Le vent se suicide avec puissance au creux des voiles. Le bateau vogue, tanguant au rythme des vagues. Briak sourit en tenant fermement la barre, ses long cheveux se soulevant sous la brise océane. Sur ce bateau, l'homme se plait à penser qu'il ne peut rien lui arriver, qu'il devient maître de tout un monde qui n'a pour limite que l'infinie. Près de lui, Anna ferme les yeux en sentant la chaleur du soleil lui caresser le visage. Cela fait déjà plusieurs jours qu'ils naviguent et le temps paraît s'étirer sur cet océan. L'eau se fracasse sur la coque du navire, venant mourir en un bruit assourdissant mais envoûtant. La lumière se reflète à la surface de l'eau, la rendant transcendante. Le ciel est bleu, pas un nuage à l'horizon. Olaf ne se lasse pas regarder les mouettes qui volent au dessus de sa tête, se persuadant qu'elles comprennent ce qu'il leur raconte. En ce début d'après-midi tout laisse à penser qu'une douce sérénité protège ce bateau.
L'émerveillement de la pauvre Mak s'était bien vite dissout quand elle fut prise d'un violent mal de mer à peine quelques heures après leur départ. Depuis ce moment là, la louve avait délaissé ses acrobaties au milieu des haubans pour se pencher perpétuellement au dessus de l'eau, éternellement malade. La gamine avait maladroitement tenté de manger, mais son estomac n'avait pas l'air d'en avoir décidé ainsi. Elsa lui avait conseillé avec compassion de s'allonger sur le ventre, mais rien y faisait, les nausées ne voulaient pas s'atténuer. Briak lui avait même préparé un remède de la tribu des loups, quelques chose d'infecte mais d'apparemment miraculeux. La louve avec grimacé en buvant la mixture, maudissant son ami au passage, espérant que ça la soulage un peu en compensation du goût bien trop amer. Mais la pauvre gosse avait souffert pour rien, cela n'avait été qu'un échec cuisant.
Au bout du troisième jour, Mak avait alors trouvé judicieux de rester ainsi pencher sur la rambarde du pont en n'ouvrant les yeux que pour fixer un point qui ne bouge pas. C'est ainsi que s'écoulaient ses journées. Le soir, elle s'endormait même comme ça, trop fatiguée d'avoir supporté ces maudites nausées tout au long de la journée sous un soleil écrasant. La maladie oblige, elle en devenait insupportable, envoyant balader le premier qui osait venir lui parler. Même les câlins attendrissants d'Olaf n'y faisaient rien. La louve voulait rester seule, ne sachant pas si elle devait se jeter par dessus bord, ou lutter encore contre son envie de vomir. À de nombreuses reprises, chacun de ses amis avaient tenté de la soulager un peu. Soit par une belle histoire de la part d'Anna, soit par une bonne blague offerte par Briak. Mais tous se rendaient bien compte que la louve n'était ni d'humeur à rire, ni à s'émerveiller. La plupart du temps, elle se contentait de les flinguer d'un regard assassin. Ils s'en allaient donc, précisant que si elle en ressentait le besoin, ils étaient là.
Les rares fois où elle parlait, elle balançait simplement quelques insultes plus vulgaires les unes que les autres pour faire comprendre à l'océan que, même s'ils n'étaient pas copains, ce n'était pas une raison pour la faire souffrir à ce point. Le plus souvent prise de rage, la louve frappait le bois du bateau d'un poing colérique, laissant un marque sur la rambarde, n'étant pas consciente de sa force.
Étrangement, la seule personne à ne pas avoir subit la colère de Mak était Elsa. Toute la journée, la reine se contentait d'observer tristement son loup et son malaise. Elle ne se risquait pas à lui parler, sachant qu'elle n'allait réussir qu'à s'attirer ses foudres. Pourtant, quand elle jugeait que le soleil devenait trop dangereux, plusieurs fois dans la journée, elle s'approchait de son loup, et toujours silencieusement, passait une main froide sur sa nuque brûlante, tentant de lui éviter une insolation.
Mak se laissait faire, appréciant que la reine ne lui parle pas et la laisse en paix, ne venant que pour apaiser son mal-être. À chaque fois, la louve soupirait d'aise en sentant une délicieuse vague de froid parcourir son corps, rendant les nausées presque supportable. Ainsi, Mak finissait par s'endormir, la joue écrasée contre le bois poncé de la rambarde, rattrapant le sommeil qu'elle ne parvenait pas à trouver la nuit.
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Souvenirs Cristallisés (suite de Cristaux Ensanglantés)
RomansaElsa et Mak s'accordent dans un amour parfait. Trop parfait. Quelques souvenirs, ou, au contraire, un manque furieux de souvenir, vient assombrir la douceur de vivre à Arendelle... À lire après Cristaux Ensanglantés.