Chapitre 14 : Le cheveu blond tombe...

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Amphithéâtre Flavien, Rome.

Les grilles, au sol, s'ouvrirent dans un bruit métallique. Du sable s'y échappa, le solide granuleux inexorablement attiré par le trou créé par l'ouverture des grilles au sol. Au centre de l'arène, plusieurs combattants s'y tenaient, tous armés. Certains l'étaient d'une fourche, d'autres d'un filet en cottes de maille, et les derniers étaient armés d'une simple épée. Tous avaient un bouclier pour se défendre, si fin et malléable soit-il.

Des fauves surgirent dans l'arène, des quatres grilles. Les animaux étaient attachés par une épaisse corde au cou, et elle était tenue par des soldats qui étaient situés aux extrémités de la zone de combat, leur dos frôlant le mur d'enceinte. Les fauves tentèrent de s'approcher du groupe de gladiateurs, mais ils furent violemment tirés en arrière par les soldats. L'un, un lion, rugit bruyamment, furieux d'être malmené ainsi. Rema, au cœur du groupe de combattants, frissona. « Visiblement, ce lion-là n'attend qu'ils lâchent la corde pour nous sauter dessus », pensa-t-elle.

– Ne panique pas, ils peuvent sentir ta peur. Si l'un d'eux t'attaque, ne fuis pas. Il faut que tu leur montre que tu n'as pas peur et que tu es aussi fort qu'eux, lui recommanda Marcus, qui était derrière elle.

Rema ne répondit pas, occupée à regarder les bêtes leur tourner autour. Les fauves rugissaient bruyamment. Une panthère, tachetée, contrairement à ses pairs, ne bougeait pas et ne rugissait pas. Elle contemplait l'épaisse corde que tenait le soldat entre ses mains. Pourtant, elle ne semblait pas vouloir s'en défaire, contrairement aux autres animaux qui ne cessaient de tirer sur leur corde, furieux d'être gardés attachés ainsi.

La jeune fille chercha Hélène dans les gradins noirs de monde. Son amie avait promis de venir, et Rema espérait qu'elle aurait tenu sa promesse. Son regard croisa celui de la vestale, assise au premier rang, qui l'observait avec inquiétude. Ses lèvres semblaient former quelques mots, inaudibles pour elle, en raison du bruit qui régnait dans l'amphithéâtre. « Il s'agit probablement de recommandations », songea Rema.

Soudainement, au milieu de toute cette appréhension, les cordes qui retenaient les fauves furent lâchées. Les épaisses fibres glissaient sur le sable, alors que la foule acclamait les combattants. Rema se crispa et ses doigts se fermèrent plus solidement sur la garde de son épée. Le lion s'approcha d'elle, pas à pas. Sans prévenir, le fauve bondit sur elle, pattes en avant, avalant les quelques mètres les séparant.

Rema eut d'abord le réflexe de reculer. La bête la fit tomber sur le sable, son bouclier roulant un peu plus loin. Le lion, profitant de cette situation de faiblesse, mordit violemment son épaule. Rema grimaça et tenta de se dégager du poids de l'animal, qui l'écrasait sous ses pattes griffues. Le fauve approcha sa gueule du visage de sa proie et la jeune fille sentit des effluves de viande venir à ses narines. Le lion salivait abondamment. Il enfonça ses griffes plus profondément dans le bras de sa victime. Alors que la créature s'apprêtait à la déchiqueter en petits morceaux, un rugissement furieux retentit derrière Rema. La panthère tachetée bondit sur le fauve et engagea le combat. La jeune fille se leva en titubant et alla chercher son bouclier, qui avait roulé un peu plus loin, gisant sur un tas de sable.

