Le coeur à L'ouvrage

Rédemption

PDV MEI : KARAOKÉ 5)

Pour l'instant, ça semblait fonctionner... je croyais ?
Nous avions tout prévu, bien sûr que ça allait marcher.
Je commençais à ressentir un certain malaise et un stress imminent, ce qui ne semblait pas passer inaperçu aux yeux de lynx de Hugh, qui essayait tant bien que mal de me calmer. Ses genoux et ses cuisses étaient particulièrement confortables, c'était pas désagréable... mais gênant. Ses mains sur mes hanches ne semblaient pas baladeuses, et heureusement d'ailleurs, mais les autres nous dévisageaient avec un étrange sourire.
Travis, l'ami de Hugh, nous regardait également : je pouvais même imaginer parfaitement la fumée sortir de ses oreilles tant il paraissait en colère. Gloria, elle, était à côté de Nabil. Ses mains, contrairement celui à mon « compagnon » allaient et venaient, pendant qu'elle le dévisageait bizarrement : elle avait l'air de vouloir s'enterrer tant il la gênait, mais elle devait ne pas oser lui signaler. Le pire était de se retenir de l'étrangler... surtout Hugh, qui parfois chuchotait à mon oreille des insultes à son insu. Lui aussi était en colère, mais ne laissait rien paraître.
Au bout d'un certain temps, Travis eut explosé : il était parti presque en tapant du pied, rouge comme une tomate bien mûre, et s'est alors précipité vers la sortie, comme s'il avait une envie pressante. Je me levai alors à mon tour, adressai un sourire à mon complice et il se précipita vers là où se déroulait la suite du plan.
Je devais me mettre près de ces deux là, et les suivre à la trace pour motiver Travis en cas de perte de confiance. Hugh devait lui crier dessus et lui dire d'être honnête avec lui.
J'attendais alors son arrivée : mon stress avait de nouveau monté.
J'aurais aimé que Hugh reste avec moi...
Je me tortillais sur place en attendant son arrivée. Je ne le voyais toujours pas arriver, et malheureusement la situation commençait à être critique : il se collait à elle plus encore que cinq minutes auparavant. Elle essayait de le repousser, vainement car il était plus fort qu'elle, et gardait ses mains là où elles étaient en souriant.
- Tu devrais... la lâcher...
Nabil : Mais nooon, c'est mon amie !

Je ne pouvais rien dire, il fallait que ce soit elle. Elle n'osait toujours pas, bien qu'elle en avait l'envie.
Et c'est au moment où, pour la deuxième fois, il allait l'embrasser que le mouton débarqua, tremblant sur ses jambes et aussi rose que quand il était parti. Mais cette fois... il semblait déterminé. Je lui tapotais l'épaule, transmettant tout le courage dont je pouvais disposer, et il s'avança vers eux.
- Courage.
Travis : Elle n'est pas conscentante. Lâche-là tout de suite.
Nabil : Pourquoi ?

Gloria baissa la tête, larmes aux yeux mais... elle souriait.
Elle sourit...? Pourquoi ?
J'haussai mon sourcil droit d'incompréhension. Hugh me rejoignit avant de chuchoter à l'oreille de Travis « domine, ne te soumets pas ».
Dis comme ça c'est bizarre... ça a un double-sens ?
Il m'attrapa brusquement la main, et m'entraîna un peu plus loin de la scène pour ne pas déranger tout en pouvant continuer d'observer.
Hugh : Laisse-ta main là, elle me retient de lui sauter dessus avant que Travis n'intervienne.

Je n'avais pas dit un mot, j'acquiesçais juste en silence.
Je souriais gentiment en repensant d'un coup au passé.
Hugh m'avait fait bonne impression la première fois. Après... tout ça s'était dégradé.

{ FLASHBACK }

- Bonjour, je m'appelle Mei. Contente de vous rencontrer !

J'affichais mon plus beau sourire, quitte à paraître niaise. Un garçon aux pics s'exclama alors en un hoquet.
? : Pourquoi t'es venue ici ?
- Beh... parce que.. j'ai pas eu le choix...
? : Courage!

Il eut sourit et retourna à ses occupations, soit dessiner des idioties sur son cahier de mathématiques. Il ne vit pas que je lui souriais à mon tour, sûre de m'être trouvée un ami.

{ FIN FLASHBACK }

Je serrai plus fort sa main, les larmes montantes. Mon coeur eut bondi d'un coup.
Pourquoi avait-il fait tout ça ? Je n'avais toujours pas eu la réponse à mes questions. Pourquoi ? Lui avais-je fait quelque chose ?
Ma main se dégagea plus que rapidement de la sienne et je tournais les talons pour partir en courant dans ma robe.
Il ne m'avait rien fait, là, tout de suite.
Mais lui tenir la main ainsi me rappelait de me méfier de cet être abject. Je me dégoûtais moi même d'avoir pensé que c'était quelqu'un de bien.
Il m'avait martyrisée sans raison apparente. M'avait tabassée. M'avait insultée et humiliée. Comment pouvais-je lui sourire ?
Comment avais-je pu imaginer une seconde à sa réaction quand il allait voir ma robe ? Me préparer comme si j'allais à un rendez-vous ? À nous imaginer ainsi ?
Comment ce monstre pouvait me regarder en souriant maintenant ?
Je m'assis derrière la première porte que je trouvais.
Pourquoi ?
Pourquoi moi ?
J'étais pitoyable. La seule qui n'avait visiblement pas tourné la page, et qui avait gâché le plan.
Le souvenir de la chaleur de sa main demeurait toujours.
Travis a-t-il réussi ? Je demanderai à Akane, si jamais.
J'avais la tête dans les bras, genoux pliés, dans ce fameux couloir sombre, en pensant au garçon de mes cauchemars et de mes sommeils les plus beaux à la fois.

PDV HUGH :

J'observais attentivement ma main tout en écoutant la conversation de mon ami, mais j'étais actuellement perdu psychologiquement.
Elle s'était remise à pleurer. Pour quelle raison ?
J'en savais rien, mais elle me soûlait. Pourquoi elle ne me souriait-elle pas ? J'étais le seul qui la rendait triste chaque heure avec elle. C'était déprimant.
Je savais mon égo transpercé une fois de plus.
Et là, une illumination me vint.
Je voulais la rédemption. Son pardon. Son sourire peut-être aussi ?
J'hésitais sur place. En peu de temps, j'avais retrouvé la petite fille dont j'étais inconsciemment attiré autrefois. Ça avait beau être du passé, je ne voulais pas qu'elle me voie comme un monstre.
« As-tu véritablement changé, Hugh ? »
Et bien la voilà ma réponse.
Non. Je n'avais pas changé. J'avais juste compris. Potentiellement.
J'étais et je suis cet abruti qui avait conseillé quelqu'un sans écouter ses propres conseils.
Quoi que je fasse... elle ne me verra jamais comme ce que je voudrais. Que comme un harceleur, une racaille, un monstre.
Le temps aurait pu se figer, avancer, reculer, je ne m'en serais pas rendu compte en cet instant. J'étais tout simplement perdu. Parce que je savais dorénavant que le pardon n'existait pas. Cet espoir qui s'animait petit à petit en moi, dans mon coeur et ma poitrine s'était volatilisé en un instant.
Voir Nabil pleurer de fierté ne me remontait pas le moral illico-presto. Il me fallait un remède.
Rédemption. Comment l'obtenir ? J'avais fauté et détruit une partie de sa vie. Et si ses bras avaient des cicatrices pas ma faute ? Si son esprit aussi ?
Niais comme j'étais. Croire aussi facilement qu'elle m'aimerait. Quel imbécile je faisais.
Je la cherchais des yeux dans le décor en commençant à courir vers là où elle était partie quelques instants plus tôt.
Rédemption. Rédemption. Rédemption.
C'était le seul mot qui me revenait en tête alors que mes pas se dirigeaient petit à petit vers la fillette installée contre la porte. Elle sentait endormie, ses mèches sombres retombaient sur son visage. Elle était presque allongée, son visage pendouillait vers la gauche.
Je me penchai vers elle, et la première chose que mon corps décida de faire était de tendre la main vers sa joue.
- Pardon. Pardon. Pardon...

Voilà que je pleurais. C'était un niveau de niaiserie extrême là. Pitié que personne ne me voit comme ça.
- J'ai merdé. Depuis le début, et je le sais. Tout ce que je voulais... c'était que tu me sourisses. Juste une fois. Sincèrement.

Mes yeux détaillèrent cette tenue qu'elle avait mise spécialement pour moi. Sa robe lui allait vraiment bien, mais je ne lui avais pas dit et je lui dirai jamais. Ses sourcils et ses cils étaient trop parfaits. Ses lèvres légèrement entrouvertes étaient elles aussi vêtues : de gloss, certes, mais vêtues quand même. Pris d'une envie soudaine de profiter de son sommeil pour une bêtise que, je le découvrais aujourd'hui, j'eus toujours eu l'envie de faire, je penchai mon visage pour l'embrasser.
Elle ne sentait rien. Ne savait rien. Ne voyait rien. N'entendait rien. Et... je préfèrerais que ça reste ainsi. Parce qu'elle aurait pitié du monstre, alors qu'elle devait s'en aller loin de lui.
Ma promesse était déjà prête :
- Je ne te toucherai, ne t'approcherai jamais plus. Je te répugne et je le sais, abrutie. Je veux la Rédemption. Je l'aurai jamais. Alors je veux que tu sourisses même si ce n'est pas à moi.

J'allais tout bonnement disparaître de sa vie. Encore.
Tout ce que je garderai d'elle, c'est le souvenir de ce contact chaud sur mes lèvres et ce souffle sur mon visage apaisé couvert de larmes de dégoûte envers moi même.