CHAPITRE QUATRE

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 Cette nuit est de loin la plus mauvaise que j'ai pu passé en cette première semaine à la résidence. Rien à voir avec le silence trop calme du bâtiment ou mes hallucinations quant à deux billes noires semblables à celles d'un chat noir. Mon trouble m'a appelé vers trois heures du matin.

Quand j'ai vu son nom sur l'écran de mon téléphone, mon corps s'est figé un instant et j'ai senti une pointe tirailler mon cœur. Normalement, il dort profondément à cette heure-ci. J'ai décroché comme une furie et un flot de paroles continues m'a assailli. J'ai tout de suite reconnu la détresse dans la voix de mon petit frère. Charlie était en pleine crise. Au début, je n'ai même pas compris un traître mot de ce qu'il me disait. Il bafouillait tout un tas de trucs sans aucun lien. Je ne savais pas comment lui venir en aide de là où j'étais. Des centaines de kilomètres nous séparent à présent.

Il m'a fallu une bonne demi-heure de questions avant de comprendre d'où venait le malaise de Charlie. L'alarme des voisins s'était mise à hurler et le boucan l'avait réveillé, bousculant alors sa routine. Cet incident avait empiété sur son quota de sommeil, chose qu'il respecte scrupuleusement et vérifie chaque soir avant d'aller se coucher. Mon frère est ensuite parti dans une sorte de parano en balisant totalement sur le fait que toute sa journée du lendemain allait être chamboulée puisque tous ses plans allaient très retardés.

Ce genre de choses est déjà arrivé alors que je vivais encore à la maison. Ce n'est pas la première fois que le système de sécurité des voisins fait des siennes. Plus d'une fois j'ai été contrainte d'écourter ma nuit afin de rassurer Charlie en pleine crise de paranoïa. Cette fois-ci, je ne savais pas comment faire. Je ne pouvais pas l'apaiser par ma présence. J'étais totalement désemparée et encore à moitié endormie. Puis, je ne sais pas trop comment, j'ai fini par calmer les angoisses de Charlie. Grâce à mes mots et à mes conseils, il a enfin raccroché après une heure et demi d'appel.

Et voilà pourquoi je dors toujours alors qu'il est déjà onze heures.

Un grand fracas me force pourtant à ouvrir les yeux. Je bondis sur mon lit en reconnaissant le bruit de la porte qu'on ouvre violemment ainsi qu'une vague de jurons. Ma vision met quelques secondes à devenir correcte. Je me suis redressée de façon si brusque que ma tête tourne un peu. Je n'étais pas prête à encaisser un réveil pareil. J'aurai nettement préféré m'éveiller avec le chant des oiseaux.

Sur le pas de la porte, une grande blonde traîne difficilement une énorme valise derrière elle. Elle ne m'a pas encore adressé un seul regard, trop occupée à se débattre avec son bagage. Quant à moi, je suis encore sous le choc et trop sonnée pour réagir et lui proposer mon aide. Je l'observe instant.

Elle arbore une longue chevelure blonde platine très certainement faite en salon de coiffure. Ses vêtements sont assez particuliers. Elle porte de grandes cuissardes rouges par dessus des collants résilles ainsi qu'un short taille haute en cuir et un débardeur quasi-transparent. Son look me rappelle celui de Violet en beaucoup plus sexy. Elle m'a l'air très sûre d'elle et consciente de son sex-appeal.

Je m'extirpe enfin de ma léthargie et quitte mon lit.

-Salut, articule-je d'une voix encore ensommeillée.

Elle me considère sans qu'aucune émotion ne passe sur son visage maquillé dans des tons vraiment très foncés. Seuls ses sourcils se froncent tandis qu'elle m'inspecte de bas en haut. Je me sens gênée d'être uniquement habillée d'un t-shirt difforme et d'un short pour cette première rencontre avec ma camarade de chambre.

Après un long silence pesant, cette dernière pousse un vague grognement et retourne à ses affaires. Ma bouche s'ouvre instinctivement d'elle-même sous la stupeur. Visiblement, ma colocataire n'est pas d'humeur à faire connaissance. J'avoue ne pas être en parfaite disposition pour discuter puisque je viens à peine d'ouvrir les yeux mais nous allons tout de même passer une année entière dans la même chambre. Je m'attendais à un minimum de cordialité entre nous.

THE WAY - LA RENCONTREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant