Chapitre 30

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L'air était glacial ici. Tout était blanc. Tout semblait mort.

Le vent soufflait une ballade d'épouvante comme pour prévenir d'un danger imminent. Le chant de l'oiseau ressemblait à s'y méprendre au sifflement d'une tempête qui caresse une falaise, d'un cri qu'on perçoit seulement lors d'une pluie diluvienne qui n'arrose qu'un semblant d'être pour ne pas dire une particule de rien. La vie n'avait pas de place dans ces lieux bien trop exilés du reste du monde.

D'un monde qui, quelque part, semblait devoir se sacrifier pour exister. Un monde de souffrance, fouetté a coup de pourquoi, et de comment. Des terres froides, figées dans leur inertie, imprimées dans leur mélancolie. Personne n'avait mit les pieds ici. Personne n'était assez fou. Ceux qui le voulaient n'étaient autres que de vulgaires suicidaires, emportés par leur envie de mourir, perdue dans un désir macabre. Tel était le royaume du monstre. De ce volatile aux ailes d'argent. Dans un monde comme le sien, les lois étaient balayées, la morale réprimée, et l'être humain...un bout de viande à dévorer. Tout n'était que poudre blanche, poussière d'ange, et volute de chimère. Celui qui pénétrait ce lieu, se retrouvait malgré lui, funambule maudit, pendue au fil enchanté de sa folie.

Mak grogna en sentant les muscles de son dos tendus et contusionnés. Sa joue brûlait, ses dents claquaient sans qu'elle ne puisse les contrôler, et il lui sembla qu'elle ne sentait même plus ses doigts.

- Elsa...

Appela-t-elle d'une voix faible et éraillée.

Elle avait si froid. Ce froid ne pouvait venir que d'Elsa. Mais la reine ne semblait pas vouloir lui accorder quelconque réponse.

Enfin, après un combat de plusieurs minutes et gémissements, la petite louve parvint à ouvrir un œil. Elsa était là, inconsciente, à seulement quelques millimètres de son visage. Mak pouvait sentir son souffle faible venir mourir au bout de son nez. Elle était en vie, ce n'était déjà pas si mal. La pauvre enfant ne se souvenait pas de grand-chose. Une chute beaucoup trop longue, beaucoup trop lente. L'oiseau les avait lâchées, comme ça, sans prévenir, sans raison. Elle avait perdu connaissance. Et ce froid qui lui mordait la peau comme s'il était affamé depuis des siècles, c'était insupportable. Il fallait qu'elle bouge, qu'elle se réchauffe, par n'importe quel moyen.

En grognant toujours plus fort, elle se redressa douloureusement. Elle offrit son premier regard à ses mains. Elles lui apparurent bleutées et complètement inutilisables. Elle les porta à sa bouche et souffla dessus, espérant faire disparaître la douleur qui les tiraillait, mais ce fut pire encore. Elle grogna une énième fois. Enfin, elle posa ses yeux sur Elsa, étendue dans la neige, se faisant recouvrir lentement par la froideur de cet endroit. Elle plissa les yeux en ayant une étrange impression de déjà vu. La pauvre Ficede paraissait si faible, si anéantie. Elle eut soudainement l'envie de laisser son loup la porter sur son dos. Pourquoi voulait-elle une chose pareille? C'était stupide, et pourtant, cela lui apparut comme étant la meilleure chose à faire, comme une vieille habitude, quelque chose d'héroïque qu'elle aurait déjà fait par le passé, mais dont il ne lui restait qu'un langage corporel.

- Elsa?

Essaya-t-elle encore en effleurant l'épaule de la reine du bout des doigts. Celle-ci ne bougea pas d'un cil, emprisonnée dans l'inconscience. La louve observa encore sa reine en fronçant les sourcils, de toute évidente inquiète. Puis lentement, son regard parcouru les alentours en cherchant maladivement le monstre qui les avait amenées ici. Absolument rien. Juste un grand vide, si blanc qu'on ne distinguait même plus l'horizon du sol. Le loup plissa les yeux. Lui qui était habitué à percevoir le monde dans son extrême clarté de par une qualité de vue à toute épreuve, se sentit soudain bien démuni. Cet endroit ne lui plaisait pas. Une immense plaine enneigée, nulle part où se cacher, mise à part une ombre de falaise noire qui venait percer le ciel, et continuait sans doute trois mètres au dessus des nuages.

Souvenirs Cristallisés (suite de Cristaux Ensanglantés)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant