de Rome, auquel elle était mêlée jusqu'au cou. « C'est moi-même qui doit donner le poison à Crispine », songea Lucilla. Elle se réjouissait intérieurement de l'éminente mort de sa belle-sœur. Dès que cette dernière mourrait, le sénateur Gacius l'avait assuré, Lucilla pourrait prendre le pouvoir à Rome en tant qu'impératrice. Son frère, Commode, à la mort de Crispine, serait désemparé et il lui donnerait le pouvoir, la jeune rousse en était certaine. « Mais, avant de se réjouir, il faut que ma chère belle-sœur meure », pensa Lucilla. Elle savait qu'elle devait lui administrer le poison, mais elle ignorait comment elle le ferait et quand. Elle serra entre ses doigts la mince fiole qui contenait l'arsenic, et elle déposa son verre de vin sur une table basse proche d'elle. La rousse vit son fils, Lucius, qui discutait avec sa tante Crispine, un sourire forcé sur le visage. Visiblement, il ne voulait qu'une chose: fuir.

Lucilla s'approcha de lui, mais quelqu'un lui barra le passage. Le concerné n'eut même un regard pour elle, et laissa échapper quelque chose sur le sol. La jeune femme regarda autour d'elle; tous semblaient occupés à discuter ou à manger et personne ne la regardait. Elle s'empressa de se pencher et prit l'objet échappé sur le sol. C'était un morceau de parchemin. Les mots, tracés à l'encre rouge, étaient très clairs: Le temps presse. Agissez rapidement. Lucilla frémit. Elle savait que ce n'était qu'une prescription, un ordre, mais elle ne pouvait s'empêcher d'avoir peur. Pour elle. Pour Lucius, qui n'avait rien à voir avec ce complot.

Lucilla n'agissait pas seulement pour elle-même, l'issue possible de ce complot servirait également à d'autres. C'était l'une des raisons qui ont motivé le chef de la garde impériale et le sénateur Gacius à l'aider dans son projet, mais elle savait qu'ils l'aidaient aussi pour quelqu'un d'autre, probablement un supérieur. La rousse avait toujours ignoré l'identité de ce supérieur, mais elle pensait qu'il s'agissait de d'un homme politique ou militaire important.

— Maman ! s'exclama une voix d'enfant.

C'était Lucius, qui, libéré de sa tante, s'était précipité sur sa mère.

— Qu'est-ce qu'il y a, mon chéri ? demanda Lucilla en ébouriffant les cheveux bruns de son fils.
— Crispine, elle a parlé en mal de toi. Elle a dit qu'elle te détestait. Mais après, elle m'a demandé de ne rien te dire.

Lucilla soupira. La subtilité n'était vraiment pas un point fort de son fils. « Il a quatre ans, il ne peut pas savoir que toute vérité n'est pas bonne à dire », songea la jeune femme.

— Alors ? demanda Lucius. Qu'est-ce que tu va faire?
— Oh, rien.
— Pourquoi ? Ce qu'elle a dit est méchant.
— Si tu veux me rendre de bonne humeur, dit sa mère, changeant de sujet, vas voir ton oncle et tente d'écouter sa conversation avec le sénateur Cassius.
— Mais pourquoi ? demanda le jeune garçon, septique.
— Ça me ferait vraiment plaisir, si tu le faisais. Et puis, tu ne veux pas voir ta chère mère heureuse ?

Lucius accourra alors vers son oncle, Commode, qui était en grande discussion avec le sénateur Cassius. Ils sourirent à la vue du jeune garçon, ne s'en préoccupant pas outre mesure. Lucius resta un moment auprès d'eux, et Lucilla avait visiblement du mal à retenir son impatience. Quand il retourna vers sa mère, il afficha un sourire fendu jusqu'aux oreilles et demanda :

— Alors, j'ai bien rempli ma mission ?
— Oui, mon chéri. Ils discutaient de quoi ?
— Oh, ils parlaient à propos de la fête de ce soir.
— Rien d'autre ? demanda la rousse.
— Non, rien.

La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant