Le coeur à L'ouvrage

N

PDV TOUKO : { FLASHBACK }

- Ray, tu devrais pas rouler aussi vite !
Ray : Ben en fait... le frein... il marche plus...

Mes yeux s'ouvrirent rond sous la nouvelle. Il était environ vingt heures, et le lendemain, j'allais avoir seize ans. Lui en avait dix-huit.
Ray était un garçon aux cheveux mi-longs verts. Il avait les yeux en revanche bleus. Il était d'un naturel optimiste et blagueur, mais ça donnait son charme. Celui-ci portait un jean simple avec une simple chemise blanche. Nous sortions d'un rendez-vous.
J'étais éperdument amoureuse de lui, et c'était mon premier amour.

{ FIN FLASHBACK }

La dernière fois que je l'eus vu, c'était sur ce champ de tournesols, son corps d'athlète baignant dans son propre sang que les plantes absorbaient ensuite. C'était un spectacle horrible qui donnait la nausée, des remontées acides, des hauts-le-coeur et... qui faisait couler abondamment mes larmes au même rythme que son corps refroidissait, que la chaleur le quittait.
J'aurais dû mourir ce soir là.
Et pourtant... j'étais vivante, malheureusement, sauvée de justesse par les infirmiers et chirurgiens. Pourtant... j'aurais préféré mourir avec Ray.
Cela faisait un an aujourd'hui, très exactement, depuis cet accident. Un an que son fantôme hantait mes rêves, ou plutôt cauchemars, d'autant plus sombres en ces jours et m'empêchant donc de dormir. Je n'avais pas faim. J'étais juste... triste, anéantie par sa mort que j'avais sur la conscience car...

C'était de ma faute.

Il m'avait demandé qu'est-ce qui m'aurait fait plaisir pour mon anniversaire. Et... je lui avais réclamé un rendez-vous, ce qu'il eut accepté avec plaisir.
Je savais la voiture un peu cassée, et je savais aussi qu'il fallait l'emmener chez un garagiste... mais j'avais répondu que ce n'était pas si grave que ça... or ça l'était. Le frein nous avait lâché sur la route du retour, nous faisant dégringoler d'un champ. Ray s'était pris les morceaux de verre de sa fenêtre dans la tête, sa jambe s'était arrachée et...
Il était décédé quinze minutes plus tard d'une hémorragie externe. Quant-à-moi je m'en étais sortie malgré la perte de beaucoup de sang et mon état de choc. J'ai eu beau essayer, je n'avais pas pu le sauver.
Je me réveillai en sueur, encore une fois.
Ah oui... Flora est passée. D'ailleurs, elle est où ?
Je me levais doucement, essuyant mon front, et serrant contre moi mon oreiller.
J'entendis la voix de mon amie, celle de ma mère et... celle d'un homme.
Je m'approchais, méfiante. Mes yeux de lapins russes devaient se voir à dix kilomètres mais je m'en fichais. Et là, j'eus comme l'impression que l'enfer s'ouvrait sous mes pieds, un couteau semblait se planter dans ma chair, dans mon dos, dans mon coeur.
J'hallucinais encore.
Je frottai mes yeux comme pour m'assurer que c'était la réalité, pendant que les larmes coulaient toutes seules. En trois jours je n'aurais jamais cru pouvoir pleurer autant.
- R... Ray...?

Le garçon se tourna brusquement vers moi. Il avait les mêmes cheveux verts magnifiques mais en beaucoup plus longs, avait presque les mêmes traits que lui mais...
Ses yeux étaient verts aussi. Il avait une casquette lui recouvrant le crâne.
Je le savais. C'est impossible, je suis une idiote, je l'ai vu mort.
Je tournai les talons avant que l'on ne s'aperçoive que je pleure.
Mon coeur était serré dans ma poitrine douloureuse.
Je sentis deux bras m'enlacer par derrière, et une odeur inconnue emplir mes narines. Un parfum masculin, presque rassurant.
? : C'était mon frère. Tu étais... avec lui, non...?

Je sursautai. Je ne bougeais plus, je me fichais, tout compte fait, que l'on me voie. Flora m'observait d'un air compatissant avec un sourire.
- ... oui.
? : Je suis désolé.
- C'est à moi de m'excuser. Tu ne serais pas si sympathique si tu savais à qui va la faute.
? : Un rancard raté. Du moins à la fin.