MB MORGANE - Ezéchiel - Tome 3 [Terminé]

Episode 19

Ezéchiel nous fait descendre dans un bar en sous-sol, pourquoi a-t-il choisi cet endroit ? Aussi il me chuchote à l'oreille.

- Plus c'est glauque, plus on a de chance de les trouver ou qu'ils te trouvent. Les démons aiment s'amuser avec les humains faibles, drogue, prostitution...

Nous avançons et je ne me sens pas vraiment tranquille. Il se place au bar et commande trois verres d'alcool forts. Encore une fois, je suis dans l'expectative et ouvre la bouche complètement hébétée. Il paye et sans me regarder continue.

- Il n'y a aucune raison de ne pas prendre de bon temps... Non ?

Il est indécemment sûr de lui et Aurel ne semble pas y voir d'objection. Je me détends un peu, mais tout cela me parait tellement flou, tellement délirant. Au bout d'un certain temps, Ezéchiel se penche vers moi.

- As-tu peur ? Tu ne devrais pas, quand ce sera le moment, tu le sauras...

Au fils des minutes, les personnes affluent, l'alcool coule à flots. Je vois des filles venir vers Aurel qui les repousse gentiment, sans vague. Ça y est, le bar est bondé et Ezéchiel n'a pas bougé d'un centimètre, il attend et est complètement serein.

Soudain, l'atmosphère change, c'est presque étrange, tout devient pesant... Une chape de plomb se propage dans toute la salle, une énergie lourde et presque terrifiante.

C'est alors que deux filles juchées sur talons hauts et aux jupes courtes se placent de chaque côté de mon mari. Au départ, je ne prête pas attention à elles, mais bien vite je vois où elles veulent en venir. J'essaye de tendre l'oreille, je sens que ça ne va pas me plaire. La plus blonde des deux prend la parole en miaulant comme une chatte en chaleur.

- Salut.

Il répond.

- Salut.

Puis il porte son verre à sa bouche sans daigner la regarder. Il est toujours aussi détendu. Alors l'autre fille en profite pour sauter sur le banc du bar juste à côté et croise lentement ses jambes devant lui en les écartant bien. Puis elle s'accoude et gonfle sa poitrine débordante.

- Comment t'appelles-tu ?

- Mat.

Elle s'avance vers lui, commence à le chauffer du regard quand la première me bouche la vue en se plaçant exactement entre lui et moi. Je me crispe sur mon verre, la jalousie me dévore d'un coup et je tente de pencher la tête pour mieux comprendre ce qui se passe. C'est alors que je la vois la main posée sur la sienne, il lui parle, mais je n'entends plus rien. Ezéchiel ne la,repousse pas, le sang me monte aux joues. Je descends de la chaise et percute avec force celle qui me barrait la vue. Elle se retourne vers moi.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- De l'air, connasse !

- Comment tu m'as appelé ?

Elle s'avance vers moi, du haut de ses talons haut, elle me dépasse d'une tête et me toise méchamment. Je fais mine de reculer en levant les bras vers elle.

- Ho pardon...

Mais je la pousse encore une fois et plus fort.

- Tu n'as pas bien entendu... J'ai dit : connasse ! Tu sais ça rime avec grognasse, pétasse, poufiasse...

Ezéchiel est toujours plongé dans son verre et s'amuse de ma réaction en esquissant un sourire dans le vide quand l'autre fille se lève à son tour pour aider son amie.

- Répète un peu avant qu'on t'arrache la tête !

Alors je prends une mine effrayée, posant les mains sur mes joues, les yeux écarquillés, en essayant d'afficher un masque de peur.

- Pitié ! Non, ne fais pas ça ! Mademoiselle...

Puis je la regarde droit dans les yeux, je la fusille et parle froidement.

- ... Connasse !

Je reste face à face avec la fille que je viens d'insulter pendant que l'autre disparait de mon champ de vision. Nous nous jaugeons quelques secondes puis elle se détend en appréciant quelque chose derrière moi. Je me retourne et me retrouve devant un type à large stature. Pour le coup, je suis vraiment petite à côté de lui et j'ouvre la bouche, mais sans dire un mot, j'avoue être impressionnée. Il me dévisage avec dégout.

- Dis donc, je t'interdis de parler comme ça à mes copines.

Les deux filles gloussent et se postent de chaque côté de lui, il les prend par les épaules, il marque son territoire comme un chien. La blonde chuchote quelque chose au creux de l'oreille du gars. Je n'ose plus rien dire quand il continue sur le même ton.

- OK, tu vas venir avec nous.

Mais je me rebiffe sans crainte.

- Non.

- Tu vas nous suivre et c'est tout ! Petite conne, on va t'apprendre à rester polie !

Il me saisit le poignet et commence à m'attirer vers la sortie quand Ezéchiel se retourne d'un coup. Il se projette sur lui et lui sert la mâchoire. Ses doigts pénètrent dans sa chair avec facilité, ses yeux sont rouges et sa rage est clairement non dissimulée.

- Je t'interdis de toucher ma femme !

Les deux filles restent sans voix et se reculent pour éviter les coups éventuels. La scène est surréaliste, le silence se fait instantanément dans le bar. Les gens se poussent vers les extrémités de la salle. Soudain, le type sort un son puissant venant du fond de sa gorge.

- Les gars, c'est eux ! C'est elle !

Un vent de panique souffle quand Aurel s'avance vers nous. Il couvre mes arrières au moment où il tend l'épée à Ezéchiel. Je ne comprends pas où il a pu la cacher depuis le début, c'est un mystère. Le groupe d'homme se jette sur nous, mais rapidement il met à terre quelques assaillants. Aurel ne se bat pas, mais je ferme les paupières pour apaiser les personnes qui sont encore présentes ici. Et ça marche... ils prennent calmement leur affaire et se dirigent vers la sortie, pendant que Mathusalem continue à se défendre contre la quantité de démons qui déferlent. Il est hallucinant, ses coups sont rapides et efficaces. Il les lacère, les transperce, les décapite. Je suis obligée de fermer les paupières si je ne veux pas vomir à la vision ignoble de ce carnage. Je me recroqueville et tente d'oublier ce que je suis en train de voir.

Puis plus rien, je sens une pression sur mon épaule et j'ouvre les yeux doucement. L'odeur de chairs et de fer est presque insupportable quand il dit.

- Aurel amène là dehors, il faut que je finisse le travail.

Mais il le stoppe un instant et pose une main sur son coude, son visage est dur et maculé de traces rouges. Ils se regardent un moment avant que mon frère ne lui fasse un signe de tête. Je suis livide, je ne m'attendais pas à ça, c'est monstrueux. Il y a des corps et des morceaux éparpillés un peu partout. J'avance en enjambant et en évitant le sang. Il m'accompagne dehors lorsque je me rends compte que j'en ai sur moi, je commence à trembler et je refrène un haut-le-cœur. Me voyant en détresse, il me prend dans ses bras et me berce. Je reconnais la puissance de mon frère quand je suis dans un champ de fleurs belles et odorantes. Je les ramasse une par une et fais un sublime bouquet. Le vent balaye mes cheveux, je m'assois dans ce champ et regarde les nuages qui dansent. Je me sens bien et je décide de m'allonger. Tout doucement, je me laisse envahir par la fatigue et je m'endors...