La combattante leva le regard vers ses compagnons qui se battaient contre une panthère noire. L'un des esclaves gisait, mort, sur le sable rouge de sang. Un autre, armé d'une fourche, qui combattait contre l'animal, semblait blessé à la jambe. Rema contempla un moment le combat entre le lion et la panthère tachetée, puis elle se décida. Il était hors de question qu'elle reste ici sans rien faire alors que ses amis risquaient leur vie. La jeune fille se précipita sur la panthère noire, et lui abattit son épée sur le dos. La bête se retourna, furieuse, et l'un des esclaves profita de sa distraction pour lui lancer un filet sur sa tête. L'animal tenta de s'en débarasser, mais c'était peine perdue. Un gladiateur donna un coup de fourche à la créature, la tuant sur le coup.

Dans les gradins, la foule se déchaînait. La plèbe acclamait et encourageait les combattants, réunis au centre de l'arène. Rema chercha Marcus et Gaius du regard, et elle les trouva en train de contempler la bataille qui faisait rage entre la panthère survivante et le lion. Le combat semblait serré, mais ce fut finalement le lion qui prit le dessus. Le fauve mordait sans relâche son adversaire, qui accumulait les coups sans pouvoir se défendre. Alors que le lion allait donner le coup de grâce à la panthère, une flèche fendit l'air. Elle se planta dans le sable, manquant de peu la tête du lion. Les spectateurs se turent tous, dans un silence pesant.

Amphithéâtre Flavien, Rome.

Le silence régna un moment dans l'amphithéâtre, mais ce fut pour un très court laps de temps. Le tumulte revint rapidement. « La plèbe veut visiblement la mort de deux animaux », songea Lucilla, assise dans la loge impériale. Elle eut un regard pour son frère, qui était assis au bord de son siège, attendant avec impatience l'issue du venatione.

La rousse serra la fiole entre ses doigts, et elle se pencha au-dessus de l'accoudoir de son fauteuil capitonné. Elle ouvrit le petit flacon et versa les quelques gouttes de liquide dans le verre en cristal qui trônait, seul, sur l'accoudoir de la chaise de Crispine. Cette dernière, ennuyée, jouait avec son bracelet de perles nacrées du bout des doigts, et ne se rendit compte de rien. L'impératrice prit le verre et but le vin d'un rouge foncé qu'il contenait.

Tout se passa en un instant. Crispine fut prise de violentes toux, et lâcha son verre, qui alla se briser dans un bruit aigu. Elle tomba et sa tête heurta avec force le sol. Après un court moment, l'impératrice ne bougeait plus. Elle était morte.

Lucilla contempla sa belle-sœur, désormais décédée, avec détachement. Elle ne ressentait aucune tristesse. La jeune femme savait que personne ne pleurait la mort de Crispine, détestable comme elle était. Elle vit son frère se précipiter sur son cadavre. Il venait de remarquer sa mort. Sa mort préméditée. Tout avait été planifié. Cet assassinat n'était qu'une tâche faite sur une très longue liste. Lucilla leva le regard vers la loge sénatoriale. Le sénateur Gacius l'observait. Ce dernier affichait un visage de marbre. Il ne devait faire paraître le sentiment d'intense satisfaction qui l'envahissait probablement à ce moment-là. « Pourtant, cela ne sert à rien. L'empereur le soupçonne déjà », songea-t-elle. La jeune femme se retourna et vit le chef de la garde impériale, Tarrutenius, à demi caché dans l'ombre. Elle savait que ce serait lui qui sera accusé d'être le principal coupable dans toute cette situation. Commode l'accuserait de négligence et d'inattention. Normalement, il aurait dû empêcher l'empoisonnement en surveillant tout les résidents du palais, qu'ils soient soupçonnés de trahison ou pas. « Normalement. Mais il est lui-même participant du complot. Se dénoncer lui-même aurait été du suicide », pensa Lucilla.

Un second silence s'était abattu sur l'amphithéâtre. Les soldats avaient péniblement remis les animaux survivants dans leurs cages, en l'occurrence le lion et la panthère tachetée. Cette fois-ci, les combattants avaient eu de la chance. Beaucoup de chance. Mais pas Crispine, l'impératrice des sept collines, qui gisait, morte, sur le sol de la loge impériale.

*

Alors? Prévisions? Sur le complot? Pensez-vous que les coupables seront découverts? Et la flèche tirée? Était-ce organisé? Ou pas?

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La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant