MB MORGANE - Ezéchiel - Tome 3 [Terminé]

Episode 6

Nous sommes restées l'une en face de l'autre sans savoir par où commencer. Mais ce n'est qu'au bout de cinq bonnes minutes que je me décide à intervenir.

- Clara...

Mais elle pose son index sur sa bouche pour me demander de me taire. Elle s'avance et me place un pendentif autour du cou. C'est une médaille, elle est toute petite et elle finit par rompre le silence.

- Ma sœur, c'est une médaille de Saint-Benoît, elle a été bénie, tu pourras avoir un peu de tranquillité.

- Merci, es-tu sure qu'elle fonctionne ?

Elle étire sa bouche et sort de sa poche la même tout en la nouant autour de sa nuque.

- J'avais prévu le coup depuis quelques semaines, je l'utilise pour rester discrète devant Mathusalem. Il ne faudra pas la porter trop souvent, car il va se douter de quelque chose. Il lit dans les esprits des damnés comme dans des livres ouverts.

- Cela doit avoir un rapport avec son pacte avec Lucifer.

- T'en a-t-il parlé ?

- Il a avoué qu'il a fait un « arrangement », mais pas réellement un pacte. Je n'en sais pas plus.

- Aurel ne souhaite rien me dire, il semblerait qu'il soit dans la confidence.

- Ezéchiel pense qu'il faut me protéger de moi-même.

- Il y a autre chose, d'autres personnes peuvent s'en prendre à toi, c'est tout ce qu'Aurel a bien voulu me dire.

- En tout cas, Ezéchiel est très sérieux et ne me ménage absolument pas.

- Je sais, mais dis-toi que c'est pour toi qu'il le fait. Il t'aime.

- Il a une drôle de manière de le prouver.

- Il n'a peut-être pas le choix. Une chose est sure, il ne vaut mieux pas le mettre en colère.

Je trépigne et commence à tourner dans la cuisine comme un lion en cage. Je ne suis pas rassurée, mais je dois trouver quelqu'un qui sera à même de m'aider à y voir plus clair.

- J'ai besoin de rendre visite à mon ange... Peux-tu me faire le chemin ?

- Oui, bien sûr.

Je vais m'assoir dans le salon, Clara me suit et se place en face de moi. Rapidement, je ferme les yeux et perçois les orbes de ma sœur, nous devons faire vite avant qu'Ezéchiel rentre. Je suis maintenant chez moi et transporte mon esprit dans ma chambre pour y retrouver Abel qui est heureux de me voir même s'il est surpris.

- Urielle ? Déjà de retour...

- Oui, j'ai des questions à te poser.

- Je t'écoute.

- Ezéchiel m'a avoué qu'il a fait un arrangement avec Lucifer, as-tu une idée ?

Il se met à réfléchir un moment puis s'approche de moi.

- Je ne sais pas, mais connaissant Lucifer, s'il l'a fait retourner dans son corps c'est que l'arrangement doit être plus qu'intéressant pour lui.

- Il a aussi beaucoup d'avantages terrestres.

Il fronce les sourcils.

- C'est-à-dire ?

- Argent, force, vélocité, il lit dans les esprits...

- Rien que ça !

Il émet un petit sifflement avant d'enchainer.

- Et bien, je peux te confirmer que l'arrangement en question doit être extrêmement important aux yeux de ton père. Jamais il ne prendrait le risque de donner autant sauf si le jeu en vaut la chandelle. Comment est Mathusalem ? As-tu décelé un changement en lui ?

Je ne sais pas quoi répondre et Abel semble intrigué par mon silence. Je ne dois pas envenimer les choses, mais ce dernier est trop pesant pour être innocent. Je m'assois sur le lit et baisse les yeux qui deviennent humides, car malgré tout, je me souviens de toutes ses menaces et de la peur qu'il a induite en moi. Alors il s'accroupit devant moi et essaye de comprendre ce qui me met dans un tel état, je sens que le doute s'est malheureusement immiscé en lui. Ses mains se posent sur les miennes et il les serre très fort.

- Urielle, qu'est-ce qui s'est passé ?

- Je...

J'hésite à me confier à lui, il ne peut rien faire et j'aurais l'impression à la fois de m'apitoyer sur mon sort tout en l'inquiétant. Mais il ne l'entend pas de cette manière, il commence à monter le ton.

- Urielle ! Dis-moi ce qui s'est passé !

En guise de réponse, je lève mes prunelles pleines de larmes vers lui, alors il se redresse d'un bond et arpente ma chambre. Il maugrée en tentant de se contenir, mais il n'y parvient pas.

- J'hallucine ! Il s'en est pris à toi...

À ces mots, je baisse les yeux et serre fort mes mains l'une contre l'autre comme un aveu. D'un coup, il me saisit le bras et nous nous retrouvons au beau milieu d'un stade. Il se place au centre et laisse évacuer une telle énergie de rage qu'elle finit par faire éclater dans un vrombissement les spots qui l'éclairaient. Je n'ose pas imaginer ce qu'il aurait fait à ma chambre. Son visage vibre, les couleurs de son aura se mélangent en s'élevant comme des flammes, mais il essaye de se contenir quand il revient vers moi.

- Tu dois me dire ce que Mathusalem t'a fait !

- Non, ça ne sert à rien.

- Tu n'es pas en mesure de savoir ce qui ne sert à rien ou pas !

- Je ne veux pas.

- Tu ne veux pas, ou tu ne peux pas ? Est-ce qu'il t'a fait du mal ? Est-ce qu'il t'a menacé ?

- Non... enfin.

- Enfin quoi ? Vas-tu me le dire une bonne fois pour toutes ?

- Il m'a menacé en me faisant bien comprendre que si je ne faisais pas ce qu'il m'ordonnait, il me punirait...

Soudain, des mottes de terre se soulèvent autour de nous et je commence à prendre la mesure de ce qu'il se passe, tout risque d'exploser.

- Abel ! S'il te plait, arrête !

Ses poings sont serrés, je ne vois plus son visage tant son énergie se brouille puis une voix résonne dans l'espace, on dirait qu'elle ne provient plus de lui.

- Je hais Lucifer, je hais Mathusalem ! Ils t'ont enlevé à moi et ils m'obligent à observer ce qu'ils te font subir sans pouvoir agir.

Puis il tombe à genou, il est manifestement épuisé et je ne peux m'empêcher de le prendre dans mes bras. Sa fureur s'est transformée en douleur et je souffre de le voir comme ça. Son aura ne vibre plus et il murmure d'une voix éraillée.

- Si tu savais comme tu me manques, je t'aime tellement... C'est lui que tu as choisi, pourquoi ne m'aimes-tu pas autant que lui ? J'aurais tout fait pour toi, je veux tout faire pour toi et je t'aurais protégé et préservé comme le miracle de mon existence.

Cette déclaration me touche au plus profond de moi, je suis si triste quand je me décide enfin à lui avouer :

- Abel... je...

Mais à cet instant, je suis coupée dans mon élan, nous levons tous les deux les yeux vers le ciel, les orbes de Clara tournoient comme des feux follets. Il y a quelque chose qui ne va pas. Abel se relève en me prenant la main et parait inquiet.

- Tu dois partir. Ils viennent te chercher.

Il me caresse la joue et son énergie devient plus brillante. Je ne ressens pas sa peau, mais son amour puis il se retire en laissant les esprits m'emporter... je le vois disparaitre doucement.