CHAPITRE DIX-HUIT

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 A cet instant, si on me présentait un miroir, je suis presque sûre que mon reflet ressemblerait à celui d'une personne venant tout juste de voir un fantôme.

Mon sang a quitté mon corps tout entier. Mes jambes sont molles et mes mains me démangent comme si elles n'avait pas été irriguées depuis plusieurs minutes. Ma pauvre tête est victime d'un tournis soudain. J'ai envie de vomir, là, sur la moquette de ma chambre universitaire.

Étendu sur le lit de Summer, Cameron quitte son téléphone des yeux lorsque j'entre dans la pièce. Son regard pivote vers moi dans un mouvement terriblement lent. Il me transperce d'un seul coup de ses deux billes noires. Je déglutie avec difficulté. Ma gorge est si serrée que je peine à respirer normalement.

Je craignais ce moment depuis cinq jours et voilà que nous y sommes.

-Salut, articule-je sur mes gardes.

-Salut.

Sa voix rauque me fait frissonner.

Comment se fait-il que je n'ai pas remarqué à quel point il est beau ? Pourquoi ce fait me saute aux yeux seulement depuis qu'il m'a embrassé ? Ma haine envers lui était-elle si forte et profonde pour m'aveugler ainsi ?

Quand je le regarde, mon cœur émet des soubresauts étranges et ma respiration s'emballe. Lorsqu'il se tient près de moi, j'ai l'impression que mon corps est irrémédiablement attiré vers le sien. Je ne pensais pas ressentir ça pour lui jusqu'à ce qu'il y ait ce baiser entre nous. Alors que c'était là, caché au fond de moi depuis le début. Je me mentais à moi-même, je le vois bien à présent.

-Qu'est-ce que tu fais là ? lui demande-je.

-J'attends Summer.

A l'intérieur de moi, quelque chose se fissure comme de la porcelaine. Est-ce mon cœur ? Je n'en sais rien, je n'en suis pas sûre. Ce dont je suis certaine c'est que ça fait un mal de chien. Il y a une douleur dans ma poitrine qui m'étreint et m'étouffe sans que je ne puisse rien y faire.

-D'accord, réponds-je simplement.

Voulant à tout prix cacher mon désappointement, j'entreprends de retenir ma veste et de la ranger dans le placard. Je m'active comme un automate. Une chose télécommandée qui pense et réfléchie tellement qu'elle n'y arrive plus vraiment. De manière cohérente, en tout cas.

Je me mets d'accord avec moi-même pour ignorer l'intrus jusqu'à ce que Summer vienne le sortir de là. Je ne vois pas ce que nous avons à nous dire. Le message est clair. Ce baiser ne voulait strictement rien dire. Il me l'a bien fait comprendre en courant rejoindre Summer après m'avoir embrassé et ce soir également. Je ne dois pas me faire d'idée. Oublier ce moment d'égarement est la meilleure chose à faire. Nous sommes toujours ces deux êtres qui se méprisent et se détestent, comme avant.

Oppressée par ce silence emplit de tension, je reporte mon attention sur tout ce qui me tombe sous la main. J'attrape mon sac et commence à en sortir les manuels et les notes dont j'ai besoin pour travailler. Je n'ai rien de mieux à faire ce soir. Et puis, faire mes devoirs et quelques révisions m'occuperont très bien l'esprit.

Subitement, une interrogation me taraude l'esprit.

-Comment es-tu entré ici ?

Ce n'est que maintenant que je remarque que Cameron ne m'a pas quitté des yeux depuis que je suis arrivée. Je sentais son regard et pourtant j'ai pris sur moi pour ne pas en tenir compte. Mon cerveau bloque toutes stimulations trop perturbantes pour mon état mental.

-Summer m'a filé le double des clés.

-Oh.

Quelle conversation passionnante ! Bravo, Emery. Tu fais très fort.

THE WAY - LA RENCONTREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant