La Grande Roue

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PDV TOUKO : KARAOKÉ 3)

Habillée d'un simple shirt, un tee-shirt noir, les cheveux attachés en une queue de cheval et ma casquette habituelle, j'attendais N près de l'entrée du parc d'attraction. Je l'avais invité un peu sur un coup de tête, et je refusais d'y aller seule. Venir avec lui était peut-être un prétexte pour me faire pardonner ? Je ne le savais point.
Je regardais une fois de plus ma montre : il était en retard.
Il va pas... ne pas venir quand même ?
J'avais la boule au ventre. C'était vrai, pourquoi irait-il avec moi faire des manèges ? C'était stupide ! J'aurais dû ne pas demander...
Je fais demi-tour et j'abandonne ?
Je me préparais à rentrer, le coeur lourd, avant d'entendre une voix familière portée par le vent. Celle-ci était grave, son accent était léger et agréable à écouter. Pour même dire, il avait un timbre légèrement cassé.
N : Tu comptes littéralement me planter alors que je suis venu ?
- N ! Non, mais je croyais que toi enfin...

Je croyais que toi tu me planterais par contre.
Je gardais ces mots pour moi pour ne pas le vexer.
- Je croyais que tu ne viendrais pas.
N : Je n'ai aucune raison de faire ça.

Enfin, si, mais bon... je vais m'abstenir de le dire aussi.
Je lui attrapai la main de force avant d'entamer mon petit bout de chemin jusqu'à la première attraction en l'entraînant derrière moi, toute joyeuse et lui, sourire aux lèvres.
Je cherchais des attractions à sensations, bien qu'angoissée par le potentiel mal que pourrait ressentir mon ami, mais je me délectais de sa tête d'avance.
Mon coeur battait d'excitation. J'avais hâte. C'était une émotion simple et courante, mais je ne l'avais jamais plus ressentie depuis Ray. Soudain, il m'arrêta et me sortit de mes pensées.
N : Attends, tu comptes vraiment faire des manèges ? À ton âge, quand même...
- Tu pensais qu'on ferait quoi ? La sieste ?
N : Non...
- Et il n'y a pas d'âge pour ça...

J'étais vexée par sa remarque, mais il serra sa main dans la mienne, qui émanait une douce chaleur. Je me retournais vers lui en tenant de chercher son accord avant de l'emmener jusqu'à mes jeux préférés, ce qu'il accepta visiblement à contre-coeur pour me faire plaisir.
N : À condition qu'on aille aux stands de nourriture... et à la grande roue à la fin...?

Il semblait avoir bien hésité à poser sa question, et me regardait d'un air timide en attendant ma réponse. Je souriais de toutes mes dents en le voyant ainsi, et acquiesça dans la seconde.
- D'accord, N !

Je remarquais qu'il semblait heureux dès que je prononçais son nom. La culpabilité se lisait sur son visage assez régulièrement, mais cette fois il en était autrement : c'était réconfortant.
Les gens qui nous voyaient ainsi devaient nous prendre pour un couple, mais je m'en moquais et continuer de tirer sur sa main vers chaque manège.
Il aimait particulièrement, j'avais remarqué, ceux qui se déroulaient dans les airs : ses cheveux volaient et c'était sans aucune hésitation qu'il lâchait les barreaux qui nous retenaient en vie durant pour crier de joie avec les autres. Il semblait revivre !
J'étais vraiment contente de l'avoir invité et qu'il fut venu. J'avais également une petite pensée pour la classe, qui à l'heure actuelle devaient être soit en train de s'ennuyer tranquillement chez eux, soit au karaoké à s'en casser la voix, à s'ennuyer, à chanter, ou peut-être à s'embrasser, qui sait ?
Flora devait être dans son coin en évitant Serena pour ne pas avoir à chanter, tandis qu elle devait brailler avec Kalem, complètement blasé, dans ses bras fermement serrés autour de ses épaules. Mei devait être en train de mettre tous en couple juste pour s'amuser. Gloria, cette fille si gentille mais difficile d'accès, devait ne pas être venue. Quoique, et si c'était le cas, je serais ravie de pouvoir enfin lui adresser la parole et m'amuser avec elle à l'avenir !
Cependant, je préférais nos activités à nous, N et moi.
Nous, nous étions là, sur ce train menant aux endroits sombres dans le ciel, qui au fur et à mesure de nos éclats de rires se rapprochait de la nuit étoilée, sur ce huit tournant encore et encore jusqu'à nous faire vomir, à ces stands de barbes à papa aux goûts divers, de crêpes voire gaufres sucrées et chocolatées. Nous étions là, avec nos granités framboise coca et fraise que nous nous partagions pour goûter, à en glacer les dents, et là à écouter cet orchestre aux chanteuses aux voix magnifiques et aux danseuses aux costumes colorés. Nos mains, tout le long, étaient restés solidement scellées entre elles et venaient se chercher mutuellement, elles semblaient se combler parfaitement. La sienne était grande, bien plus que la mienne, avec cette fameuse chaleur que j'avais tant recherché depuis ce champ ensanglanté. Depuis cet anniversaire maudit. Ce cadeau qui fut mon cauchemar. Cette mort qui fut mon tombeau, à moi aussi, malgré que mon coeur, frénétique et tout aussi puissant qu'avant, fonctionnait toujours contrairement au sien.
En fait, j'avais recherché quelqu'un qui me comprendrait tout ce temps. Quelqu'un avec qui partager tout ça sans ressentir ce remord. Quelqu'un qui me pardonnerait. Et l'avoir trouvé me faisait un bien fou.
Lui aussi, bien qu'il ne le disait pas.
Le destin avait-il été si cruel envers nous exprès pour organiser notre rencontre ? Si c'était le cas, quelle ironie. De la souffrance pour un bien certains diront, d'autres un traumatisme pour la vie seulement. Je penchais pour la deuxième option, mais pas ce soir là.
Tel était mon état d'esprit quand nous rentrâmes tous les deux, alors que le soleil couchant prenait place tout là haut, dans une des nombreuses cabines de la grande roue. Celle-ci s'éleva petit à petit, dans un silence d'aplomb.
Nous étions face à face, à regarder par la fenêtre.
- N ?
N : Oui, Touko ?
- Merci pour cette journée. Je suis contente d'être venue avec toi !

Un petit sourire éclaira son visage cachés par des mèches vertes.
N : Tout le plaisir est pour moi.
- C'est vrai que tu avais l'air d'apprécier.
N : Je m'amusais vraiment. C'est à moi de te remercier pour m'avoir invité.
- Oui !
N : Dis ?
- Qu'est-ce qu'il y a ?
N : On y reviendra, tous les deux, comme aujourd'hui ?
- Avec plaisir ! C'est une promesse, hein ?!

Il hocha la tête avant de tendre le petit doigt dans ma direction. Je levais alors ma main, et serra celui-ci avec le mien, signant ainsi notre accord : nous reviendrons.
La grande roue cessa alors de bouger, alors que nous étions en hauteur, sourires aux lèvres. Sur le moment, je paniquai, jusqu'à entendre la voix de l'homme qui faisait fonctionner celle-ci.
Contrôleur : Rassurez-vous, il n'y a aucun problème technique. Étant donné que seuls trois couples sont ici, et que personne n'attend, je me suis dit que vous apprécierez de voir le feu d'artifice d'en haut !

Et un « BOUM » se fit soudain entendre, nous faisant sursauter. Le feu d'artifice avait en effet commencé. Je vins m'installer à côté de mon ami, et encore une fois nous nous serrâmes la main en regardant ces couleurs émaner du sol jusqu'au ciel. Le rouge, violet et vert étaient les couleurs les plus revenantes, explosant gracieusement mais... pas silencieusement !
En un seul mot : c'était juste magique. Il était rare que les contrôleurs faisaient ça, et le voir ainsi dans cette cabine ne rendait cela que plus beau. Nos cheveux et visages s'illuminaient en même temps que le firmament qui était maintenant étoilé... mais couvert de la fumée.
- Tu sais ce que sont des feux d'artifices ?
N : Je ne me suis jamais posé la question, à vrai dire.
- Ce sont différents matériaux qui font les couleurs qui explosent. Le violet par exemple est fait avec du potassium !
N : Et le vert ?

Il semblait intéressé et même complètement submergé par ce que je venais de dire.
- Du baryum !
N : Impressionnant que tu saches tout ça.
- J'adore les feux d'artifices.
N : Pourquoi, dis-moi ?
- Parce que certes c'est bruyant et très lumineux à en piquer les yeux, mais ça reste beau. Et...
N : Et ?
- Et ça rapproche les gens. La première fois que l'on en voit un, on prend toujours peur. Mais quelqu'un vient nous aider et nous calmer: père, mère, oncles et tantes, grands parents. Ensuite, une fois plus âgés, on vient en voir avec ses amis pour créer des liens encore plus forts. Ensuite, on vient accompagnés de la personne que l'on aime. C'est devenu cliché tellement cela fonctionne, paraît-il. Enfin, une fois parents, c'est notre tour de calmer et rassurer l'enfant effrayé et le cycle continue. En fait, un feu d'artifice, c'est nous.
N : Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle. Je trouve cela beau, mais je n'avais pas approfondi la question. Tu es plus mâture que tu ne le paraît ! Et pourquoi c'est « nous » ?
- Parce qu'un feu d'artifice est beau, coloré et parfois plus sombre. Il est plus ou moins grand, plus ou moins bruyant, plus ou moins lumineux. Mais il est éphémère. Il faut profiter de chaque petite explosion jusqu'à la fin. Comme nous !

Il sourit à ces mots, et j'en fis de même. Une fois la soirée terminée, il me ramena chez moi, lentement mais sûrement, puis une fois remercié je rampais d'épuisement jusqu'à ma chambre et je finis par m'endormir, complètement claquée par cette journée.
Merci, N.

Coucou ! Voici mon chapitre 17 de cette fanfiction. J'avoue que pour le coup, j'en suis contente !
En espérant qu'il vous aie plu ! Bisouuus

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