MB MORGANE - Ezéchiel - Tome 3 [Terminé]

Episode 35

- Il pousse bien ton ventre !

- Oui Mé, tu me vois tous les trois jours et tu m'annonces la même chose depuis sept mois...

- Qu'est-ce que tu veux ? Je suis une tatie impatiente.

Dit-elle avec un rire narquois, mais elle devient sérieuse d'un coup.

- As-tu téléphoné à ta mère ?

Je bois une grande gorgée de sirop avant de lui avouer en faisant ma moue.

- Non, pas encore.

- Urielle, tu avais promis de le faire cette semaine.

- Tu sais à quel point ça me coute. Demain matin, je te le promets...

Et je change de sujet avec un sourire mutin qui étire mes lèvres.

- Alors, tu n'as rien à me dire ?

- Quoi ? Je ne vois pas...

- Tu es une petite cachotière...

- De quoi parles-tu ?

Je lui donne un coup de coudre et manque de renverser son thé tout en continuant sur ma lancée.

- Mon frère !

Elle ne rit plus du tout... et ouvre une bouche béante de surprise.

- Je...

- C'est bon, je suis au courant. Je suis ravie pour vous deux.

Je la regarde, elle est toute rouge. Heureusement qu'Aurel a pensé à nous inventer un passé à tous les trois et à l'implanter rapidement dans l'esprit des personnes qui me connaissent, car j'ai toujours été fille unique, enfin humainement bien sûr. S'il n'avait pas été là, je ne sais pas comment j'aurais pu expliquer ma nouvelle fratrie.

- Écoute, je t'assure que j'aurais voulu te le dire, mais tout s'est fait si vite. il est merveilleux, presque irréel, c'est un ange...

- Ou pas...

- Quoi ?

- Non, rien, je plaisante.

- Je ne te suis pas depuis quelques semaines.

- C'est-à-dire ?

- Je ne sais pas, c'est comme si tu étais inquiète, tu n'es pas une mère très épanouie.

- Si bien sûr, je suis heureuse. Je suis moins démonstrative qu'Ezéchiel c'est tout.

- Oui, je n'aurais jamais pu imaginer une telle chose. Il aime cet enfant qui n'est pas encore né comme un fou.

Elle éclate de rire, mais au fond de moi, il y a comme un trouble que je n'arrive pas à cerner. Je me ferme immanquablement. Mon mari est parfait, plus même, il en devient presque obsessionnel. La chambre est prête, elle est remplie de jouets, de décorations. Quand l'échographie a montré que le petit était un garçon, il s'est mis à pleurer de joie. Une joie indicible mêlée d'une fierté non feinte. Je suis le centre de toutes ses attentions, je n'ai qu'à émettre une supposition, une idée qu'elle est réalisée dans l'heure. Je suis amoureuse de lui, mais le poison que m'a injecté Axel dans la tête ne cesse de faire des vas-et-vient douloureux.

Si seulement Abel était là, il pourrait m'éclairer. Ce même Abel que j'ai promis de sortir des enfers, il est enfermé avec Lucifer depuis trop longtemps déjà. Son sang qui alimente mon corps est toujours présent, à cette seule idée, il se réchauffe, comme s'il comprenait mes tourments. Je pense à lui tous les jours, il me manque tellement. Depuis sa mort, rien n'est pareil, je me sens vide de quelque chose, un manque indescriptible qu'Ezéchiel n'arrive pas à combler... D'un coup, le bébé se met à gigoter et me fait sortir de ma rêverie en lâchant un petit hoquet.

- Urielle ?

- Rien, il a bougé.

- Ho, je peux poser ma main sur ton ventre ?

- Oui bien sûr...

Mais il ne manifestera plus sa présence jusqu'au soir lorsque Mathusalem est rentré.