MB MORGANE - Ezéchiel - Tome 3 [Terminé]

Episode 46

Je n'ai pas dormi, j'ai profité de mon fils avant qu'on me l'enlève. Abel m'a laissé avec lui lorsqu'au petit matin il a poussé la porte, j'ai cru que c'était Michael. Il est maintenant devant moi, grand, énigmatique et me regarde avec intensité, je ne peux me soustraire à ses iris sombres comme la nuit qui vient de se passer. Il ne s'approche pas de moi quand il me parle d'une voix franche et déterminée.

- Demande-moi ce que tu veux Urielle et je le ferais.

Il y a plusieurs sens à ce qu'il vient de me dire, mais je n'ose pas aller contre ce qui a été décidé pour l'enfant alors je dépose Emmanuel dans le petit panier qui lui sert de couffin et annonce aussi neutre que possible.

- L'amour que j'avais pour Ezéchiel s'est délité comme un voile de soie dans la tempête. Cet enfant est le fruit d'une espérance que j'avais pour nous deux, mais qui était depuis le début illusoire. Je l'ai forcé à m'aimer, il s'est perdu dans mes bras le jour ou il a renoncé à ce qu'il était pour être avec moi. Je suis responsable de sa chute. Si ce bébé peut racheter ma culpabilité et son âme, que Dieu le garde... il est la meilleure partie de nous-mêmes.

- Tu te trompes, tu n'y es pour rien. Vous avez été manipulés pour servir un destin. Et pour qu'il se réalise, il devait y avoir deux sacrifices. Tu as été immolée comme lui pour donner vie à la prophétie. Mais je peux changer les choses, demande-le-moi...

- Je ne peux pas.

- Urielle, je t'aime. Demande-moi de changer les choses !

Sa voix a résonné dans mon corps et mon sang s'est emballé. Je mesure ce qu'il vient de m'avouer encore une fois et je serre la mâchoire quand je dis.

- Abel, je... s'il te plait, il ne peut y avoir d'autres, sacrifiés. Promets-moi juste une chose...

Il crispe ses poings et me fait un signe de tête approbateur. Alors mes yeux le dévisagent avec force.

- Ne m'abandonne pas... j'ai besoin de toi. Il n'y a plus que toi pour me sauver maintenant...

Alors il se jette sur moi et m'enlace si fort que je me fonds en lui. Je reçois des dizaines de baisers sur mes cheveux. Je me blottis contre lui si fort que je ne vois pas la porte s'ouvrir à nouveau, ce n'est que lorsque les doigts de mon ange se raidissent sur moi que je comprends que nous ne sommes plus seuls.

- Urielle, c'est le moment.

Je n'ose pas regarder et me sers encore plus fort contre Abel. Il remonte ses bras plus haut pour me protéger et je respire son odeur pour me calmer. J'ai peur, je ne veux pas, je tremble et ne sens pas ses lèvres toutes proches des miennes. Il y a un fluide énergétique qui s'échappe de lui, je le reçois comme une source vive, à cet instant j'ai besoin qu'il me prouve son amour...

Mais il suspend son geste, il ne m'embrasse pas et me demande de les suivre à l'extérieur. Il se détache doucement de moi, mais en posant ses deux mains sur mes joues.

- Regarde-moi, il ne peut y avoir meilleur endroit pour lui. Il sera préservé, aimé, adulé... il ne connaitra pas la souffrance, la maladie.

Alors Michael place une paume sur l'épaule de son frère en disant.

- Merci, Késabel, je serai heureux de te retrouver parmi nous.

Je m'éveille d'un coup, non, je ne peux pas le croire ! Je me recule et repousse les mains d'Abel comme s'il venait de me frapper. Je ne vois pas que Michael tient déjà Emmanuel.

- Tu vas partir ? Tu vas m'abandonner ! Je te déteste ! Je vous hais tous !

- Urielle ! Non, je...

Mais je me lève et marque un faible temps d'arrêt devant mon fils dans les bras de l'archange. J'ai véritablement la colère et le désespoir qui m'envahissent. Alors je sors de la chambre et me précipite à l'extérieur. Je cours comme une furie et n'entends pas les supplications d'Abel qui me suit de près sans oser me toucher. Plus rien n'a d'importance, je peux bien mourir maintenant. J'ai tout perdu... J'arrive sur la plage de sable fin et me fixe devant les vagues, je m'arrête en tombant à genoux.

Il est derrière moi et je lance un cri de tristesse absolue face aux éléments.

Les deux anges sont là quand soudain une lumière perce les nuages et forme un halot au sol. Je me retourne pour contempler cette pluie d'étoiles qui descend du ciel. Je sais que le moment est venu de lui dire au revoir, mais je n'en ai pas la force. Je ne reverrai plus jamais mon fils, Abel va partir, c'est fini, il n'y a plus rien qui me raccroche à la vie. Je ne me lève pas, ne m'approche pas, je suis déjà vide et inerte. Michael marche doucement vers le canal brillant et me fait un geste de la tête avant de déployer des ailes incroyablement blanches et scintillantes. Puis il fait le dernier pas pour s'élever dans les cieux.

Alors ma douleur est immense et le film de ma vie défile devant mes yeux qui perdent tout leur éclat en un instant.

Je ne peux pas crier, je ne peux pas parler, je meurs... je me lève et me dirige vers l'océan avec la ferme intention de mettre un terme à mon existence si tragique. Abel m'enserre par la taille, il pleure.

- Je t'en supplie, ne fais pas ça.

Je bredouille, mon esprit est déjà ailleurs.

- Tu... vas... m'abandonner... tu n'es pas d'ici...

Il me sert plus fort encore et murmure des paroles que je suis incapable de comprendre.

Soudain, une voix glaciale percute mon corps en berne.

- Où est mon fils !