Chapitre 21 : Révélations

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— Affranchi ?! s'écria Rema, surprise.
— Je suis né esclave, commença calmement Octave, mais j'ai été libéré de mes obligations.
— Par votre maître ? demanda-t-elle, curieuse.
— Non, répliqua-t-il d'un ton sec.

Puis, il se mit à marcher d'un pas rapide, talonné par Rema. Cette dernière ne cessait de se questionner: qui avait été le maître d'Octave ? Qui l'avait affranchi? Et comment était-il passé d'être esclave à avoir des esclaves ? La jeune fille se promit d'enquêter un peu plus sur ce passé pour le moins intrigant. Une nouvelle interrogation s'ajoutait à sa liste, qui était déjà si longue...

Palais impérial, Rome.

Honorius soupira de lassitude. Il tentait, infructueusement, de trouver qui pouvait bien être cette mystérieuse interlocutrice avec qui la vestale parlait... Déjà qu'il avait des soupçons sur cette dernière sur une certaine activité illicite, il devait en plus enquêter sur elle... Soudain, une pensée surgit dans son esprit. Mais oui ! Il se leva, heureux de sa découverte. Cette interlocutrice dont il avait aperçu de manière fugace le visage... Il se souvenait de l'avoir déjà vu quelque part, et il avait trouvé... C'était l'un des gladiateurs qui avaient combattu dans l'arène la journée de la mort de Crispine. Honorius fronça les sourcils. Quelque chose clochait... Il se souvenait clairement de cette voix féminine, mais, pourtant, d'après ses souvenirs, tout les combattants ayant participé au venatione étaient des hommes... Qu'est-ce qu'une femme, ou plutôt une jeune fille, venait faire là-dedans ? Une évidence s'installa. Elle avait une couverture, elle se cachait sous une fausse identité...

Honorius allait accourir auprès de son demi-frère pour tout lui expliquer, mais le doute s'installa. Qu'est-ce que Commode avait à faire avec ce genre d'histoires ? Rien. « Il est suffisamment occupé comme ça », songea-t-il. Et puis, lui-même n'était pas certain de ses propres conclusions...

Amphithéâtre Flavien, Rome.

Gaius ne cessait de la regarder d'une manière suspecte. Il savait. Il savait qu'elle était une jeune fille. Et non pas un homme, comme elle l'avait toujours prétendu. Cela avait été plutôt facile de le découvrir... Sa voix était un peu trop aiguë pour être celle d'un homme. Et, comme pour confirmer ses doutes, un soir, alors qu'elle dormait, il l'avait entendue marmonner dans son sommeil. Un mot lui avait échappé : Rema. Cela avait été étrange, c'était comme si elle avait été réprimandée par elle-même, par sa propre conscience... Visiblement, elle était tourmentée par son mensonge.

Rema se retourna et le dévisagea étrangement. « Elle se demande si je sais », songea Gaius. Oui, il savait.

Quelque part à Rome.

Romulus leva le regard en soupirant. C'était la deuxième fois en moins d'un mois... Un soldat le dépassa en lui donnant un coup d'épaule, et celui-ci lui cria :

— Allez ! Toi ! Entre le premier !

Romulus, ainsi apostrophé, grimaça. Il ne pouvait contester... Il entra dans la demeure, le bois craquant sous ses pieds. Ce n'était pas une maison romaine ; elle ne possèdait aucun vestibule, aucun atrium, et, elle était, de surcroît, en bois.

Il n'y avait pas âme qui vive au rez-de-chaussée. Le jeune homme soupira avec lassitude, et fut tenté de leur crier que se cacher ne servirait à rien ; les soldats les trouveraient de toute façon. Il monta à l'étage supérieur, ses doigts frôlant de près la garde de son épée. Il ne souhaitait nullement être accusé de négligence...

L'étage s'ouvrait sur une terrasse extérieure, quelques tissus suspendus sur la rambarde doucement caressés par le vent. Un tas informe coloré était posé négligemment sur le sol. « Visiblement, ils ont été surpris par notre venue... », songea amèrement Romulus. Les légionnaires, à l'évidence, ne prévenaient jamais les concernés de leur « visite » pour le moins impromptue...

Le jeune homme traversa d'un pas rapide, peu désirant d'allonger la torture pour les personnes responsables de leur venue. Au fond de l'étage, appuyé sur le muret qui séparait la terrasse du vide, était placé une pièce de forme carrée minuscule, fermée de tout côtés. Romulus fronça les sourcils. Comment avaient-ils fait pour entrer s'il n'y avait pas de porte ? « Par le haut, imbécile... » se réprimanda-t-il en levant la tête. Il contempla les alentours et vit, lancée sans ménagement sur le sol, une échelle naïvement faite à l'aide de branches d'arbres. Il l'utilisa pour monter, et pencha la tête vers l'intérieur de la cellule carrée : un homme et une femme se tenaient, et serrée entre eux, une enfant. Le jeune homme sentit son cœur se serrer à la vue de la fillette, mais il fit signe à la famille de sortir. L'enfant tendit ses bras frêles vers ceux de Romulus, et ce dernier sortir la jeune fille de son trou. La femme et l'homme sortirent ensuite, plus réticents.

— On se battra jusqu'au bout ! dit l'homme dès qu'il fût sorti.

Sa femme secoua négativement la tête et soupira. La famille descendit, talonnée, bien sûr, par Romulus. Celui-ci leur pointa la sortie de la maison, et le père et la mère quittèrent en premier. La fillette se retourna et leva les yeux vers le jeune homme, qui était resté, seul, au centre de la pièce.

— Ils sont méchants avec toi, dit-elle d'une voix enfantine en désignant d'un coup de tête les soldats, qui étaient restés dehors. Pourquoi ? Que leur as-tu fait ?
— Rien, murmura Romulus. Tu devrais en glisser deux mots, à cet...
— À qui ?
— À l'empereur, avoua-t-il, résigné. Mais tu ne peux rien faire, tu sais. Son autorité est incontestable...
— Pourquoi c'est lui qui a tout les pouvoirs ? Pourquoi pas toi ?
— Arrête. Arrête de poser de poser des questions.

L'enfant hocha la tête et courrut pour rejoindre ses parents. Romulus, à l'intérieur, soupira. « Décidément, les enfants posent trop de questions... », pensa-t-il.

Prison de Rome.

— Vous finirez, comme tout les autres, dans l'arène ! cria un soldat en refermant violemment la porte de la cellule.

La fillette attrapa l'un des barreaux avec sa petite main et tenta, en vain, de le faire céder. Le métal ne bougeait pas, et l'enfant demanda à ses parents qui étaient à ses côtés, emprisonnés dans la cellule eux aussi :

— Papa ? Pourquoi nous ont-ils enfermés ?
— Parce que nous sommes juifs, ma chérie, répondit sa mère, car son père n'avait pas ouvert la bouche.

Celui-ci contemplait le sol, muet, et il était impossible pour la petite fille de savoir le sentiment qui habitait son paternel. Ce dernier leva la tête et frappa de son poing l'un des barreaux en métal, qui tremblota légèrement sous le choc.

— Je ne les laisserai pas nous achever... murmura-t-il, une lueur de rage dans le regard.


*

Pronostics? Que pensez-vous du passé d'Octave ? Et de la fillette? Pourquoi, à votre avis, Romulus n'a pas répondu à sa dernière question? Par ennui, ou pour cacher ce qu'il pense vraiment ?

*

La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant