CHAPITRE CINQUANTE-ET-UN

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 Me réveiller dans ma chambre d'adolescente me procure une sensation étrange. J'ai l'impression d'y être à ma place mais, en même temps, pas tout à fait. Mon lit et mes murs mauves me sont familiers mais l'atmosphère y est différente.

Ou bien, est-ce moi qui suis différente.

Il s'est passé tant de choses dans ma vie depuis que je suis à la fac que ce ne serait pas très étonnant. Je reconnais mon environnement mais je ne m'y sens plus entièrement chez moi. Au fond de moi, ma chambre universitaire ou celle de Cam me semblent plus familières que cette pièce parfaitement rangée où je me réveille chaque matin depuis le début des vacances. C'est pourtant moi qui l'ait décoré. Elle est agencée selon mon goût. Les draps sont ceux que j'ai choisi, le bureau est bien celui que j'ai supplié mon père d'acheter, ma commode est remplit de mes vêtements – enfin de ceux que j'ai laissé ici – et les affaires dispersées ici et là sont les miennes. Je suis chez moi mais c'est comme s'il me manquait quelque chose.

C'est avec ce sentiment étrange que je quitte mon lit le matin de Noël. Comme chaque année, je suis pressée de foncer au salon et de rejoindre mon père et mon frère pour le déballage des cadeaux. Je dévale les escaliers en sautant presque d'une marche à l'autre.

Lorsque je débarque au rez-de-chaussée, je suis heureuse de constater que mes deux garçons préférés sont déjà au pied du sapin à m'attendre.

-Te voilà enfin, la petite marmotte ! s'exclame mon père.

-On t'attend depuis déjà dix-sept minutes, réplique Charlie. Tu as de la chance que je sois à cheval sur les traditions sinon on aurait commencé sans toi.

Le sourire aux lèvres, je vais m'asseoir à leurs côtés à même le tapis du salon.

-C'est trop gentil, ricane-je.

-D'habitude, tu es la première levée.

-J'étais crevée, j'avais besoin de dormir.

-Bon, maintenant que tu es debout, on peut commencer ?

-Oui, Mister Patience. Tu n'as qu'à ouvrir les tiens en premier.

Charlie ne se fait pas prier plus longtemps. Il fonce vers sa pile de cadeaux et les déballe les uns après les autres. Il sourit jusqu'aux oreilles en découvrant un bon d'achat énorme pour la librairie du coin ainsi qu'une nouvelle paire de basket et un coffret de sa série préférée de la part de Papa. Il le remercie chaudement en lui accordant une vague accolade.

Puis, il ouvre mon paquet. Je trépigne d'impatience en l'observant déchirer le papier.

-Cool, s'exclame-t-il en extirpant ce nouveau volume de l'encyclopédie de son emballage papier. Je ne l'ai pas celui-ci.

-Je voulais contribuer à ta collection.

-Merci, Em.

-J'ai le droit à un câlin moi aussi ?

-C'est Noël, alors oui.

Charlie n'aime pas beaucoup les contacts physiques. Ce câlin lui coûte mais il est énormément significatif pour moi. Je compte tant pour lui qu'il m'accorde cette étreinte dans le seul but de me faire plaisir malgré ses réticences. Je profite de son petit corps gringalet contre moi en sachant pertinemment que l'instant ne durera pas et que je ne ressentirai pas cette chaleur réconfortante avant un bon moment.

-A toi, ma puce, me dit mon père.

J'acquiesce et saisis le premier paquet qui se présente à moi. Ce cadeau est assez petit, de la taille d'un paquet de cigarettes, et emballé dans un papier bleu ciel. Un joli nœud blanc est disposé sur le dessus. Je prends soin de le retirer pour ne pas l'abîmer avant le déballage. Puis, je m'attaque au papier qui cède facilement sous mes doigts. Je me retrouve avec un petit écrin entre les mains.

THE WAY - LA RENCONTREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant