Méfie-toi

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PDV FLORA :

J'ai foutu le bordel, c'est bon. Plan réussi, et théorie vérifiée. Je suis fière de moi.
Je souriais sadiquement, victorieuse, mais les mots de Hugh tournaient en boucle en moi.
Être plus discrets, hein ?
Le pire était qu'il n'avait certainement pas remarqué un petit détail à cause de l'obscurité.
Pierre va me tuer.
« Pas encore. »
Je me claquai brusquement les joues de mes deux mains.
On n'allait jamais ensemble : c'était un prof. Mais... vivre avec lui me suffisait. Enfin, je croyais. Je ferai avec, de toute manière. D'ailleurs, je pensais à lui signaler avoir compris, avoir réussi, avoir tout résolu.
J'avançais en marchant très lentement vers son bureau impeccable. Je ne comprenais d'ailleurs toujours pas pourquoi il aimait tant que son environnement soit à ce point propre. Cependant, il fallait avouer que le voir en tenue de ménage le week-end était assez drôle, et qu'il était plutôt mignon ainsi. ( NDA : Livaï, sort de ce corps ! 😂)
Et les filles de la classe qui bavaient devant lui... et ben moi, j'avais dormi dessus. Mais ça, je ne pouvais pas le dire, pourtant, c'était tentant, vu ce que parfois elles disaient et imaginaient de lui. Ça les ferait taire.
Je riais de moi-même, avant d'ouvrir la porte de sa salle sans même toquer.
Pitié, qu'il ne remarque pas.
Pierre : Flora, combien de fois t'ai-je dit de toquer, ou au moins de t'annoncer ?
- Je suis navrée, Monsieur.

Je fermais la porte derrière moi avant de m'installer sur la chaise ( pas lui, bien entendu ) d'en face.
Pierre : Qu'est-ce que tu veux ? Je suis sincèrement désolé, mais je travaille...
- Te dire que ma théorie était juste.

Il ne m'écoutait déjà plus. Sa conscience analysait des feuilles, les corrigeait, pendant que sa main complétait chacune des réponses. Je gonflais les joues pour montrer ma frustration avant de murmurer.
- Ce soir, poulet rôti.
Pierre : C'est vrai ? Parfait, merci beaucoup ! Impeccable pour récompenser après une lourde et longue journée de boulot...

Il bavait déjà rien qu'en y pensant. De plus en plus vexée, je croisais les jambes et les bras en m'appuyant sur mon dossier.
- Monsieur, sauf votre respect, le fait est que je suis une élève, là, maintenant, et que vous devriez m'écouter car il pourrait s'agir de mon avenir. Et vous vous dîtes professeur ?
Pierre : Je suis vexé.
- Moi aussi, figurez-vous. Vous n'avez même pas décollé vos yeux de vos papiers. C'est à propos de Hugh.

Il sembla tout de suite plus intéressé par notre conversation et leva les yeux vers moi. Ses mèches bleues légèrement teintées de blanc restaient parfaitement dessinées, et ses yeux d'un bleu profond me dévisageaient avec impatience et amusement, comme à son habitude. Il tenait son crayon dans sa main bizarrement, mais je ne lui en fis pas la remarque.
Parfait, il regarde mon visage et non pas mes vêtements. Je vais survivre à cette journée. J'espère.
- Ils ont fait semblant de sortir ensemble durant le karaoké. Et il l'évite pour qu'elle soit heureuse. Sans lui.
Pierre : Je ne comprendrai jamais les ados...

Il souffla et joignit sa main sous son menton tout en changeant les doigts qui maintenaient son crayon. Il croisa ses longues jambes.
Pierre : Je suppose que tu as râlé, comme à ton habitude ?

Je fronçais les sourcils pendant qu'il afficha une mine apeurée sous le regard noir que je lui adressais.
- Oui.
Pierre : B...bien... ne te vexe pas, Flora... c'est très bien, ça va le remettre en question...
- Vous faites quoi, pour être aussi peu concentré ? Je vous ai rarement vu aussi suicidaire.

Il avala difficilement sa salive, toujours aussi effrayé, avant de lever les mains en l'air comme pour admettre sa défaite. Je m'avançais vers lui et me penchai vers ses documents, mais...
Mince, je viens de faire l'erreur la plus stupide de ma vie.
Je pouvais entendre son cerveau faire « tilt » lorsqu'il vit mes vêtements.
Pierre : Flora.
- O-oui ?
Pierre: Je ne rêve pas ? Tu as fouillé dans mon armoire pour mettre un de MES pulls, pire, pour aller au lycée ?
- Non...
Pierre : Ton inconscience est incroyable.
- Pourquoi ce serait de l'inconscience ?
Pierre : Si quelqu'un avait reconnu ce pull, hein ?!
- Oui et ben... c'est pas de ma faute si vos pulls sentent divinement bon...!

Oups.
Il se figea un instant, l'air choqué par mes paroles.
Dites-moi que je ne l'ai pas énervé. Pitié, je ne veux pas nettoyer la maison à la brosse à dent. Je prendrai la sienne, de toute manière...
Il se leva ensuite avant d'avancer pas à pas vers moi, l'air toujours autant énervé.
Faut croire que si... Hugh, tu avais raison. Ma discrétion est tout un art. J'espère que Touko pourra me préparer un bel enterrement. Je vais mourir. J'ai jamais pu bécoter qui que ce soit, je refuse de mourir !
Il continua d'avancer, pendant que prise de peur sous mes pensées contradictoires qui divaguaient, je reculais. Il semblait fiévreux, ou juste était-ce son visage agacé, je ne le savais pas. Mon dos se cogna violemment contre le mur pendant que son bras, tendu, s'aplatissait sur le côté de ma tête. Il semblait tout d'un coup bien plus imposant, plus masculin, plus effrayant.
On se croirait dans une scène clichée de shojo... c'est peut-être pas le moment pour ce genre de pensées, non ?
J'essayais de prononcer son nom correctement, mais ne sortit qu'un bégaiement.
- P...Pierre ?
Pierre : D'après ce que je vois, tu n'as toujours pas compris ce que signifie « méfie-toi de moi ». Ne dis pas de choses comme celle-là devant moi, Flora.
- Mais... pourquoi ?

Mon prénom avait été murmuré à mon oreille, me faisant virer au cramoisi. Son visage s'avançait dangereusement du mien, lentement, mais sûrement. Mon coeur accéléra sous le stress au même rythme que ses yeux approchaient des miens. Ses lèvres s'approchaient des miennes aussi, tout doucement, jusqu'à les frôler délicatement comme un objet précieux et simple à briser, comme s'il ne méritait pas de les toucher mais que l'envie était plus forte que tout en cet instant.
Il va vraiment...?
J'avais arrêté de me débattre, j'étais figée. Peut-être qu'une part de moi le souhaitait, mais l'autre avait peur de ce visage de Pierre qui m'était totalement inconnu. Peur de ce qu'il pouvait faire. Mais peut-être aurais-je du supposer que c'était l'objectif recherché. Son bras était toujours tendu, et son autre main a posé tout aussi délicatement sur mon épaule. Je n'attendais que le contact, fermant même les yeux, quand d'un coup, il se retira. Mes lèvres s'étaient entrouvertes de peur au même moment. Je n'osais rien dire.
Pierre : Parce que je suis un homme avant d'être un professeur. Alors pour la dernière fois. Méfie-toi, on ne sait jamais. Ne baisse jamais ta garde devant moi. Ne crois surtout pas que je suis insensible ou pire, digne de confiance, car ce n'est pas le cas. Et ça... c'est valable pour tous. Même pour la personne que tu aimes. Dorénavant, tu es plus que prévenue.

Son visage s'était crispé, comme prit d'une douleur atroce invisible, en disant ces dernières phrases, puis il reprit ses distances avant de me tourner le dos.
Ce sentiment... c'était quoi ?
Je baissai la tête, mon rythme cardiaque toujours pas calmé. La scène défilait sous mes yeux encore en cet instant.
Il sortit rapidement de la salle pendant que je commençais à reprendre mes esprits.
Attends... j'ai pas rêvé ?!
Je me pinçais fortement le bras afin de vérifier.
Non... il avait failli m'embrasser ! Pire ? Ce sentiment... c'était de la déception, non ?
J'étais déçue de lui, sûrement ça. Allez, petit coeur, calme toi, c'est fini...
J'avais beau me dire cela, il battait toujours furieusement dans ma poitrine. Et c'était lui qui dirigeait mes pensées.
Dommage...
Hein, dommage de quoi ? J'étais ridicule.
Je serrai aussitôt les poings, et me précipitai en entendant la sonnerie annonçant la fin des cours.
Mais j'avais peur de rentrer. Quel comportement devais-je avoir avec lui ? Quels mots, excuses seraient suffisants ?
Peut-être aurais-je dû lui dire à ce moment là que j'aurais aimé qu'il le fasse réellement.
Dans trois, jours, le cross allait avoir lieu.

Le coeur à L'ouvrage Où les histoires vivent. Découvrez maintenant