Chapitre 7 : Conséquences

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Amphithéâtre Flavien, Rome.

Rema prit une grande inspiration pour se calmer et entra dans la vaste pièce au plafond haut. Il y avait foule dans la salle, et tous murmuraient entre eux d'un ton surexcité. En avançant jusqu'à la seule place libre au centre du banc, Rema entendit des brides de conversation. Certains se demandaient le pourquoi de l'incident, d'autres ses répercussions possibles, mais toutes les discussions tournaient autour du même sujet: la mort de Caius. La jeune fille atteingnit le centre de la salle, et elle s'assit sur le banc, à côté de Marcus et de l'esclave à la cicatrice à l'avant-bras. Ce fut ce dernier qui prit la parole en premier:

– Ah, je viens de m'en rappeler, on a oublié de se présenter. Moi, je me nomme Gaius, et, l'esclave avec qui je discutait avant le munus, c'est Vercingétorix.
– Ahh non, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi, grommela le concerné qui était assis devant eux. Mon nom, c'est Bénélos, pas Vercingétorix.
– Mais c'est du pareil au même, fit remarquer Marcus en levant les yeux au ciel devant l'obstination de son ami. Les deux sont des noms gaulois.
– Peut-être, répliqua Bénélos, mais je ne suis pas et je ne serais jamais lui, ce mythique héros de guerre gaulois qu'est Vercingétorix. Et je tiens à préciser qu'on m'a donné un nom à ma naissance, pas comme toi, Marcus.

Ce dernier s'apprêtait à répliquer vivement au gaulois, mais Gaius prit la parole avant que Marcus ne put dire quoi que ce soit:

– Donc, tout ça pour simplement nous présenter, dit-il précipitamment.
– Enchanté de faire votre connaissance, dit Rema d'un ton morne.

Les souvenirs d'il y a à peine une heure restaient encore très présents dans son esprit. Ce sang, la mort de sa mère... La jeune fille savait qu'elle devait tourner la page, et plutôt se concentrer sur retrouver le meurtrier, le coupable, mais elle n'y arrivait pas. Marcus remarqua le silence gênant qui planait entre eux et se racla bruyamment la gorge:

– Bon, eh bien... À votre avis, pourquoi l'empereur a épargné Caius, alors que l'autre esclave avait gagné et aurait pu l'achever ?
– C'est évident, Marcus, dit Gaius en soupirant. Le noir était grand favori de la plèbe, mais également de l'empereur. Cependant, il ne pouvait condamner Caius à la mort: cela aurait été très peu réfléchi comme décision, car il aurait aussi condamné l'économie de Rome, en sachant que Caius était l'un des esclaves de Tibère.
– Et Tibère l'un des patricien les plus riches et influents de Rome, continua Bénélos.
– Mais il n'a pas aussi pris cette décision pour éviter de se mettre Tibère et tout les patriciens à dos ? suggéra Marcus.
– Probablement aussi, consentit Gaius.

Rema resta silencieuse, méditant sur cela durant un instant. Soudain, une pensée surgit dans son esprit.

– Gaius, tu ne tiens pas beaucoup l'empereur dans ton estime, dit-elle, mais pourquoi ?
– Moins fort, murmura Marcus, inquiet. Si quelqu'un nous entend, les prochains à combattre dans l'arène, c'est nous quatre.
– C'est bon, on a compris, dit Gaius, visiblement mécontent de la peur qu'avait Marcus. Personne n'osera nous dénoncer, de toute façon. Vous croyez vraiment qu'il y a un traître parmi nous ?
– Cela peut paraître étonnant, mais pour une fois, je suis d'accord avec Marcus, dit le gaulois.  Tu n'es pas assez méfiant, quelqu'un pourrait très bien rapporter notre discussion à l'empereur en échange d'argent.
– D'argent ?! s'exclama Gaius. Nous sommes des esclaves ! De l'argent, que ce soit une sesterce ou un sac plein d'aureus ne nous servirait à rien.

Rema soupira. « Décidément, ces trois-là passent leur temps à se disputer... », pensa-t-elle. Alors que Bénélos s'apprêtait à répliquer à Gaius, la jeune fille se leva et quitta la pièce. Rema était un peu lasse de les entendre se disputer sur tout et n'importe quoi. Elle se dirigea vers la salle aux grilles, puis elle prit le couloir menant aux chambres réservées aux esclaves. Arrivée devant la sienne qui lui avait été assignée plus tôt, Rema entra, tira le tissu faisant office de rideau d'un coup sec, et elle s'allongea sur la couche posée sur le sol. Fatiguée, la jeune fille ne tarda pas à s'endormir.

Domus de la famille Vilibus, Rome

Assise dans l'atrium, Avia attendait avec impatience l'arrivée de son père, qui assistait à une réunion du Sénat. Elle trouvait le temps long, et elle commença à taper du pied sur les carreaux du carrelage du plancher, n'en pouvant plus d'attendre. Avia se retourna pour regarder par le vestibule si son père était arrivé, mais peine perdue, il n'était pas là. Sa mère, Flavia, qui était à côté d'elle, soupira et dit:

– Ma chérie, calme-toi. Tu vas finir par me transmettre ton inquiétude, à force de regarder par la porte du vestibule toutes les cinq secondes.
– Mais, mère ! protesta Avia. Il était censé arriver il y a plus d'une heure ! Vous ne vous inquiétez pas ? Il pourrait lui être arrivé quelque chose...
– Vraiment ? Tu ne penses pas plutôt, que comme à l'accoutumée, la réunion s'est prolongée, dépassant les deux heures auxquelles elle aurait dû durer ?
– Ahhh, grommela Avia. Vous avez probablement raison.

La jeune romaine se leva et commença à faire les cent pas dans l'atrium, contournant le bassin peu profond au centre de la pièce, l'implivium.

– Mais quand va-t-il arriver ? C'est vrai que parfois la réunion du Sénat dépasse les deux heures qui lui sont allouées, mais de là à ce qu'elle dure presque une heure de plus... dit Avia tout en faisant le tour du bassin.
– Il n'y arrive pas de tels incidents tout les jours, fit remarquer sa mère.
– D'accord, consentit la jeune fille à contrecœur. Mais quand même, c'est...

À ce moment précis, un homme d'une quarantaine d'années, vêtu d'une toge blanche agrémentée d'une large bande pourpre sur le côté, entra dans l'atrium. Avia se retourna et lui dit sur un ton de reproche:

– Père ! Vous en avait mis, du temps ! Nous commençions à nous inquiéter...

Le père d'Avia vint s'asseoir sur l'un des bancs en marbre blanc près de l'implivium.

– La réunion du Sénat a été longue, dit-il en soupirant. L'empereur s'inquiètait des futures... répercussions de cet incident. Il était furieux contre Tibère. Commode considère que le seul responsable, c'est lui.
– Personne ne pouvait prévoir ce qui allait se produire, dit Avia.
– Nous le savons tous. Mais le mal est fait. Cependant, Commode ne peut rien faire contre Tibère, et ce dernier le sait très bien. Cela reviendrait à condamner l'économie romaine pour un bon deux mois, voire même plus. Tout les patriciens se retourneront contre l'empereur, et tu sais que la prospérité de notre cité repose sur...
– Les patriciens, je sais, continua Avia. Ce sont eux les commerçants et les marchands, et non les plébéiens.
– Tu oublies le travail essentiel des provinciaux, fit remarquer son père en se levant. Ce sont eux qui fournissent les ressources nécessaires au commerce, comme le blé, le vin, ou l'huile...
– Trève du cours d'économie de l'Empire romain, dit Flavia, les interrompant. Viens, ma fille, il faut que tu finisse ton travail de tissage. Ton père a sûrement une pile de travail à faire pour le Sénat.
– D'accord, admit la jeune romaine. Je vous suis.

Avia, quittant l'atrium, entendit le bruit de pas de quelqu'un se dirigeant dans la direction inverse. Elle se tourna juste à temps pour apercevoir son père qui quittait la maison, passant par le vestibule.

La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant