Chapitre 30 : Deux pauvres âmes

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Merci pour tout vos retours sur le précédent chapitre !

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Devant l'amphithéâtre Flavien, Rome.

— C'est toi qui a donné mon précédent message à Remus ? s'enquit une voix féminine.

Gaius se retourna. Celle qui avait parlé, c'était cette Hélène, non ? La jeune femme brune leva les yeux au ciel et soupira.

— Je suis pressée, tu sais ? C'est toi, oui ou non ?
— C'est moi, dit-il. Vous voulez lui donner un autre message ?
— Oui, répondit la vestale en fourrant un bout de papier dans sa main. Donne-le à Remus.
— À Rema, corrigea-t-il. Je sais.

Hélène hocha la tête, visiblement peu surprise. Gaius se retourna vers l'amphithéâtre blanc et entra, le message à la main. Passant en sens inverse, il croisa Tibère, un sourire mauvais au visage. Que pouvait-il bien le mettre de si bonne humeur ?

Il s'empressa de se diriger vers la cellule de Rema pour lui donner le bout de parchemin, songeant à la joie très peu accoutumière de Tibère. Rema n'était pas là. Il glissa le message sous sa couche sur le sol, convaincu qu'elle allait le trouver à son arrivée.

Palais impérial, Rome.

La porte s'ouvrit lentement, et Lucilla s'empressa d'aller la refermer derrière l'arrivant. Honorius. Celui-ci soupira et demanda :

— Tu as une quelconque faveur à me demander ?
— Suis-je si prévisible ? Mais non, il ne s'agit pas de ça...
— Qu'il y a-t-il, alors ?

Lucilla lui lança un regard chargé d'une grande éloquence, pleine d'espoir. Évidemment. À quoi s'était-il attendu ?

— Non. C'est hors de question. Tu sais très bien qu'on ne peut pas... fit-il.

La rousse, furieuse comme un enfant à qui l'on refuse quelque chose, le poussa sur le mur opposé et déposa fermement ses lèvres contre les siennes. Honorius sentit l'envie fugace de se laisser abandonner au désir mais une conviction plus forte que tout s'installa. Non. Ils ne pouvaient pas.

Il la repoussa avec le plus de délicatesse possible et secoua négativement la tête.

— Lucilla, chuchota-t-il. Non...

L'ancienne impératrice promena ses doigts sur son bras et leva vers lui un regard mêlé d'envie et de frustration, lançant une œillade vers le lit au milieu de la chambre.

— Je t'en supplie... S'il te plaît, murmura-t-elle, ses cheveux de feu frôlant son oreille.

C'était tentant. Très tentant, même... Honorius songea un moment à la réaction de Commode lorsqu'il le découvrirait et cela suffit - presque - à le dissuader... Il recula d'un pas, et le doux toucher de la jeune femme le quitta. L'expression de Lucilla changea en un instant. La lueur de désir dans ses yeux d'émeraude se transforma en une lueur fugace de colère.

— Peureux ! Ne me dis pas que... que... que tu n'en as pas envie !

Honorius usa de toute sa retenue pour ne pas céder à la colère et ainsi faire quelque chose qu'il regretterait. Lucilla, blessée que ses remarques ne l'atteignent pas, lui hurla :

— Es-tu seulement capable d'avoir des sentiments, espèce de... espèce de bâtard !

Là, elle avait touché un point sensible. Il se retourna dans sa dignité qui lui restait et fit claquer la porte derrière lui, blessé à son tour. Marchant d'un pas vif dans le couloir éclairé à la chandelle, il entendit quelques sanglots provenant de la chambre qu'il venait de quitter. Il sentit un profond regret l'envahir et faillit aller la consoler, mais des pas se firent entendre dans le corridor. Honorius essuya rageusement ses joues humides, se maudissant intérieurement. Au palais, cette nuit-là, deux âmes furent la proie du regret...

Maison des vestales, Rome.

— Hélène ! dit Rema en étreignant son amie. Je suis si heureuse de te voir...

La vestale sourit et s'assit sur le lit. Pour elle aussi cela avait été long, entre le légat Vilnius qui était venu et son grand-père qui tentait à tout prix à ce qu'elle quitte le temple...

— Alors ? demanda Rema. Qu'as-tu fait durant ton voyage ?
— Oh, il ne m'est rien arrivé de particulièrement intéressant... Bon, il y a bien eu la venue du légat Vilnius, accorda Hélène. Mon grand-père pense qu'il pourrait faire un bon parti.
— Mais tu es vestale ! Tu ne peux pas te marier !
— Je sais. Va le dire à mon grand-père, personne n'arrive à lui faire entendre raison...
— Je vois. Mais qui est ce Vilnius ? demanda Rema, curieuse. Je n'en ai jamais entendu parler.
— Il est au service de l'Empire en tant que légat depuis bien longtemps... Il a un fils, Honorius, qui a été promu au titre de commandant de toutes les armées. Sa femme est morte à la naissance de son seul fils, paraît-il...
— Paraît-il ? Pourquoi ? On ne l'a jamais vue ?
— Certains disent qu'il ne s'est en réalité jamais marié et que son fils serait... illégitime.
— Qui serait sa mère, alors ?
— Cette partie-là de l'affaire est la plus croustillante, fit Hélène d'un ton excité par les ragots de la cité. Ce serait la mère de l'empereur, Faustine... De plus, tout le monde le sait, Faustine n'était pas l'épouse la plus fidèle.... même si elle a été impératrice.

Rema leva les yeux au ciel en soupirant. Tout ces ouï-dires et ces ragots ne l'intéressaient guère...

— Et le mari de Faustine, l'ancien empereur, n'a jamais eu quelconque doute ? demanda-t-elle.
— Non... Et elle est morte. Personne ne peut en témoigner... Vilnius mentirait pour protéger son enfant sans nul doute.

Ainsi la nuit passa, sous les ragots et les rumeurs vieilles et nouvelles racontées...

Amphithéâtre Flavien, Rome.

Rema lança un regard curieux vers une lueur qui émanait d'une cellule proche. Une chandelle, sûrement. La jeune fille se glissa dans la chambre et découvrit avec surprise une table bancale où était la dite bougie ainsi qu'une feuille couverte de gribouillis incompréhensibles.

Quelqu'un entra, et Rema sursauta, la main sur le papier, prise en faute. Elle se retourna et vit Gaius, qui l'observait, un sourcil levé.

— C'est de l'hébreu, avoua-t-il. Je... je suis juif. Mais promets-moi de ne le dire à personne ! s'empressa-t-il d'ajouter en voyant l'expression estomaquée de Rema.
— D'accord, accepta-t-elle. C'est pour cela que tu as voulu libérer la famille, n'est-ce pas ?
— Oui. La petite est en sécurité cachée par ma sœur, mais ses parents...

Sa voix se brisa. Le dire lui fairait trop mal. Ils avaient échoué. Lamentablement.

— Ils vont peut-être mourir... chuchota Rema.

Gaius hocha la tête, et ajouta amèrement :

— La fille survivra au moins, elle...

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Prévisions ? Que pensez-vous de l'affront qu'a pris la pauvre Lucilla ? Et qu'arrivera-t-il aux parents de la fillette ? Croyez-vous l'affaire racontée par Hélène ? La suite très bientôt !

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La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant