Chapitre 6 : Combat à mort

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Amphithéâtre Flavien, Rome.

Les combattants se jaugaient du regard, aucun des deux ne désirant donner le premier coup. Finalement, au bout d'interminables secondes, ce fut l'esclave armé d'une lance qui attaqua le premier. Ce combattant-ci était noir, et son crâne était rasé. L'autre esclave, lui, semblait avoir un profil plutôt grec, avec ses cheveux et ses yeux d'un noir sombre. Ce dernier tenta de contrer le coup de son adversaire, mais échoua, son arme semblant très lourde pour lui. La lance au bout acéré vint se loger dans son épaule, l'affaiblissant grandement.

– Comment se nomment-ils ? demanda Rema.
– J'ignore le nom du noir, mais l'autre se nomme Caius, répondit Marcus.
– Un nom romain ? s'étonna-t-elle.
– Pour plus de patriotisme, cracha l'esclave à la balafre au visage, ils préfèrent nous donner un nom en latin.
– Une manière de nous faire oublier qui nous sommes réellement, grommela le gladiateur à la cicatrice à l'avant-bras. Mais ils ne nous donnent qu'un seul nom, et non trois, comme les citoyens romains. Ils veulent insister sur le fait que nous sommes... des esclaves. Que nous sommes et seront toujours inférieurs à eux.

Cependant, leur discussion fut interrompue par une exclamation de Marcus.

– Regardez ! Le combat commence à devenir intéressant ! s'exclama-t-il. Et plutôt sanglant, admit-il après un court instant de réflexion.

Rema leva le regard vers l'arène et tenta de se concentrer sur cet horrible spectacle. Le grec accumulait les coups donnés par l'arme du noir sans pouvoir contrattaquer, alors que ce dernier pouvait aisément le toucher et contrer ses attaques. L'esclave noir avait en effet l'avantage, disposant d'une arme légère et facile à manier alors que Caius, lui, n'avait qu'une lourde épée qu'il penait à utiliser pour se défendre.

– Mais ils ne sont pas sur le même seuil d'égalité ! protesta Rema. Caius se fait massacrer par...

Sa protestation fut interrompue par les vivats et les exclamations de la plèbe, assise dans les gradins. Caius venait de se faire désarmer et, incapable de se défendre, il fut grièvement atteint par l'arme de son adversaire. Le grec tomba à genoux, semblant incapable de continuer à encaisser les coups donnés par le noir. Le gladiateur, en position de totale faiblesse, saignait abondamment. Le sable de l'arène autour d'eux se teintait peu à peu d'un rouge poisseux, oscillant parfois entre le rosé et l'écarlate intense. La plèbe acclamait le mauritanien, l'encourageant à achever le grec. Mais, Tibère, lui, encourageait Caius à se relever. Au bout d'un moment qui parut interminable à tous, le grec réussit à se relever. Ce dernier défia le noir du regard.

– Il va mourir s'il continue à perdre du sang comme cela ! s'exclama Rema.

Dans l'arène, le combat n'avait toutefois pas continué. Il semblait en suspens, le noir n'osant pas attaquer le grec, désarmé.

– Mais qu'est-ce qu'attend le mauritanien pour achever ce pauvre malheureux ? demanda d'un ton moqueur un gladiateur que Rema n'apercevait pas en raison de la foule qui régnait dans la pièce.
– Il attend l'accord de l'empereur, imbécile, marmonna l'esclava aux cheveux blonds-roux, celui qui avait le visage balafré. Un pouce levé signifie la vie, un pouce au sol signifie la mort.

Rema s'empressa de lever le regard vers la loge impériale. Tous, allant des esclaves aux patriciens, en passant par la plèbe, attendait la décision de l'empereur. Il s'écoula alors d'interminables secondes, durant lesquelles le temps sembla en suspens. Tous retenaient leur souffle, la vie du pauvre Caius ne tenait qu'à un fil. Finalement, l'empereur Commode sembla prendre sa décision. Ce fut un pouce levé. Le grec était épargné. Cependant, de nombreux plébéiens huèrent l'empereur pour cette décision; visiblement, elle ne faisait pas l'unanimité. Alors que la plèbe hurlait sa colère, le noir quitta l'arène. Caius, lui, ne bougea pas, son regard se perdant dans le vide. Tout fut l'affaire de quelques secondes. Le grec, à bout de force, se précipita sur son arme enduite de sable rougeâtre, et sembla hésiter un instant. Soudainement, il se décida, et enfonca profondément l'épée à travers son corps. Ses yeux se perdirent dans le vide un instant, puis il tomba, raide, mort.

La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant