L'autre Imbécile

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PDV TRAVIS : KARAOKÉ 2)

Ils me pètent les oreilles, j'en ai marre.
Je me levai délicatement de mon siège au bout de seulement deux heures, mais ce lap de temps avait suffit pour m'énerver plus que je ne l'étais déjà. Pourquoi ?
Parce que cet imbécile la collait depuis tout à l'heure. Et je savais pas pourquoi, mais ça me gonflait.
Hugh me regardait à chaque fois avec un sourire qui semblait signifier « va le voir et casse lui les dents si ça te démange » mais je n'avais pas envie de me salir les mains pour ses beaux yeux. Je valais bien mieux que frapper un abruti pot de glue sans aucune raison valable.
Même si en effet, cela me démangeait. Qui plus est, voir mon meilleur ami flirter sous mon nez commençait à me taper sur le système. La fille était tranquillement installée sur ses genoux, mais elle n'avait pas l'air à l'aise. De temps en temps il lui faisait des chatouilles en me fixant. Je n'étais même pas au courant qu'ils sortaient ensemble, et ça m'avait profondément vexé de ne pas en avoir été informé. Peut-être manquait-il de confiance en moi.
Je me dirigeai alors dehors pour respirer l'air frais un bon coup, laissant mon manteau et sa chaleur étouffante à la place sur laquelle j'étais ainsi que ces bruitages infâmes dans la pièce.
Gloria, depuis la scène du baiser, n'avait même pas pris la peine de m'adresser la parole, que ce soit par message ou autre. Enfin, je la fuyais, ça devait être normal. Non pas que ça me manquait, bien sûr, de lui parler : cela me donnait juste la confirmation que ce que j'avais vu n'était pas un cauchemar. Pourtant, je valais bien mieux que lui.
Même si j'avoue que me moquer d'elle était amusant...
Je refusais de broyer du noir, je ne devais pas donner ce plaisir simple à Hugh. Et pourtant, m'en empêcher était impossible pour moi.
Hugh : Alors, tu déprimes ?

Je n'avais pas entendu le garçon arriver, et je sursautai de surprise.
Dis donc, j'avais pas remarqué. C'est qu'il s'est bien habillé exprès ! Et après il ose se moquer de moi, le grand Travis, alors qu'il est pas mieux ?
- Retourne flirter et fiche moi la paix, je suis pas d'humeur.
Hugh : Travis, fais pas semblant, je te l'ai déjà dit.
- Je fais pas semblant.
Hugh : Dans ce cas, va la voir.
- Non.

Qu'elle reste avec Nabil, et qu'elle me laisse tranquille. Je retrouverai le calme et mon mépris habituel pour les autres au moins.
Je passai la main dans mes cheveux blonds en haussant le menton.
- C'est une minable. J'ai pas besoin de ce genre de fréquentations. C'est qu'une vulgaire mouche qui me tourne autour. Je suis même content de m'en être enfin débarrassé.

Je semblais l'avoir choqué avec ces simples paroles qui, je le savais, n'étaient pas honnêtes. Peut-être étais-je un menteur ? Ou du moins, que j'allais le devenir ?
Je supposais que le premier concerné par ces sottises, c'était moi même. Parce que je savais qu'au fond il avait raison, mais je ne lui ferai jamais savoir.
Hugh : Alors tu comptes même pas perdre ?
- Quoi ?!

Il me regardait d'un air malicieux, comme si il savait qu il allait tirer sur une corde sensible.
Hugh : Tu comptes carrément déclarer forfait ?
- Ne dis pas d'idioties, je n'ai jamais participé à quoi que ce soit.
Hugh : Et ce pari ?

Mon cerveau fit un petit « tilt ». Comment était-il au courant de cette chose ? De toute manière, cela n'avait plus d'importance, après tout, tant pis.
Je vais jouer la carte de l'ignorance.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
Hugh : Elle travaille, depuis, tous les jours sans s'arrêter pour te battre. Elle veut gagner. Tu comptes te laisser marcher dessus ?
- J'appellerais pas ça comme ça.
Hugh : Alors c'est ça ? Un type débarque, tu laisses ta place gentiment? Et si ils sont, ou quand ils seront ensemble, tu resteras là à jouer au spectateur ? Depuis quand t'es soumis toi ?

Il tapait là où ça faisait mal. La personne géniale que j'étais n'était jamais soumise.
Je me mordis la lèvre inférieure pour m'empêcher de tout lui cracher à la figure, à tel point qu'un goût de sang s'installât dans ma bouche. J'étais rouge de fureur.
- Tu me saoules, Hugh.
Hugh : Moi c'est plus pouvoir te faire chi** qui me saoule.
- Tu le fais bien là pourtant. Pas besoin de Sugisaky pour ça.

Je détestais l'appeler par son nom de famille.
Hugh : « J'appellerais pas ça comme ça ».

Il m'avait dit cela sur un ton sarcastique, et avait sorti exactement mes mots. Je craquai.
- J'ai déjà perdu, crétin. Et non, comme tu l'as si bien dit, je suis pas du genre à regarder. Tu crois que rien que me résigner à accepter ma défaite a pas piétiné ma précieuse fierté, m'a pas complètement abattu ? Je ne veux pas les voir ensemble. Je veux juste retrouver une conscience saine et du calme. Être seul, rien qu'un instant, pour retrouver mes esprits et redevenir comme avant qu elle débarque. Si je vais les voir, je vais perdre définitivement ça, ces espoirs. Et j'ai encore moins envie de me rendre compte, de prendre conscience de mes propres merdes, mes propres envies, mes propres désirs cachés. Je déteste ces émotions et ces sensations futiles et complètement inutiles, qui pourtant sont là, et je peux pas le nier. Je veux les contrôler, les supprimer, les faire déguerpir. Je veux redevenir ce prétentieux et cet arrogant dont personne n'arrive à fermer la jolie bouche, celui au-dessus de tous. Le meilleur de l'établissement, sans personne dans mes pattes. Alors qu'ils fassent ce qu'il leur chante. Qu'il l'embrasse, se moque d'elle, lui lance des défis débiles, la fasse sourire ou rire, la touche... mais loin de moi, Hugh.

Merde.
J'avais dit le fond de ma pensée sans le faire exprès, exactement comme on lâcherait une bombe en situation critique. J'avais crié cet aveu, seul que j'eus fait depuis une éternité. Mon ami avait trop appuyé sur ce point, et j'avais fini par me lâcher. Sur le moment, je me sentis soulagé, mais un autre sentiment me submergea d'un coup, comme si je l'eus caché trop longtemps.
En fait si. J'étais faible. Et qui plus est, le prétentieux et arrogant Travis était aussi un menteur.
Je serrai les poings en baissant la tête, prêt à m'effondrer et à sortir toutes les piques que j'avais dans la poche pour défendre le peu d'engagement envers moi même qu'il me restait. Au lieu de mots, Hugh vint doucement me faire une tape amicale dans le dos et m'enlacer.
Hugh : Bouge ton c** et laisse ta langue fourcher un bon coup, comme tu sais si bien le faire. Ça soulagera encore plus.
- À qui, au juste ?
Hugh : Au vulgaire personnage secondaire qu'est Nabil. ( NDA : merci à Louis pour la réplique que j'ai légèrement modifiée 😂 )

Étais-je un menteur, ou comme Hugh l'avait dit, juste un lâche ?
Un idiot ou un soumis à une réalité que je pouvais pourtant peut-être encore changer ?
Peut-être étais-je le mélange du tout. Mais je refusais ça.
J'étais Travis. Travis Takumi. Le meilleur du lycée. Deuxième à présent, mais je changerai ça. J'avais cette place à reprendre. Et pas qu'en classement de notes.
Non, je refusais qu'il l'embrasse, se moque d'elle, lui lance des défis débiles, la fasse sourire ou rire, la touche.
Parce que ça, c'était une place qui m'appartenait aussi. C'était à moi qu'elle revenait. Pourquoi ? Je ne savais pas. Mais c'était à moi.
Peut-être étais -je trop possessif, égoïste, et comme je l'avais découvert tout à l'heure, un menteur. Envers moi, envers les autres, même les plus proches.
Ses lèvres, ses piques qui se voulaient sanglantes, ses réactions, elle.
Je comptais pas les lui laisser, finalement.
Parce que encore une fois.
C'était à moi.

Hugh me secouait sur place, et comme d'habitude, à sa manière, ses mots horribles m'avaient requinqués. Je claquais la porte en cherchant mon voleur, mon geôlier. Cette prison, ce n'était pas Nabil qui m'en libèrerait. Car même envolé, un oiseau garde les séquelles de sa cage. Et il en finit affecté, et ce, à jamais.
Je n'avais pas envie d'être cet oiseau. Je voulais être le geôlier, celui qui laisse sa trace. Ce n'était pas moi qui allait finir blessé dans cette histoire.
Les voilà. Il était toujours autant collé à elle. Comment allais-je faire ?
Je flanchais. Peut-être que finalement c'était une mauvaise idée.
Une main passa fermement sur mon épaule, et appuyait dessus. C'était la copine de Hugh.
Elle me fit un signe de tête encourageant, pour ensuite de me pousser délicatement vers l'avant, semblant murmurer un petit « Courage. ».
Merci.
J'avançais alors, fin prêt.

Coucou ! Voici mon chapitre 16, du point de vue de Travis.
J'espère qu'il vous a plu ! Sur ceux, à plus !
Stone et Flora sont pour l'instant un peu délaissés, mais je me rattraperai !

Le coeur à L'ouvrage Où les histoires vivent. Découvrez maintenant