Sommeil léger

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PDV KALEM :

Quel dommage pour ces deux-là. J'avais raison. L'amour n'apportait que des problèmes. L'amitié entraînait l'amour et ainsi de suite. C'était un cercle vicieux.
Hugh avait embrassé Mei avant de partir les yeux mouillés et rougis. Chose bête parce qu'elle faisait semblant de dormir. Je le savais car une fois parti, elle avait passé soigneusement sa main sur là où il l'avait touchée.
Ça me regarde pas. Autant partir.
Pour certains il était autorisé de rester dormir dans le garage d'un type de la classe tous ensemble. J'avais enfin réussi à me débarrasser de la pot-de-colle-qui-a-failli-se-faire-attraper. Pourtant, j'étais rassuré de voir qu'elle ne semblait pas traumatisée tant que ça par le paparazzi.
Remarque : elle devait vivre ça tous les jours vu sa beauté physique et sa popularité.
Claque mentale. À quoi je pensais ?
Comme je le disais avant que mes pensées ne se perdent, après que Serena eut insisté pour que je participe à cette soirée pyjama, j'avais malheureusement accepté.
Pourquoi ? Je ne savais pas.
Mais je l'avais fait, et j'allais devoir assumer.
Victoire un partout pour l'ange et la conscience, qui cette fois, encore une fois malheureusement, avait perdu.
Je mangeais pour la première fois depuis un long moment une glace pendant que les autres s'amusaient avec le babyfoot alors que les filles, comme des groupies, encourageaient ces macaques bruyants.
La seule silencieuse parmi tous... était celle qui m'avait traîné dans ce foutoir. Je ne sais pas comment c'était arrivé, mais elle s'est littéralement incrustée sur mes genoux comme si de rien n'était, a volé un morceau de ma glace sous mes « Mmmm » de protestation qu'elle n'a pas su visiblement déchiffrer et s'est endormie aussi rapidement qu'elle ne m'avait agacée.
- Serena... debout.
Serena : Mmm. Elle est où Mei ?
- C'est ma réplique ça. Et elle est partie.

Je soupirai avant de l'observer. Sans défense encore une fois. À croire qu'elle voulait qu'on voit d'écrit sur son visage à elle « je suis libre et une actrice magnifique, aimez-moi ». Surtout que cela collait parfaitement à son personnage.
Faut que j'arrête d'avoir ce genre de pensées.
Je ne décrochais pas mes yeux de ce spectacle pitoyable.
Pitoyable mais... bizarrement, plaisant.
Garçon : Kalem c'est ça ? Viens jouer !
- Mmmm.
Garçon : Ça veut dire oui ?
- Non.

Il vit soudain la fille dont je servais d'oreiller, et souris avant de tendre la main vers elle.
Sa main s'était arrêtée à quelques centimètres de son crâne et ne voulait pas continuer sa course. Je commençais à me poser des questions, quand...
Garçon : Mec... tu me fais mal...

Je me rendis soudain compte de mon geste.
J'avais arrêté de ma main le poignet du brun, sous les yeux ébahis de tous, et j'avais qui plus est serré ma poigne jusqu'à ce que son poignet soit presque tordu.
Oups. Pourquoi j'ai fait ça moi ?
Je le lâchai avant de de nouveau soupirer bruyamment.
Garçon : Ça va ?
- Mmmm.

J'avais heureusement toujours mon cahier de dessin sur moi. Afin de fendre l'ignorance, je commençais à sortir mes crayons et à dessiner le visage endormi de Serena par manque d'inspiration.
Ses cheveux éparpillés sur mes genoux très moelleux visiblement, ses yeux fermés aux cils longs, ses joues arrondies et ses lèvres fines.
Claque mentale encore une fois : et si elle finissait par voir ça, quelle excuse allais-je pouvoir sortir ?
Je soupirai avant de ranger mon cahier, dessin terminé, et de passer ma main dans ses cheveux.
L'amour, ça attirait des problèmes. Et de la tristesse. Alors pourquoi certains s'y risquaient ? Pourquoi je pouvais pas me lever et la pousser ?
J'avais beau y réfléchir, l'ange disait toujours amour et la conscience disait en réponse pitié.
L'ange disait coeur, la conscience disait cerveau.
Et j'avais beau essayer de choisir, le pour et le contre de chacun étaient égaux.
Tristesse et bonheur en même temps. Sensations bizarres mais il paraît car c'était écrit dans les livres, plaisantes. Réponse parfois mauvaise. Encore tristesse.
Pas de problèmes, pas de sentiments, pas de réponse déroutante, pas d'engagement, pas de soucis. Éloignement des autres, solitude, tristesse.
Mais ça, je ne dirai jamais que je le ressentais.
Je me mordis la lèvre, les yeux dans les vapes.
Serena n'était pas quelqu'un à fréquenter. Célèbre, jolie et légèrement stupide. Entourée. Souriante. Tout mon contraire.
Nous étions trop opposés.
Et pourtant... j'avais envie d'essayer.
Sans même que je me rendis compte de mes gestes, mes doigts allaient et venaient des ses cheveux châtains clairs que je démêlais au passage. La sensation était douce mais désagréable à la fois. Parce que je savais sûrement qu'elle ne durerait pas.
Je ne vais pas rester finalement. Je voulais réfléchir.
- Toi là. Viens là et aide-moi.

Je fis en sorte de ne pas bouger immédiatement quand Trovato, un garçon de notre classe me semblait-il, installa ses jambes sous son derrière et déposa délicatement la tête de la jeune fille sur celles-ci.
Ça me plaisait pas, mais bon.
Je me levai et regardai une dernière fois les deux confortablement installés, et le garçon souriant timidement, puis partit sans faire demi-tour.
Aimer ou rechigner ? À moi de voir.

PDV SERENA :

- Pourquoi est-il parti ?
Trovato : Je ne sais pas vraiment, mais il avait l'air en colère. Comme souvent, j'ai envie de dire.
- Je vois.

L'avais-je une fois de plus énervé ? Peut-être, mais ce n'était pas mon objectif.
- Il m'avait promis de rester...
Trovato : Mais tu t'en fiches, non ? C'est un idiot qui n'aime personne.
- Je refuse de croire qu'il n'aime personne.
Trovato : Tu vas être déçue. Tu devrais te concentrer sur des gens accessibles. Il te déteste. Ça se voit, tu le dégoûtes.

Je sentis à la seconde mon visage blêmir et un frisson me parcourir.
- Je le... dégoûte ?
Trovato : Oui. Il te déteste et c'est évident. Il a juste pitié de toi.
- Déteste...?
Trovato : Oui, Serena.

Je cherchais mes amies du regard pour leur demander afin d'avoir leurs avis. Problème ? Travis et Gloria étaient partis ensemble, et Mei avait disparu. Flora était partie voir son soi-disant petit-frère malade, et Touko était en rendez-vous.
Le poids de la vérité qui venait de m'être annoncée faisait étrangement mal. Pourtant... je le savais, non ?
Trovato : Oublie-le. Tu l'aimes ou quoi ?
- Non...
Trovato : Alors pourquoi t'accrocher ?

Ce n'était pas ce demi- sommeil qui m'avait fait découvrir ce qu'il pouvait bien penser de la proximité que je lui avais imposée. Encore moins de ce que moi-même je recherchais.
Je ne l'aimais pas. Il était juste intriguant. Alors pourquoi je m'accrochais ?
Trovato : Il est laid, bête et méchant avec toi. Alors que tous sont derrière toi. Une seule personne te rejette, et tu l'approches quand même. Alors qu'au fond tu savais pertinemment qu'il le ferait encore et encore. C'est aussi un menteur. Un jour il fait comme s'il t'appréciait puis il te poignarde. Et tu sais comment je sais tout ça ?
- Non...?
Trovato : Parce qu'il me l'a dit.

Il y va fort. Trop fort.
Pleurer n'était pas une habitude chez moi, et je refusais de le faire devant les autres.
- Alors il me déteste, hein ?

Je souriais de toutes mes dents, enfilant ce masque invisible que j'avais tant de fois porté, avant de m'enfuir en claquant la porte.
Il me déteste.
Cette phrase tournait en boucle comme un enregistrement, une mélodie. Mélodie dont la voix était fausse et crevait mes oreilles.
Pourquoi il ne me l'avait pas dit en face ? Pourquoi à Trovato, qui plus est ?
Le coeur en miettes, je partis aussi rapidement que ma joie s'était envolée.

PDV TROVATO :

Je suis particulièrement fier de moi.
Cela faisait maintenant un certain temps que j'étais amoureux de Serena. Et parmi tout son fanclub, il fallait qu'elle s'intéresse au seul que tous détestaient. Seul qui n'était pas membre. Ce type était la risée des garçons de notre classe, le seul que je refusais de voir avec elle. Je voulais que ce soit moi de préférence, bien sûr.
J'avais bien évidemment menti : Kalem ne parlait à personne, certainement pas à moi, encore moins de ses secrets et amourettes, et vu ce qu'il avait fait quand elle dormait, il ne la détestait pas. En plus, il était très loin d'être laid. Cela crevait les yeux, mais elle avait gobé tout ce que je lui avais dit.
Maintenant, elle ne l'approchera plus. C'était mon tour d'entrer en scène. Il était temps qu'il s'éloigne et la laisse en paix. Qu'il me laisse le champ libre. Car je savais que si cela continuait ainsi, cela allait tourner en amour réciproque et ç'aurait été mauvais. Très mauvais.

Le coeur à L'ouvrage Où les histoires vivent. Découvrez maintenant