Chapitre 37 : Pestilentia

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Pestilentia (du latin) : épidémie

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Domus de Livia, Rome.

— Il paraît que la peste est revenue en province... dit Livia, pour une fois moyennement intéressée par les ragots de la cité.
— Oui... confirma Octave. À ce que l'on dit.
— Crois-moi, je le sens, cette fois-ci, elle sera encore plus destructrice...

Son interlocuteur soupira en levant les yeux au ciel. Livia délirait. Comme à son habitude...

— Elle partira avant même qu'elle n'ait eu le temps de faire trois morts... Ne nous inquiétons pas outre-mesure, dit-il d'un ton qu'il espérait rassurant.
— Non, trancha d'une voix forte l'artisane. La peste décimera des villages entiers, elle arrivera même à la capitale... J'en suis convaincue. J'ai vu la maladie de mes propres yeux !
— Livia...
— Dois-je te rappeller ton bon vieil ami Marc-Aurèle ? Non ? Le souvenir te revient, n'est-ce pas... Il en est mort.
— L'épidémie s'essoufflera, conclut Octave, sec.

Ce dernier se leva puis quitta, et la vieille femme ricana dans son dos, y ayant vu une touche d'émotion... « La subtilité même... », se dit-elle, railleuse. Loin, très loin, la maladie se répandait déja, et avec elle, sa chère amie la Mort...

Maison des vestales, Rome.

La vieille venait de terminer sa ronde. Il ne lui restait qu'une seule chambre, celle d'Hélène. Cette dernière attisait les soupçons d'Archilla : plusieurs fois, elle avait manqué les prières du matin, et lorsqu'elle s'y rendait, son visage manquait de conviction....

La femme ouvrit la porte de la concernée sans même prévenir. Celle-ci était, heureusement pour elle, vide. Archilla fit maintes fois le tour de la chambre sans rien trouver de suspect, et la grande Vestale fronça les sourcils. Hélène avait peut-être caché la pièce à conviction quelque part... Elle n'était guère stupide.

La vieille se pencha pour lancer un énième regard sous la table et vit un épais bouquin glissé dessous le lit. Finalement, la prêtresse était moins intelligente qu'elle le croyait... Décevant.

Archilla attrapa le livre d'une main rabougrie et s'empressa de tourner les premières pages. Sur l'une étaient consignés dix ordres, qui étaient appelés des « commandements ».... Étrange. Elle continua sa lecture et découvrit toutes sortes de messages à la noix, tels que le fait de n'avoir qu'un seul dieu, ou encore d'obéir à son fils, descendant sur Terre, un certain... Jésus ?

La vieille en déduisit aussitôt qu'il s'agissait probablement d'une quelconque secte. La grande Vestale rangea l'ouvrage à sa place puis quitta, sans oublier de refermer la porte derrière elle, ailleurs. Cette idée de secte des plus bizarres resterait gravée dans ses pensées... Au péril de la vie d'Hélène.

Palais impérial, Rome.

César ? J'ai quelque chose à vous annoncer, dit Tarrutenius en entrant dans le bureau impérial.

Commode était assis devant le meuble maître de la pièce, signant quelconque édit, écrivant et lisant. Il leva la tête au bout d'un moment et lança un regard moyennement intéressé vers le chef de la garde.

— La peste s'est rendue en province, annonça ce dernier sans détours.

L'empereur renversa son encrier à une telle annonce et le liquide noirâtre se répandit sur tout ses papiers. Il jura puis s'empressa de réunir ses affaires pour les éloigner de l'encre maudite.

— Vraiment ? demanda d'un ton impérieux Commode, un codex quelconque à la main.
— Oui.
— Prenez des mesures pour connaître l'étendue de la maladie, ordonna le César de Rome.
— Très bien.

Tarrutenius recula, songeant sûrement à la chance qu'il avait eu d'avoir évité d'avoir à subir la fureur impériale. Nul doute qu'il aurait ressenti le besoin de trouver un coupable...

— Attendez.

Le chef de la garde impériale s'arrêta, et lança un regard vers Commode. Qu'avait-il à ajouter ?

— Tarrutenius, j'ai changé d'avis. Je ne fais guère confiance à mon armée pour une tâche de cette importance. Vous vous rendrez personnellement en province pour m'envoyer des rapports sur l'étendue de l'épidémie, et aussi sur ses symptômes.... Mieux vaut être trop prudent. Il pourrait s'agir d'une autre pathologie quelconque... Est-ce clair ?
— C'est très clair.... chuchota son interlocuteur d'une voix tremblotante, sentant sa fin imminente.

C'était du suicide. Un meurtre. Une manière de se débarrasser de lui... Mais il ne pouvait contester les ordres de son empereur...

Il tenta de quitter le bureau la tête haute, mais c'était chose peu aisée. La porte fut refermée et Commode ricana : « me voilà débarrassé du deuxième conjuré.... Reste leur supérieur, leur chef ». Dans l'ombre, la menace se tenait, plus prudente que jamais...

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Pronostics ? Que fera Archilla ? Dénoncera-t-elle Hélène ? Et Commode ? Réussira-t-il à démasquer l'identité de ce « supérieur », qui se révèle être Pertinax ?

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Référence historique
La peste antonine

La peste antonine fut l'un des nombreuses épidémies qui frappèrent l'Empire, cette fois-ci lors du règne des Antonins, une famille d'empereur romains regroupant Marc-Aurèle, son fils Commode, Antonin le Pieux, et selon certains historiens, Hadrien. Cette pathologie se révèlait être en réalité une épidémie de variole. Elle toucha principalement les provinces, notamment celles au nord de Rome, telle que la Gaule ou la Germanie.

Marc-Aurèle mourut d'ailleurs de la peste antonine lors d'une expédition militaire proche du Danube, pour contrer l'avancée interne des peuples barbares. On peut ainsi comprendre que cette épidémie ne se rendit ironiquement jamais à Rome, la capitale, pour une raison ou une autre.

Le nombre de morts est très difficile à évaluer : selon certains experts, elle aurait tué entre 10 et 30% de la population actuelle de l'Empire, ce qui représente un chiffre tout de même considérable. Dans tout les cas, la peste antonine frappa durement le territoire, et contribua à affaiblir les romains.

La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant