Chapitre 17 : L'émeraude se brise...

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Palais impérial, Rome.

– Tu seras bannie, en réponse au crime que tu as commis. Contestes-tu ?
– Non, murmura Lucilla, résignée.

Elle devait se mettre à l'évidence ; il savait. Commode savait que c'était elle qui avait tué Crispine. Et de toute façon, même si elle niait, il ne la croirait pas. Le meurtre de la mère de l'ancienne impératrice de Rome, et la tentative d'assassinat de cette dernière, quelques temps plus tard, constituaient des preuves plus que suffisantes.

– Je suis clément en ne te tuant pas, dit Commode. Considère-toi chanceuse.

La rousse grimaça au mot « clément ». L'adjectif ne décrivait nullement son frère. Il était nettement plus du type impulsif et irréfléchi.

– Et Lucius ? demanda-t-elle. Où ira-t-il ?
– Il restera ici. Au palais, répondit l'empereur d'un ton sans réplique.
– Où serai-je bannie ?
– Tu iras à Capri, plus au sud. J'ai pris toutes les dispositions pour que tu puisses partir aujourd'hui.

Lucilla ne répliqua pas. À quoi cela aurait-il servi, dans la situation où elle était ?

– Est-ce toi qui s'est introduit dans mon bureau sans ma permission ?

La rousse ne répondit pas, mais elle nia pas non plus. Commode sembla prendre cette absence de réponse pour l'affirmative et se tourna vers la porte. Alors qu'il allait quitter, elle demanda :

– Pourrais-je avoir la permission d'aller voir Lucius avant mon départ ?
– Non.

Et sur ces paroles dites, il quitta la pièce.

Amphithéâtre Flavien, Rome.

Dans l'arène, les coups se répercutaient sur les murs dans un bruit métallique. Les esclaves s'entraînaient sous le soleil, bordé par des nuages d'un blanc cotonneux. À l'écart, Rema et Marcus combattaient l'un contre l'autre. Elle s'améliorait, et esquiver, contrer et attaquer ne lui paraissait plus aussi difficile qu'auparavant.

– Allez, l'encouragea Marcus. Tu es au bord de gagner.

Dans un ultime effort donné par Rema, l'épée du jeune homme quitta ses mains, fenda l'air, et atterrit sur le sable sans bruit. La jeune fille, ébahie, contempla l'arme qui luisait sous le soleil, sur le sol. Elle avait gagné.

Gaius, armé d'une fourche, qui combattait contre Bénélos, se retourna vivement et constata avec incrédulité l'issue du combat; Rema avait gagné. Marcus, qui avait bien plus d'années d'expérience, avait perdu.

– La chance du débutant, grommela le perdant en se penchant pour prendre son épée, qui avait glissé sur le sable.
– Tu ne veux juste pas admettre que tu as perdu, avoue-le... dit Gaius, un air moqueur sur le visage, en s'approchant d'eux.
– Très drôle.
– Personne n'a raconté de blague, pourtant, dit Bénélos d'un ton ironique.

Marcus soupira, mais ne répliqua pas, pour éviter les représailles. Ainsi, les esclaves continuèrent de s'entraîner jusqu'au coucher du soleil. Rema tombait de fatigue, et s'écroula dans son lit dès qu'elle atteignit sa chambre minuscule. Elle ne tarda pas à s'endormir, un léger sourire sur les lèvres. Une pensée occupait son esprit : elle avait battu Marcus.

En plein milieu de la nuit, elle se réveilla en sursaut. Elle avait l'impression d'avoir oublié quelque chose de très important. Soudain, une pensée lui vint à l'esprit. « Hélène », songea Rema. Elle en était venue à oublier son amie, avec tout ce qu'il lui était arrivé. La jeune fille se leva, et, silencieusement, tel un chat, quitta l'amphithéâtre.

La Légende de Rome - Tome I   Où les histoires vivent. Découvrez maintenant