Aux frontières de Rome.
— Papa ? demanda la petite, brisant le silence qui s'était installé entre eux depuis qu'ils avaient quitté la geôle. Où irons-nous ?
— Loin, murmura le père, très loin d'ici...
— Et maman ? Comment va-t-elle faire pour nous rejoindre.La question fatidique était posée. Le paternel garda le silence un long moment, avant de répondre :
— Elle n'est plus là, maman...
La fillette hocha la tête, mais nul doute qu'en réalité elle n'y comprenait rien. Ils poursuivirent leur chemin, s'éloignant de plus en plus de la cité maudite... Rome.
Amphithéâtre Flavien, Rome.
Loin de ses retrouvailles familiales, la foule dans les gradins médisait. Elle médisait sur la rumeur, partageait ces ouï-dires et huait même le concerné. La plèbe avait ouvert les yeux : celui qu'elle aimait, respectait - parfois - et idôlatrait comme un dieu était mort. Sous cette face se cachait un homme cruel, violent, prêt à tout pour conserver le pouvoir à Rome - même à tuer et à ne pas respecter les règles que lui-même avait établi... -.
— Ce n'est qu'un tricheur ! criaient certains.
— Un meurtrier ! en hurlaient d'autres.Romulus, au milieu de la huée générale, s'était caché. Caché pour ne pas avoir à rester dans cette loge impériale et protéger une ombre - littéralement -. L'empereur ne participerait pas à ce munus en tant que spectateur. Il y serait combattant... Commode descendrait une nouvelle fois dans l'arène.
Le jeune homme se questionna un moment sur l'identité du pauvre esclave qui affronterait le César de Rome. Nul doute qu'il mourrait. Romulus connaissait très bien la puissance de l'épée de l'aigle... Il était excellent. « Évidemment, songea-t-il amer. Il passe plus de temps à s'entraîner qu'à régner ! »
C'était effectivement le cas. Le pourpre pouvait passer des heures entières à combattre des esclaves ou des soldats en guise d'entraînement : et cela le réussissait plutôt bien...
La populace hua et hurla soudainement plus fort. L'empereur venait d'arriver, saluant hypocritement la foule. « Inutile, pensa Romulus. La plèbe le déteste déjà... » Des légionnaires étaient postés aux limites de chaque gradin ainsi qu'à celles de l'arène : Commode craignait-il un soulèvement populaire ?
Le munus commença sans prévenir. L'autre combattant, lui, avait les cheveux coupés court - et mal, de ce que pouvait apercevoir de là Romulus - et un simple glaive pour se défendre. Cette fois-ci, le combat était équilibré d'apparence : l'empereur disposait de la même arme en tout points.
Les coups se succèdaient à une vitesse folle... L'aigle semblait déterminé à gagner - et de manière totalement correcte, sans tricher - désormais. Le pauvre esclave qui subissait les foudres du pourpre était, Romulus devait l'admettre, très bon : il réussissait à contrer presque toutes les attaques et il... prenait même l'avantage ?
La plèbe, elle, acclamait ouvertement l'adversaire de l'empereur, sans aucune considération pour les soldats postés près des gardins. Elle jouait avec le feu... Les gardes s'approchaient de plus en plus de la foule, leur arme à la main, menaçant la populace.
Ces menaces impériales inutiles ne faisaient rien : elle n'excitait qu'encore plus....
Le combattant au centre de cette fièvre populaire prenait l'avantage, et Commode paraissait dépassé par toutes ces attaques plus rapides les unes que les autres. Le glaive de l'adversaire s'enfonça dans l'épaule du pourpre : celui-ci grimaça et renvoya violemment le coup.
La foule hurla une fois de plus, encourageant l'esclave au détriment de l'empereur... La plèbe voulait-elle la mort de ce dernier ? Non, elle était simplement en proie à la colère... « Et dans à peine quelques temps, tous auront déjà oublié la cause de cette fureur de la population », se convainquit Romulus.
Soudainement, le combattant se retourna fugacement vers les gradins. Le jeune homme crut avoir mal vu un moment, tant c'était impossible... Mais non : le combattant était bel et bien sa sœur...
— REMA ! cria-t-il, euphorique, en se levant.
Elle était vivante. Non pas morte.
Le regard de nombreux légionnaires se tourna vers lui, et d'autres gardes se précipitèrent dans l'arène pour assommer sans prévenir - et violemment - la pauvre gladiatrice... Rome ne pouvait se permettre de perdre son seul dirigeant...
*
Je sais que vous voulez tous me tuer... Désormais, Romulus sait que sa sœur est en vie ! Que pensez-vous qu'il lui arrivera ? Et qu'arrivera-t-il à Rema ?
*
Référence historique
Commode et les jeux dans l'arèneCe n'est pas pour rien que Commode a reçu le surnom « d'empereur gladiateur ». Il aimait en effet descendre dans l'arène, et il ne s'en ait nullement privé lors des douzes années de son règne, de 180 à 192.
Sa passion et sa ferveur pour les jeux ont répandu d'ailleurs une rumeur concernant sa légitimité : certains prétendent qu'il serait le fils d'un gladiateur qui aurait eu une relation avec la mère de Commode, à l'époque impératrice.
Le portrait dressé de Faustine est effectivement peu flatteur : elle trompe son mari, Marc-Aurèle, avec des acteurs de pantomime ou même des esclaves. Cette rumeur concernant cet adultère ne fut à l'évidence jamais confirmée.
Cet amour pour ces descentes dans l'arène lui aurait même valu la mort : lors d'un venatione en l'an 192, il aurait pointé la tête du fauve qu'il venait d'abattre vers la loge sénatoriale en déclarant : « Bientôt, ce sera vous... ». Les sénateurs auraient pris ce geste comme une menace et assassinèrent Commode quelques temps plus tard...
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La Légende de Rome - Tome I
Historical Fiction| Tome un : terminé | 180 après J.-C. Empire romain L'aiglon vient de prendre le pouvoir à Rome, Devenant maintenant un aigle, L'oiseau fier prend son envol... Le village en flammes, Le sang qui coule, Le fer qui se croise. Rema qui contemple, i...