Episode 14

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Il se dirige vers la table et saisit la bouteille.

- Veux-tu un verre ?

Tout se percute dans ma tête, mais d'un coup, je le regarde, quelque chose traverse mon esprit. En me servant, il étire un sourire, il a compris...

- Lucifer savait que tu allais te poser cette question, et c'est pour cette raison que je ne devais pas t'en parler.

- Est-ce possible ?

- Oui, c'est possible et même plus que probable.

Je me redresse comme si je venais de gagner au loto, la bouche arborant une mimique de conquête.

- Combien ?

- Beaucoup, des légions entières, presque tout l'enfer...

- Aurais-je les moyens de détrôner Lucifer ?

- Oui, mais il y aura toujours quelqu'un pour t'empêcher de le faire.

- Qui ?

- Moi...

Il n'ose pas me regarder quand il me tend un verre plein de liquide ambré, il est sûr de lui et je sais qu'il serait capable de lui-même me tuer s'il le fallait. Les choses sont très claires maintenant, si je décide d'ouvrir les enfers et de rallier des légions à ma cause, je le trouverais sur mon chemin, il n'aurait pas le choix. Lucifer a fait un arrangement stratégique, il ne pouvait s'agir que de Mathusalem. Je tourne mon verre tout en me perdant dans mes pensées, je ne le vois pas qui me fixe depuis quelque temps, ce n'est qu'au bout d'un certain temps que je lève les yeux et que je croise les siens. Il est sublime, il est à la fois mon protecteur, celui de Lucifer, et de toute l'humanité au nom de Dieu. Je ne peux m'empêcher de le plaindre. Depuis sa naissance, il n'a fait que cela, protéger, et même s'il ne souhaitait pas le faire, cela a toujours été son cruel destin. Je suis folle de lui et nous restons un moment à nous observer comme s'il s'agissait de la première fois, je suis très impressionnée, alors je tourne la tête, mais il se charge de soutenir le câble qui est entre nous. Il pose son verre vide en me questionnant sur des sujets que je n'aurais pas voulu qu'il aborde.

- Puisque nous sommes dans les révélations. Pourquoi lui ?

- Comment ça ?

- Pourquoi as-tu demandé à Késabel de te venir en aide ?

- Je ne sais pas, il m'a promis...

Il avance son buste vers moi ses mains sur les genoux.

- Promis ? Quand ? Tu l'as revu ?

- Je n'avais aucun moyen de te joindre... et j'ai pensé à lui, qu'il pouvait m'entendre et te prévenir...

- Oui évidemment, tu as eu raison de le faire. En fait, excuse-moi, ma question a été mal formulée. Qu'est-ce qui vous lie irrésistiblement l'un à l'autre ?

Mon coeur s'affole, je ne dois rien laisser transparaitre, mais en le voyant pencher sa tête dans ma direction, je sens qu'il vient de saisir mon trouble. J'ai une bouffée de chaleur quand il reste silencieux dans l'attente de ma réaction. Je suis si mal à l'aise que je ne sais pas quoi dire.

- Et si tu commençais par me confier quand tu l'as revu.

J'ouvre la bouche, mais mon mutisme me renverse. Si je ne voulais rien montrer, c'est trop tard, il s'avance toujours plus, il est insatisfait, il me met sur le gril sans sourciller.

- Je vais te faciliter la tâche. Clara m'a tout dit, la médaille et ta dernière escapade pour aller le rejoindre... Alors ?

Il croise les jambes devant lui. Je suis dans une situation terriblement sensible et je commence à transpirer à grosses gouttes.

- Écoute, il ne s'est rien passé, rien, je n'ai rien fait. Il m'a avoué... en fait, il m'a dit que si j'avais besoin de lui, il ferait tout pour m'aider de là où il est...

- C'est ce qu'il a fait et je l'en remercie. Mais ça, je suis déjà au courant, ce que j'aimerais savoir c'est, si toi aussi tu...

Je me lève et l'empêche de prononcer la suite, je ne veux pas l'entendre, pensant clairement au mot en question.

- Non...

Il se poste devant moi et je baisse la tête. S'il se met en colère, que serait-il capable de me faire ? Quand il me force à le regarder droit dans ses yeux devenus rouge sang, je suis en apnée.

- De quoi as-tu peur ?

- De rien...

- Je ne vais pas te faire de mal. Je vois que ta confiance pour moi est encore toute relative... c'est bien triste.

Il se retourne et prend un peu de recul pour clairement me dire.

- Je sais que tu ne m'as jamais trahi et que tu luttes contre tes deux natures depuis notre rencontre, que tu étais dans ses bras avant d'être dans les miens... j'ai accepté tout ça du mieux possible. Mais maintenant, je ne doute absolument plus des sentiments sincères que Késabel a pour toi et il faut se rendre à l'évidence, c'est bien lorsque sa mort t'a anéantie que tu t'es révélée. Il y a quelque chose de fort qui vous lie et je voudrais que tu en prennes conscience pour le combattre avant de perdre le contrôle encore une fois...

Je ferme les poings, je ne comprends pas pourquoi je devrais combattre ce qu'il y a entre Abel et moi. Alors il soulève un sourcil et affiche un visage surpris. Je place instantanément ma main devant la bouche, comme si je venais de parler à voix haute. Je me reprends vite, j'ai besoin de me justifier.

- Abel est mon ami, nous avons traversé beaucoup d'épreuves ensemble et tu le sais. S'il n'avait pas été là, je ne serais plus ici. Il est mort ! Qu'est-ce qu'il te faut de plus ? Je ne vais pas renoncer à le voir, d'autant qu'il peut nous être d'une grande aide !

Il éclate de rire, et je suis presque honteusement surprise par sa réaction. Le rouge me monte aux joues quand il passe une main dans ses cheveux.

- Tu es bien à fleur de peau d'un coup...

Il revient vers moi et me pose son index sur le front.

- Urielle, je parlais de son sang qui coule dans tes veines ! Je ne parlais que de ça... mais il y a autre chose que tu voulais me confesser sans doute ?

Effectivement, je suis tombée dans le panneau et ne sais plus comment me sortir d'affaire, je finis par abdiquer.

- Son Sang ?

- Bien sûr pour quelles autres raisons aurais-tu pu te révéler ? N'est-ce pas ?

- Je n'y avais pas pensé...

- C'est pourtant une évidence. Ce qui peut expliquer ce don subi et le fait que tu l'as perdu depuis...

- Ezéchiel...

- Oui, mon amour...

- Il faut que je puisse me défendre.

- C'est impossible. Tu ne pourrais pas te battre contre des démons.

- Tu ne pourrais pas me promulguer quand même quelques leçons ?

- Je veux bien, mais la seule leçon que tu dois retenir c'est celle que tu viens de vivre...

Il me prend dans ses bras quand il perçoit mon stress revenu. Je profite de son corps chaud et terriblement puissant. Son magnétisme m'entoure comme un bouclier, en fermant les yeux, je sais que je ne pourrais rien faire sans lui. Il est sans failles, irréductible et déterminé...

MB MORGANE - Ezéchiel - Tome 3 [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant