- Mon amour ? Je suis là... regarde-moi !
Je me suis réveillée en nage, j'ai encore fait un cauchemar. Depuis que nous sommes arrivés dans cette villa, toutes les nuits sans exception, je me retrouve face à des ombres. Elles me persécutent et me harcèlent dans mes rêves. Je me vois en enfer, je suis torturée et la présence de mon mari ne parvient pourtant pas à m'apaiser. Ezéchiel fait tout pour moi, pour nous. Il a acheté cette maison, il l'a aménagée avec goût, il a même fait appel à des décorateurs professionnels. Je n'ose pas lui demander où il trouve tout cet argent. De temps en temps, il s'absente pour aller comme il dit « travailler », mais pour le moment il ne veut pas m'en parler. Il me rassure en me confiant que tout se passe bien, qu'il ne fait rien d'interdit, mais je sens que toutes ces cachoteries ne sont pas claires. Aurel est au courant, lui, et l'accompagne souvent. Pendant ce temps, Clara ou Aurel sont avec moi, car mon cher époux refuse que je reste seule. Il a souhaité revenir vers Paris, et le pavillon est situé en banlieue. Heureusement, très régulièrement, nous voyons Mé et Benjamin, nous sortons et profitons encore de la chaleur de l'été indien, mais Ezéchiel ne parait pas toujours présent. Il n'a jamais pu aborder le sujet de sa résurrection et j'avoue ne pas chercher à connaitre la vérité, chaque fois que j'y pense des bouffées de peurs m'envahissent. Il est pourtant attentionné et est un amant exceptionnel. Lorsqu'il me touche, j'ai l'impression que mes doutes disparaissent : je suis chez moi quand il est en moi.
Cette nuit encore nous nous sommes aimés et j'ai pu me rendormir paisiblement...
Mais ce matin, je suis devant ma tasse de café et j'ai la migraine. La cuisine à l'américaine est somptueuse et est illuminée par les rayons du soleil levant. J'entends des pas qui s'approchent de moi et je souris au tendre baiser que je viens de recevoir sur le front. Ezéchiel me pose un verre sur la table ainsi qu'un cachet, puis s'assoit en face de moi. Son attitude désinvolte me fait toujours de l'effet, même en ayant mal à la tête, je glisse langoureusement mes pupilles sur son corps fin et athlétique. On peut dire qu'il s'est révélé, ses yeux ont maintenant pris une étrange couleur brune. Je ne remarque pas tout de suite la profonde griffure qui descend de sa mâchoire à sa poitrine. J'avale l'aspirine et finis par le fixer. Comme toujours, c'est lui qui parle en premier, comme s'il voulait mettre soudainement fin aux conversations gênantes.
- Un chat.
- Quoi ? Un chat ?
- Oui, un chat errant qui faisait les poubelles de la rue...
Son visage affiche un sourire caustique et ses paupières se plissent comme s'il attendait une réaction de ma part. Je doute de sa version des faits, mais une partie de moi a toujours peur de le provoquer. Je sens qu'un volcan bout dans ses veines, aussi je baisse les yeux comme pour accepter l'inacceptable. Il semble satisfait et continue dans un calme parfaitement maitrisé en se servant une tasse.
- Tu as encore fait un cauchemar cette nuit, tu devrais en parler à Aurel.
Je m'offusque d'un coup.
- Hors de question, je ne veux pas qu'il me vide le cerveau !
- Tu devrais lui faire confiance, il est habile.
- Je n'en doute pas une seconde, mais c'est non !
- Comme tu veux, mais mon petit doigt me dit que tu as des choses à oublier...
Il me montre sa main gauche où il manque son annulaire puis il éclate de rire à la vue de mon air ahuri. Je me souviens de tout ce qui s'est passé avec Scéva d'un coup et ma migraine redouble. Je vois qu'il ne plaisante plus quand il pose une paume sur mes genoux.
- Tu es ce que j'ai de plus précieux. Si tu t'obstines à ne pas vouloir l'aide des autres, je vais devoir m'occuper de toi personnellement.
J'ai une montée d'adrénaline et ne me rends pas compte que je viens de tourner la tête de gauche à droite en signe de négation. Ses iris captent les miens et semblent me demander la permission de faire quelque chose pour moi. Je suis, un temps, happée par une forme de désir physique mélangé à une irrésistible envie de le laisser pénétrer au plus profond de mon âme, mais soudain mon téléphone se met à sonner. Je sursaute quand il retire d'un coup sa main pour se lever, il est clairement agacé.
- Oui Clara ?
Sa petite voix fluette résonne dans le smartphone, elle est toujours aussi contrastée. Ezéchiel quitte la pièce pour monter à l'étage, il est accoudé aux balustrex et me fixe de là-haut avec sérieux.
- Urielle, j'ai quelque chose d'important à te dire, il faut qu'on se voie aujourd'hui, peux-tu passer à l'appartement ? Aurel doit partir ce matin. Arrange-toi pour que ton mari ne vienne pas.
- Tu m'inquiètes, c'est grave ?
- Je n'ai pas envie que Mathusalem nous écoute, je préfère t'en parler de vive voix. Vers 10h ?
- Oui parfait.
- À tout à l'heure.
En raccrochant, je pose ma tasse dans l'évier et je monte rapidement les escaliers pour me retrouver nez à nez avec Ezéchiel qui croise les bras devant lui en me barrant le passage. C'est impossible qu'il ait pu entendre la conversation, il est anormalement froid quand il dit.
- Où vas-tu ?
- Chez Clara.
- OK je t'y emmène.
- Non merci, je vais prendre la moto.
Il penche la tête vers moi et une lueur brille dans ses yeux.
- Tu ne veux pas que je vienne... Pour quelle raison ?
Je me sens au pied du mur, alors j'ose pour la première fois depuis des semaines m'imposer.
- Je dois lui parler, seule à seule.
Il se raidit, s'avance vers moi droit et ferme.
- Il n'y a rien que je ne puisse entendre.
- Je m'en doute, mais elle y tient, et moi aussi... Dis-toi que c'est comme si tu nous laissais seules à la maison, quand tu n'y es pas, on s'en sort très bien...
- Ce n'est clairement pas pareil...
Il essaye de réguler la colère qui commence néanmoins à l'envahir peu à peu et un silence lourd s'installe. Cette fois-ci, je suis sûre de lui tenir tête sans avoir peur, comme si mon corps me poussait à le faire. Il y a quelque chose en moi qui me donne la force de lui résister et il le voit non sans s'énerver.
- Je ne veux pas que tu sortes seule !
À cette simple phrase, je me rends compte qu'effectivement je ne suis jamais sortie sans lui ou Aurel depuis notre déménagement. C'est comme s'il avait peur de quelque chose.
- Je ne suis pas une enfant et je n'ai pas besoin d'un chaperon constamment !
Il tente de m'impressionner pour me faire changer d'avis en fermant ses poings.
- Les choses ont changé maintenant. Tu dois m'écouter, c'est tout !
Mon sang se réchauffe dans mes veines et j'éclate de rire.
- J'espère que tu plaisantes. Quel droit as-tu sur mes décisions et sur ma vie ?
Ses iris évoluent vers une autre couleur, je reconnais ce rouge qui scintille comme des flammes.
- Tu as raison, tu peux prendre toutes les décisions que tu souhaites, mais ta vie m'appartient !
Je reste interloquée à cette dernière phrase qui se voulait menaçante, puis, ne l'écoutant pas, je le pousse et vais chercher mes affaires pour redescendre en lui lançant :
- Ne t'avise pas de me suivre Mathusalem, et surtout...
Je me retourne avec le visage aussi déterminé que lui, il n'a pas bougé d'un centimètre et est tendu comme un arc.
-... je n'appartiens à personne !
Je sors en claquant la porte d'entrée...
![](https://img.wattpad.com/cover/219587864-288-k140736.jpg)
VOUS LISEZ
MB MORGANE - Ezéchiel - Tome 3 [Terminé]
ParanormalAttention, voici le Tome 3 de la série fantastique : Urielle, Abel et Ezéchiel. Vous devez pour bien tout comprendre lire les deux tomes précédents. Avril 2020 : en cours d'écriture... mais je poste tout de même les Épisodes au fur et à mesure. "Abe...