33. Ho merde

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C'était le matin.

Aujourd'hui, j'avais décidé d'être une vraie bombe. J'avais bouclé mes cheveux et choisis un haut rouge. Oui. Rouge.

C'était un t-shirt large dont je nouais le devant pour montrer mon ventre. J'avais un jean taille basse noir slim et des chaussures à talons. Je pris le temps de me maquiller avec un long et fin trait d'eye-liner et du mascara noir.

Enfin prête, je pris mon sac et partis, sans manger.

J'avais l'impression que mes pâtes au pesto végétariennes d'hier soir m'étaient restées sur l'estomac.

J'arrivais au lycée et me garait sur le trottoir, littéralement devant mon ancienne place de parking reservée. Je sentis de multiples regards posés sur moi, comme au bon vieux temps.

Je me dirigeais d'un pas déterminé vers mon casier. Je le déverouillais et l'ouvris lorsqu'un énorme sac de farine me tomba dessus, manquant de me tordre le cou.

Je reculais d'un pas. J'étais couverte de farine, des paquets collaient à mon maquillage et je m'en étais pris dans les yeux, je ne voyais presque rien.

- Carter! Dans mon bureau!

Je sursautais en entendant la voix du proviseur au milieu des éclats de rire des élèves.

Quoi?! On me fait une sale blague et c'est moi qui suis convoquée?!

J'essuyais rapidement mes vêtements et mon visage pour retirer le maximum de farine avant de le suivre.

Je m'assis en face de son imposant bureau en bois massif bien intimidant.

- Monsieur, je suis la victime. Je pense que c'est l'équipe de-

- Je sais.

- Quoi?

- Je sais ce qu'il se passe. Ne croyez pas que les adultes soient aveugles.

- Ah...

- J'ai dû batailler pour débloquer des fonds et organiser une campagne se sensibilisation. Ça me désole de voir que mes élèves sont aussi ignorants... Emy, je veux que vous sachiez que, désormais, vous ne serez plus invisible. Je veux que s'il vous arrive quoi que ce soit, vous veniez en informer vos professeurs, et surtout moi.

- Merci... Enfin... Oui, merci.

Je n'en revenais pas, mon cauchemar allait prendre fin!

- Nous avons déjà averti vos parents, il est impensable qu'une bonne élève telle que vous soit marginalisée pour son orientation sexuelle.

Ho merde.

- Quoi?! Vous avez appelé mes parents?! Surtout pas! m'écriais-je.

- Pourquoi ça? demanda-t-il, surpris.

- Ils... Je... Je ne veux pas les inquiéter...

- Mais ils doivent être mis au courant. De toute façon c'est trop tard pour penser à ça. Écoutez, je veux que vous continuez à venir en cours normalement et...

Je n'entendis pas la suite. Je plongeais dans une vague d'angoisse. Que diraient mes parents en découvrant ça? Je remerciais le principal dans un souffle et sortis pour me diriger vers les vestiaires pour prendre une douche. Adieu mon beau maquillage et mes boucles.

- Emy?

J'entendis sa voix alors que je me dirigeais en serviette vers les casiers.

- Mad? Je suis là.

Elle s'approcha de moi.

- J'ai entendu ce qu'il s'était passé... Je suis désolée ma chérie. Je ne savais pas qu'ils seraient aussi cons.

- Ça va, t'inquiète, le proviseur m'a dit qu'il allait arranger ça.

- Ah... En faite... J'ai déjà mis un poing à l'un de ces garçons...

- Quoi?! À qui?

- Chuck.

- Mais tu sais même qui c'est!

- Je sais faire une recherche facebook tu sais.

Je levais les yeux au ciel, un sourire au coin des lèvres. Puis on se fixa bêtement en silence.

- Euh... Mad? Tu peux te retourner s'il te plaît ? Je dois me changer...

Elle s'assit sur le banc derrière moi.

- Et alors?

- Mais... Je veux pas que tu me vois nue!

Je me sentis rougir.

- T'es pas drôle...

Elle s'approcha de moi et m'embrassa dans le cou, ce qui me donna un frisson qui parcourut tout le long de mon dos.

- File! dis-je en la repoussant gentiment.

Elle me fit un clin d'oeil avant de sortir.

Je secouais au maximum mes vêtements pour retirer la farine avant de les remettre, puis je séchais mes cheveux.

J'arrivais avec une bonne demi-heure de retard en cours, mais apparemment le proviseur m'avait donné un laisser-passer d'une semaine qui me permettrait d'arriver en retard ou de partir comme bon me semble. Le rêve. C'était un cheatcode dans la vrai vie ce petit bout de papier.

À midi, je mangeais dehors avec Maddison et Dane qui arrivait à détendre l'atmosphère en parlant de tout et n'importe quoi.

Mais je gardais à l'esprit ce moment fatidique, qui arriva bien vite.

Ce moment où je rentrais chez moi.

En arrivant devant la porte d'entrée, je m'arrêtais pour reprendre mon souffle et tenter de me détendre. Les voitures de mes parents étaient dans l'allée.

Au bout de ce qui me sembla être une éternité, j'ouvris finalement la porte.

- Bonsoir, Emy.

Le ton neutre de ma mère me glaça le sang. Ils étaient tout deux dans le salon, assis dans leurs fauteuils, en train de m'attendre.

- Emy, le lycée nous a appelé ce matin, et nous a dit quelque chose de très inquiétant, commença mon père.

- Oui, ton proviseur a dit que tu étais victime de brimades, à cause de, je cite, ton "orientation". Je dois avouer que nous n'avons pas bien compris de quoi il parlait, peux-tu nous expliquer?

Il ne fallait pas se fier à leur beau-parler et à leurs manières, je devinais que derrière leur hypocrisie ils avaient très bien compris. Ils voulaient seulement l'entendre de ma bouche.

J'inspirais à fond. Ce moment que je redoutais tant depuis maintenant 3 mois était finalement arrivé.

- Papa, maman. J'ai une petite amie. Je suis en couple avec une fille.

Ma mère éclata en sanglots. Le regard de mon père s'assombrit, il me fixait droit dans les yeux avec une expression de haine immense. Je pris peur lorsqu'il se leva brusquement pour s'approcher de moi et m'attraper violemment le bras.

Il me tira vers les escaliers puis jusqu'à ma chambre où il me laissa seule un instant avant de revenir avec ma valise bleue. Il la posa sur le lit, l'ouvrit, et me dit :

- Tu sais ce qu'il te reste à faire.

Where Life BeginsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant