CHAPITRE TRENTE-DEUX

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Cameron n'a même pas encore fermé la porte de l'appartement que je suis déjà affalée dans le canapé du salon, la tête reposant sur le dossier et les yeux fixant le plafond. 

     Je suis vraiment épuisée et soulagée d'avoir survécu à cette soirée infernale. Il doit être vingt-trois heures et Cameron et moi venons d'arriver chez lui. J'aurai pu rentrer à la résidence mais j'avais trop peur que ma mère ne vienne me chercher là-bas. Alors j'ai décidé d'accepter la proposition de Cam lorsqu'il m'a timidement proposé de venir dormir à l'appartement. 

     Tout au long de la route, il n'a cessé de me répéter qu'il dormirait sur le canapé et qu'il me laisserait son lit. Je ne l'avais jamais vu aussi peu sûr de lui. Nous n'avons pas reparlé du fait qu'il devait se tenir éloigné de moi. Je pense que la situation est si critique que nous n'en voyons pas l'utilité. Il m'a sauvé d'un désastre, c'est tout ce qu'il y a à retenir. Nous pouvons passer outre nos différents pour une seule et unique soirée. Je n'en mourrai pas, après tout. J'ai seulement besoin de me tenir loin de ma mère en attendant d'être de nouveau calme et raisonnable. 

     Lorsqu'un raclement de gorge retentit dans la pièce, j'ouvre les yeux et tourne simplement la tête vers Cam. 

     -Comment tu te sens ? me demande-t-il. 

-Honnêtement ? 

     Il acquiesce et se penche de façon à s'accouder à ses genoux. 

     -Je suis furieuse, dis-je d'une voix tremblante. Furieuse contre ma mère pour être qui elle est. Furieuse contre moi-même pour l'avoir laissé faire sans rien dire, une fois de plus. Et furieuse contre le monde entier parce que tout le monde prend toujours ma mère pour une sainte alors qu'elle est très loin de l'être. 

-Et qu'est-ce qu'elle est ? 

-Une lâcheuse, réponds-je de but en blanc. Une foutue lâcheuse qui a abandonné ses deux enfants quand c'est devenu trop dur. Une égoïste et une trouillarde qui s'est barrée pour aller mener la grande vie à New-York alors que son fils venait d'être diagnostiqué autiste et que sa fille avait besoin d'un modèle à suivre pour devenir une femme. 

     Je n'ai jamais accepté de parler d'elle à Cameron et pourtant là, je me livre à lui sans même y réfléchir. Il faut que ça sorte. Mon venin doit sortir avant qu'il ne me contamine et que je me mette à pourrir de l'intérieur. Cela fait des années que je retiens tout ça en moi. Je ne tiendrais pas une minute de plus. Et puis, je fais suffisamment confiance à Cam pour lui parler d'un sujet aussi délicat. Après tout, il est bien au courant pour Charlie alors que même Violet ne connaissait pas son existence jusqu'à ce soir. Il en sait bien plus que n'importe qui sur ce campus. J'ai la sensation de ne plus rien avoir à lui cacher. En plus, il m'a défendu ce soir. Il mérite bien de connaître la vérité à présent. 

     -Comment a-t-elle pu avoir le culot de parler de moi et de mon enfance comme ça alors que, la plupart du temps, elle n'était même pas là ? 

     La colère est tellement dévastatrice en moi que je ne tiens pas en place. Je bondis sur mes pieds et commence à faire les cent pas dans la pièce tandis que Cameron me regarde faire. Il ne fait que m'écouter et c'est très bien ainsi. J'ai besoin d'une oreille attentive, rien de plus. Il faut que j'expulse toute cette rage hors de moi avant qu'elle ne me consume. 

     -Mon père s'est occupé de tout parce que madame avait toujours quelque chose de mieux à faire ailleurs. Elle passait son temps hors de la maison et lorsqu'elle était là, c'était comme si elle ne l'était pas vraiment. Et dès qu'elle en a eu l'occasion, elle s'est tirée en nous laissant derrière elle comme si on avait jamais existé. Quel genre de mère peut faire ça ? 

THE WAY - LA RENCONTREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant